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Colombie : gros plan sur la partie cachée de l'accord entre les FARC et le président Santos
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La nature des secrets

Un accord entre le président Santos et les FARC ? Hourrah, la paix va revenir dans ce pays si longtemps ravagé par des luttes intestines violentes ! Pourquoi est-il alors impossible de consulter le termes exacts de l'accord ? Le président Santos aurait-il peur de ce qu'il a signé et d'accroître encore, par le secret, les tensions du pays ?

Eduardo Mackenzie

Eduardo Mackenzie

Eduardo Mackenzie est journaliste et écrivain. Il est notamment l’auteur de Les Farc ou l’échec d’un communisme de combat (Publibook, Paris, 2005).

 

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Après six mois de tractations secrètes à La Havane, le gouvernement colombien et l'organisation narco- terroriste des FARC ont annoncé, le 26 mai 2013, qu’ils avaient signé un accord sur « le premier point de l'ordre du jour des négociations ». Le prétendu «accord» sur la « transformation radicale du rural », selon la formule utilisée par un diplomate cubain, qui a lu la déclaration commune, pourrait être si néfaste pour l'économie colombienne que le gouvernement de Juan Manuel Santos et les FARC font tout leur possible pour cacher aux Colombiens le  contenu exact de l’accord.

Pour augmenter l'opacité de l’« accord sur le développement rural », le chef des négociateurs des FARC, Ivan Marquez, a déclaré, selon l'AFP,  qu'il « restait des détails à régler  sur la question agraire ». Marquez a ajouté que subsistaient aussi quelques « réserves ponctuelles qui seront réexaminées » par les parties. S'il y a des questions non résolues, s'il y a plusieurs «réserves» et s’il y a d'autres « détails » non encore négociés alors pourquoi disent-ils qu'il y a un accord ? Sans ces éléments, peut-on dire vraiment qu'il y a un accord ? Non, bien-sûr que non.

Il semble que le président Juan Manuel Santos a signé n’importe quoi et à la hâte ou, pire, a accepté les exigences des FARC, malgré le fait qu’il existe autant de divergences entre les parties sur certains « détails » cruciaux. Santos aurait insisté pour  qu’un « accord » soit signé afin de faire sortir de la torpeur les négociations par un effet d’annonce.

On peut penser à cela car l’annonce a été faite dans des conditions acrobatiques : à La Havane et par la bouche d'un fonctionnaire de la dictature de Castro, et non par le chef d'État colombien, comme il se doit et, surtout, parce qu’ils ont montré tout juste une ébauche d'accord, c'est à dire un texte qui n’a rien de précis.

Le texte livré à la presse ne contient que des phrases générales sans aucune  portée. Il dit que les parties ont l'intention de faire « des transformations radicales de la réalité rurale et agraire de la Colombie avec équité et démocratie. » Mais quelle démocratie peut-il y avoir lorsqu'un tel accord se refuse à divulguer son contenu exact et quand les parties choisissent de resservir  des formules abstraites connues depuis déjà huit mois?

Le Président Santos, avec une telle attitude,  cherche-t-il à rassurer les Colombiens sur le mystérieux « processus de paix » avec les FARC? Espère-t-il ainsi enrayer la forte baisse de sa popularité?

Vu sous cet angle, il n'y a qu'une conclusion logique: Juan Manuel Santos, pour préserver ses intérêts particuliers - comme l’éventualité de sa réélection à la présidence de la République en 2014 - n'hésite pas à jouer avec les intérêts stratégiques de l'économie du pays (la question agraire est au cœur de la macroéconomie colombienne).

Ce que nous disions en septembre 2012 devient de plus en plus évident: que les pourparlers à La Havane ne sont pas un vrai processus de paix, mais une tentative pour arriver à un accord de collaboration entre le président Santos et les FARC, c'est-à-dire avec « la principale transnationale criminelle de l’Amérique latine », selon les mots d’un excellent journal colombien. Cette alliance serait en train d’être  parrainée par les Cubains, par Caracas et par les gouvernements de l'ALBA (1).

N'oublions pas qu’au commencement même du «processus de paix», Ivan Marquez, le négociateur en chef des FARC, a déclaré à Oslo que ce qu'ils cherchent toujours, concernant le milieu rural, c’était l’application du « programme agraire des FARC », et rien de moins : éliminer la propriété privée de la terre, démolir l'agro-industrie, l'élevage et l'exploitation minière et créer des zones de réserves closes pour y asservir les paysans. Cette déclaration menaçante de Marquez a choqué la Colombie, mais elle a été immédiatement  relayée, le 14 octobre 2012, par 250 dirigeants et militants du Parti communiste de Colombie et par ses comparses, le parti Pôle Démocrate et par le Parti Progressiste.

