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Les nouvelles technologies sont de plus en plus performantes et intrusives
Les nouvelles technologies sont de plus en plus performantes et intrusives
©Reuters

Nouvelles addictions

Les nouvelles technologies sont partout au point qu'on ne peut pas y échapper, ou presque. Ainsi, entre usage régulier et vraie addiction au numérique, la frontière est mince. Premier épisode de l'addiction numérique, demain : Comment s'en sortir.

Michael  Stora et Dan Véléa

Michael Stora et Dan Véléa

Michael Stora est psychologue clinicien pour enfants et adolescents au CMP de Pantin. Il y dirige un atelier jeu vidéo dont il est le créateur et travaille actuellement sur un livre concernant les femmes et le virtuel. 

Dan Véléa est docteur et psychiatre addictologue à Paris. Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur les addictions, dont Toxicomanie et conduites addictives (Heures-de-France). Avec Michel Hautefeuille, il a co-écrit Les addictions à Internet (Payot).

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Atlantico : Portables, tablettes, ordinateurs, les nouvelles technologies nous entourent. Elles sont partout : au bureau, à la maison, dans les magasins… Nous en avons tous un usage régulier, à partir de quel moment pouvons-être considérés comme addicts aux nouvelles technologies ? Comment cette addiction se traduit-elle au quotidien ?

Michael Stora : Cela ne se traduit pas tant en terme d’heures passées sur les nouvelles technologies qu’en termes de rupture des liens sociaux réels. L’addiction se manifeste par un décrochage de la vie sociale : refus de participer à des repas de famille, moins de sorties en couple, abandon de ses responsabilités de parent... Pour les enfants cela commence par l’absence de présence au repas du soir et cela peut aller jusqu’à la déscolarisation. Les nouvelles technologies mettent la vie sociale au second plan petit à petit.

Pour lire les autres épisodes de notre série de la semaine sur les Nouvelles addictions, consultez notre dossier : ici.

Il faut faire le distinguo entre les moments excessifs et l’addiction. On peut avoir des périodes, courtes, d’utilisation excessive du numérique, cela ne traduit pas nécessairement une addiction. Les vrais dépendants ont ce comportement sur une longue période qui peut se compter en mois, voire en années.

Dan Véléa : La e-dépendance et le concept de cyberdépendance sont apparus vers le milieu des années 1990. Les premiers écrits sont nord-américains, Ivan Goldberg, suivi en 1996 par mes écrits français. Le concept concernait l’usage abusif et addictif de l’outil Internet par des jeunes étudiants dans le cadre de leurs études, par des joueurs sur ordinateurs, mais aussi dans des groupes de paroles (IRC – précurseurs des chats modernes).

L’évolution des outils informatiques s’accompagne par la suite d’une véritable explosion de demande consultation. La e-dépendance apparaît comme une véritable addiction, répondant à tous les critères scientifiques des maladies addictives :  focalisation sur un comportement, replis sur soi, désinvestissement d’autres centres d’intérêt.

Qu'est-ce que cette addiction révèle de notre profil psychologique ?

Michael Stora : L’addiction fait partie des pathologies narcissiques, ce sont des pathologies de la confiance ou de l’estime de soi. Internet est un révélateur, un amplificateur et un facilitateur d’une pathologie préexistante. La dépendance aux nouvelles technologies relève d’une dépendance aux autres, qui existe depuis bien longtemps, on la retrouve notamment dans la passion amoureuse. Cela se traduit par des individus qui vont vivre des histoires passionnelles avec quelqu’un sans jamais le rencontrer via des forums, des guildes… Sur Facebook ou les autres réseaux sociaux, on observe une dépendance au nombre de commentaires, de « likes », des tweets… au final c’est une nouvelle fois une dépendance à l’autre.

L’addiction est une lutte anti-dépressive, c’est une manière paradoxale de se soigner. A la base, il y a une problématique dépressive, Internet va être utilisé comme un « Prosac interactif » qui viendrait colmater les blessures. Chacun d'entre nous a des périodes où sa confiance en lui ou en elle peut baisser, après chez certains sujets c’est plus grave ; ces derniers  vont chercher dans les réseaux sociaux, dans ces mondes virtuels une manière paradoxale de se soigner.

Avec l'omniprésence du numérique, sommes-nous tous, dans une certaine mesure, accros aux nouvelles technologies ?

Michael Stora : D’un point de vue psycho-pathologique c’est très compliqué. Il y un an l’Académie de médecine a déclaré que l’addiction virtuelle n’existait pas, mais ce ne sont pas des cliniciens, ils ont reçu très peu de patients. Les cliniciens sont à peu près tous d’accord pour avérer l’existence de l’addiction numérique.

Ce n’est pas tant l’objet en lui-même qui compte : téléphone, tablette, ordinateur... Même si le Smartphone peut être qualifié de doudou sans fil, qui vient palier à une angoisse de solitude, une incapacité à être seul. De plus en plus, les gens décrochent des nouvelles technologies car cela ne leur suffit pas. Ils prennent conscience que les amis sur Facebook n’ont pas autant d’écho que dans la réalité. L’objet n’est qu’un médiateur, il n’est pas responsable de l’addiction en lui-même.

L’addiction au numérique sera-t-elle la maladie du XXIème siècle ?

Michael Stora : Ce n’est pas tant l’addiction virtuelle en elle-même mais l’addiction seule qui est la maladie du XXIème siècle. Cela révèle une fragilité profonde, la France est un des premiers pays consommateur de psychotropes au monde. L’internet en soit n’est pas une drogue, il a des pouvoirs addictogènes, mais la plupart des gens en l’utilisent pas de manière folle au point de ne plus avoir de liens avec ses proches.

Propos recueillis par Manon Hombourger

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