Classement Pisa : ces autres causes majeures de l’échec scolaire contre lesquelles l’école ne peut pas grand chose<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron en visite d'une classe à Marseille, le 2 septembre 2021
Emmanuel Macron en visite d'une classe à Marseille, le 2 septembre 2021
©Photo AFP

Impuissance

Le ministre de l’Education nationale a annoncé une série de mesures qui signent la fin du déni sur le niveau scolaire en France. Mais tout ne dépend pas de lui. Ni de l’institution elle-même

Jean-Pierre Obin

Jean-Pierre Obin

Jean-Pierre Obin est ancien inspecteur général de l'Éducation nationale. Il a publié Comment on a laissé l’islamisme pénétrer l’école (Hermann, 2020) et Les profs ont peur (Éditions de l’Observatoire, 2023).

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Luc Rouban

Luc Rouban

Luc Rouban est directeur de recherches au CNRS et travaille au Cevipof depuis 1996 et à Sciences Po depuis 1987.

Il est l'auteur de La fonction publique en débat (Documentation française, 2014), Quel avenir pour la fonction publique ? (Documentation française, 2017), La démocratie représentative est-elle en crise ? (Documentation française, 2018) et Le paradoxe du macronisme (Les Presses de Sciences po, 2018) et La matière noire de la démocratie (Les Presses de Sciences Po, 2019), "Quel avenir pour les maires ?" à la Documentation française (2020). Il a publié en 2022 Les raisons de la défiance aux Presses de Sciences Po. Il a également publié en 2022 La vraie victoire du RN aux Presses de Sciences Po. En 2024, il a publié Les racines sociales de la violence politique aux éditions de l'Aube.

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Olivier Revol

Olivier Revol

Le Dr Olivier Revol est chef du service de neuropsychiatrie de l’enfant à l’Hôpital neurologique au CHU de Lyon. Il est un des tout premiers pédopsychiatres à s’être consacrés aux enfants dits hyperactifs qu’il accueille depuis plus de vingt ans. Il a publié avec succès: Même pas grave, L’échec scolaire ça se soigne (2006) et J’ai un ado mais je me soigne (2010) aux éditions Lattès.

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Atlantico : Le rapport PISA 2022 vient de tomber et, en France, les résultats n'ont jamais été aussi bas. D'après l'OCDE, le niveau des élèves de 15 ans accuse une baisse dans les trois disciplines étudiées, qui comprennent mathématiques, compréhension de l'écrit et sciences. L'enquête révèle également une stabilisation des inégalités sociales. Une stratégie nationale sur les troubles neurodéveloppementaux vient par ailleurs d'être lancée en France. Que dire de la façon dont les diagnostics pour TDAH sont distribués et quel est l'impact de ceux-ci sur l'échec scolaire ?

Olivier Revol : Je suis les résultats de Pisa depuis une dizaine d’années. Effectivement, alors que le niveau reste à peu près le même depuis 10 ans (très moyen), il semble chuter en 2022. Ce n’est bien sûr pas lié uniquement au TDAH. Ceci dit, avec trente ans de recul, je me rends compte que le nondiagnostic de TDAH est un vrai problème en matière de motivation, d’attention, de concentration et donc de résultats.

En effet, on oublie souvent que le trouble d’attention ne s’accompagne pas forcément d’hyperactivité. C’est souvent le cas des filles, qui malheureusement ne sont pas dépistées à temps car leur comportement n’a pas attiré l’attention. Le moment le plus compliqué dans ce cas est le milieu, puis la fin du collège (13/14 ans) et surtout l’entrée au lycée. Un travail important d’information, de dépistage et d’accompagnement doit être fait à cette période. C’est dans ce sens que le plan gouvernemental va indiscutablement booster le travail d’information que nous faisons auprès des médecins et des accompagnants de l’enfance depuis plusieurs années.

Il est important de rappeler que le TDAH fait partie des troubles du neurodéveloppement (ce qui n’était pas le cas auparavant, puisqu’il était considéré comme un « comportement perturbateur »). De fait, les études cliniques et l’observation quotidienne confirment de façon nette que le diagnostic et la proposition de prise en charge vont considérablement modifier les résultats scolaires. Il est important de rappeler également que le traitement n’est pas uniquement médicamenteux. Les recommandations de la Haute autorité de santé insiste sur l’importance de débuter par des stratégies non médicamenteuses (guidance des parents, adaptation pédagogique à l’école, thérapie, comportementale, Neuro, feed-back, relaxation, sophrologie…). Le traitement médicamenteux, en revanche, doit rapidement intervenir en deuxième intention, lorsqu’il existe une souffrance soit sur le plan scolaire, soit sur le plan familial, soit sur le plan relationnel. Ce traitement est d’une efficacité remarquable lorsque le diagnostic est bien posé. Il doit néanmoins toujours être accompagné d’un suivi médicopsychologique et de conseils d’adaptation pédagogique à l’école, mais avec également des aménagements pour les examens (1/3 temps, possibilité de pause…).

