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Commémorer mai 68 ? Pas vous et pas ça Monsieur Macron !
©ETIENNE LAURENT / POOL / AFP

Il marche à reculons

Le Président de la République se livre à un détournement de cadavre. Ce n'est pas puni, hélas, par la loi.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Henri Guaino est un esprit fin doté d'une grande culture. Il a livré dans Atlantico un réquisitoire implacable, et en grande partie fondé, contre l'esprit de mai 68. Il y voit la matrice du nihilisme, de la permissivité, de l'individualisme, qui, selon lui, seraient au pouvoir aujourd'hui.

Henri Guaino estime que les "enfants gâtés de 68" sont les macroniens de notre temps et que Macron est leur héraut et porte-voix. Et là il se trompe. Macron en célébrant les barricades de 68 veut simplement, avec le concours du mal vieillissant Cohn-Bendit, mettre un peu de rouge sur les indices du CAC 40 qu'il contemple amoureusement.

Par choix, volontaire et réfléchi, l'ancien conseiller de Sarkozy retient, pour les tourner en dérision, deux slogans de 68 : "CRS = SS" et "jouir sans entraves". Le premier est imbécile. Le deuxième relève de la cour de récréation. Mais il en oublie un autre : "l'humanité sera heureuse quand avec les tripes du dernier bureaucrate stalinien, nous pendrons le dernier capitaliste russe". 

Guaino ne peut pas ignorer quand même que 68 fut AUSSI une révolte anti-communiste. Des dizaines de milliers d'étudiants défilèrent contre Marchais en criant : "nous sommes tous des Juifs-Allemands". Ce fut aussi une révolte antisoviétique, l'URSS étant, et c'était bien vu, assimilée au capitalisme d'Etat. En cela, mai 68, contrairement à ce que dit Guaino, ne peut pas être dissocié de Prague août 68. Même si, et c'est évident, il y a avait un peu plus de mérite à se dresser contre les chars de Brejnev que contre les grenades lacrymogènes de De Gaulle.

Que les soixante-huitards soient allés chercher leur corpus idéologique chez Trotski et Mao n'est pas autre chose qu'un bégaiement pathétique de l'Histoire. C'est affligeant en effet que d'avoir pu penser aux lendemains qui chantent avec ces deux personnages dont l'un fut un fanatique révolutionnaire et l'autre un monstre. Mais on ne doit pas occulter que derrière cette façade il y eut un souffle. Pas celui de l'individualisme forcené, contrairement à ce que dit Guaino. Celui du bonheur pour tous. Mais chacun sait que l'enfer est pavé des meilleures intentions…

Quant à Macron, il est dans sa posture un imposteur. Violer une sépulture pour s'approprier un cadavre, ce n'est pas très beau. Célébrer l'argent-roi, "ceux qui réussissent", et en même temps commémorer une révolte anticapitaliste, c'est faire preuve d'un cynisme au-delà de toute mesure. Mais il est vrai que le chef de l'Etat est un spécialiste du "en même temps". Plutôt qu'à 68, Macron ferait mieux de s'intéresser à "69, année érotique", si bien chantée par Gainsbourg. Cette année-là est toujours vivante. 

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