Le programme agraire des FARC a été-t-il incorporé à l’« accord » annoncé hier ? Si cet « accord » n'est pas le programme rural des FARC pourquoi est-il si soigneusement caché à l'opinion colombienne et internationale? Pourquoi Santos considère-t-il comme légitime de négocier l’avenir de la ruralité colombienne avec une organisation terroriste qui n'a jamais représenté ni les agriculteurs ni le secteur rural en Colombie?

Il y a beaucoup de questions autour de cette annonce. Après cet accord que vont penser les propriétaires terriens légitimes en Colombie? Que vont penser  les paysans et les autres catégories et classes sociales vivant en zone rurale ? Est-ce que la propriété privée sera respectée pour chacun d'eux? Quelles sont les terres qui seront données aux paysans sans terre ? Selon quels critères ? Les propriétaires des terres qui seront classées comme « mal exploitées » seront-ils expropriés ? Qui fera ce classement ? Quelle sera la sorte de paysans, d’indigènes et d’afro-descendants qui seront enfermés dans ces «zones agricoles spéciales» si fortement exigées par les FARC ?

Le ministre de l'Agriculture, Juan Camilo Restrepo, a tenté de rassurer les entrepreneurs du secteur agricole en disant qu’« il n'y a rien à craindre de ce premier accord conclu avec les FARC ». Toutefois, il a dit ensuite quelque chose qui a déclenché de nouvelles inquiétudes. Il a déclaré que ses services ont  calculé  « que 45% des exploitations agricoles en Colombie ont des titres de propriété incertains ». Que prévoie l’accord par rapport aux terres dont la propriété serait « incertaine » ? Vont-elles être transférées aux FARC par l’intermédiaire d’hommes de paille ? Les FARC seront-elles les bénéficiaires du processus annoncé par Restrepo de « formalisation » des titres ?

Santos a commis une grave erreur en avalant l’imposture selon laquelle la terre est à l’origine de «la violence dans le pays ». Rien de plus faux. La violence actuelle a été causée uniquement par la décision des guérillas communistes d’agresser le pays. La Colombie était en paix après avoir abouti à  un pacte de réconciliation nationale, en décembre 1957, qui signait la fin des hostilités entre les libéraux et les conservateurs. Grâce à cet accord, la Colombie a modifié ses institutions et a regagné la paix. Depuis, aucune bande libérale a attaqué un village conservateur, et vice versa. Les seuls détracteurs de cette alliance transcendantale de réconciliation nationale ont été les communistes des FARC, ceux-là mêmes qui ont pris soin de relancer les atrocités, eux qui à cette époque s’appelaient de façon différente. L'agression des FARC contre la Colombie a continué jusqu'à aujourd'hui et a empiré avec l'arrivée du narcotrafic et avec la transformation des FARC en organisation narcoterroriste. Il n’y a pas d’explication « sociologique » à la démarche criminelle des FARC.

Dissimuler les termes exacts de l’accord contribue à accroître les tensions que les contacts à La Havane ont déclenchées entre les Colombiens. Cette dissimulation peut être le résultat d’une de ces deux choses: 1) Il n'existe aucun accord précis sur la question agraire ; 2) Les accords sont très précis mais ils sont tellement impopulaires et autoritaires que la consigne est de garder tout cela sous le secret le plus absolu.

Dans ces circonstances, le gouvernement Santos se prépare à aborder le second point de la négociation. Pendant ce temps, le cirque de propagande continue: les communistes ont carte blanche pour faire entrer en Colombie ces «experts» étrangers  et pour mettre en scène de nouveaux faux débats à l'Université publique et à l'étranger (en utilisant les consulats de Colombie dans plusieurs capitales étrangères), pour inoculer aux Colombiens  la ligne et les valeurs des FARC. Heureusement, la résistance populaire contre ces projets iniques va continuer de croître à travers le pays.

(1).- L' «Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique» est née à La Havane, en avril 2005, par la signature d'un traité commercial entre le Venezuela et Cuba. Ultérieurement, d’autres pays sont entrés : Bolivie, Nicaragua, Equateur, Dominique. L’Iran et la Russie sont des  « pays observateurs ».

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