Il est important que la population générale et les professionnels de l’enfance aient accès à des données claires, objectives, sans parti pris idéologique. Nous constatons malheureusement au quotidien que beaucoup de parents sont désemparés devant des prises de position excessives et tranchés, sans nuances, concernant la diabolisation du médicament (methylphenidate), ou au contraire, son utilisation systématique.

N’oublions pas que l’hyperactivité n’est pas une maladie, mais un symptôme, comme la fièvre. Tout parent qui amène son enfant avec 39 de température. attend du professionnel qu’il l’examine, regarde ses oreilles et sa gorge, lui palpe le ventre pour éliminer une cause organique et faire le bon diagnostic. Il doit en être de même pour l’hyperactivité qui peut être liée effectivement à un troubles du neurodéveloppement comme le TDAH, mais qui peut être d'origine totalement différente (dépression, anxiété, inadéquations avec l’environnement dans le cas des enfants à haut potentiel, toc envahissants, qui préoccupent l’espace psychique…).

Dans quelle mesure fait-on face aujourd'hui à une crise de l'éducation des enfants par leurs parents? Quel rôle ces derniers jouent-ils dans la situation actuelle ? 

Olivier Revol : La guidance parentale est indispensable, quelque soit la cause de l’hyperactivité. Le problème actuel est double : 

Éducatif d’abord car beaucoup de parents confondent autorité et autoritarisme,et ne limitent pas suffisamment l'enfant, alors que un cadre ferme et bienveillant est particulièrement rassurant. Cette nécessité d’avoir une « cellule familiale » contenante est plus que jamais nécessaire car nous sommes passés d’une société solide au siècle dernier à une société liquide, en manque de repères (Baumann).

Dans quelle mesure l'école fait-elle face à des enfants potentiellement mal éduqués, qui ne respectent pas l'autorité des professeurs ou qui ont du mal à gérer la frustration ? Est-ce vraiment à la société de reconnaître la qualité des enfants ou à eux de la démontrer ?

Luc Rouban : La perte d’autorité des professeurs vient de trois phénomènes conjugués. Le premier tient à l’irruption dans le rapport entre les professeurs et les élèves de tierces parties comme les parents d’élèves qui interviennent souvent dans la relation pédagogique, très souvent pour prendre la défense de leurs enfants face aux enseignants. Cela débouche même sur des agressions orales voire physiques. Le second phénomène tient à ce que la perte d’autorité des professeurs s’inscrit dans une perte d’autorité générale des institutions. La peur des mauvaises notes allait autrefois de pair avec la peur du gendarme. Or ce dernier ne fait plus trop peur comme les émeutes très violentes menées par des mineurs en juillet 2023 a pu venir le démontrer. Mais le phénomène le plus grave est le troisième. L’école n’est plus le lieu d’apprentissage central de la société et de ses normes, du droit et des droits comme des obligations citoyennes. La concurrence des réseaux et des sites Internet, qui transforment souvent les jeunes en consommateurs ou en pâte à modeler idéologique, a multiplié les sources d’information sans les hiérarchiser, créant un bruit de fond permanent dans lequel la parole du maître devient inaudible si ce n’est dérisoire. La déstructuration des savoirs produit une confusion permanente entre opinion ou croyances d’un côté et, de l’autre, connaissances scientifiques, historiques, etc. Tout vaut tout et n’importe quoi dans un marché de l’information complètement dérégulé. Rien à voir avec ce que vivait encore l’écolier des années 1960. Et seuls celles et ceux qui bénéficient d’un encadrement familial peuvent encore organiser de manière rationnelle ce flux d’informations contradictoires. La qualité des enfants ne peut s’exprimer que dans un cadre normatif. L’anarchie informationnelle n’a fait que renforcer les fractures sociales.

Jean-Pierre Obin : On observe depuis les années 50 une crise dans l’éducation. Elle ne touche pas seulement les parents, mais aussi les maîtres. C’est la même idéologie dominante qui préside tant à l'éducation familiale qu’à l’éducation scolaire. Pour la comprendre, il faut en revenir à la première phrase de Emile, de Jean-Jacques Rousseau : “Tout est bien sortant des mains de l’Auteur des choses, tout dégénère entre les mains de l’homme”. Autrement dit, l’enfant naît naturellement bon et c’est la société qui est sa corruptrice. Il faut donc le protéger de celle-ci, qui est potentiellement dangereuse pour lui. Les premiers dangers, pour l’enfant,  viennent donc de la mère, des parents et ensuite des enseignants. Il faut donc abolir l’autorité des parents sur les enfants et abolir l’autorité des maîtres sur les élèves. Ce n’est pas exactement ce qu’entendait Rousseau à l’époque, mais c’est clairement ce qui a été compris et ce qui est promu par un nouveau courant éducatif, l’Education nouvelle. 

Depuis le début du XXème siècle, sur la base de cette traduction de l'œuvre de Jean-Jacques Rousseau en des termes plus opérationnels, naît une nouvelle tendance pédagogique et éducative : l’Education nouvelle. C’est elle qui promeut l’idée que l’autorité, en matière éducative, est une construction idéologique tout aussi perverse que l’autorité en matière de relations sociales, comme l’autorité du patron sur l’ouvrier, de l’homme sur la femme, du maître sur l’esclave. Toutes ces formes d’autorité vont être contestées et progressivement abolies. Dans la foulée, il convient également d’abolir l’autorité des adultes sur les enfants. C’est toujours dans cette optique là que certains s’inscrivent aujourd’hui. Il s’agit d’une éducation où l’on se refuse à imposer quoi que ce soit aux enfants, qui doivent découvrir les choses par eux-mêmes. En matière pédagogique, il faut donc présenter aux enfants des « situations-problèmes », qui leur permettent de trouver par eux-mêmes les solutions et les cheminements cognitifs, sans intervention du maître, véritable deus ex machina, dont le savoir, et donc l’autorité qu’il pourrait en tirer, reste dissimulé. 

Nous faisons face à une idéologie qui  pousse à la suppression du cadre éducatif, qui est pourtant nécessaire à l’apprentissage. Je pense à une image assez parlante qui illustre assez bien mon propos : celle de la rivière qui s’écoule. Sans berges solides pour encadrer son cours, elle se répand partout et forme un marécage. Avec, elle poursuit calmement son parcours jusqu’à la mer. L’enfant est cette rivière, il grandit, il change sans cesse, il « s’élève ». Un cadre stable et solide est nécessaire pour contenir et diriger ce processus d’apprentissage. Il a besoin d’un certain nombre de repères, de règles, qu’il doit apprendre et apprendre à respecter. En abolissant ce cadre – ou, à tout le moins, en le rendant plus mou – on fragilise la construction de l’enfant. Bien sûr, qui dit règles dit également sanctions, faute de quoi la règle ne saurait être tangible. Il faut que l’enfant observe une différence selon qu’il respecte ou non la règle pour que la règle existe. Mais l’idée même d’une sanction est aujourd’hui dépeinte comme un pis aller et non comme une nécessité absolue, et on lui cherche des substituts. C’est là, me semble-t-il, que nous sommes entrés dans quelque chose qui abolissait le cadre éducatif. Et c’est clairement ce qui distingue l’école française d’autres écoles.

L’école française est une école où la discipline pose problème, où le maître et les enseignants passent une partie non négligeable de leur temps à tâcher de se faire entendre et respecter… sans pour autant toujours comprendre et assumer la nature même de leur autorité. Cette recherche d’un minimum de discipline fait perdre un temps d’enseignement précieux. A cet égard, toutefois, je n’opposerai pas nécessairement les maîtres et les parents (quand bien même il n’est pas rare de voir les seconds se plaindre du peu d’autorité qu’exercent les premiers et inversement). La responsabilité, il me semble, est partagée.

La difficulté à gérer la frustration, que vous évoquez, est l’un des effets de cette abolition de l’autorité. C’est aussi un mal beaucoup plus contemporain qui émane notamment des réseaux sociaux et de l’avènement d’Internet, qui a fait basculer l’ensemble de la société dans une ère de l’immédiateté : tout sur Internet peut être obtenu immédiatement. Tout, en somme, est devenu facile. Cette valeur d’’immédiateté fait perdre la valeur qu’avait la notion de temps passé à apprendre ; alors même que l’apprentissage – c’est aussi l’art de la pédagogie – repose sur la répétition. Il faut aussi évoquer l’influence de l’individualisme contemporain et le culte qui est voué à l’authenticité associée à l’individu. Si l’enfant possède déjà en lui toutes ses potentialités et si l’éducation consiste simplement à les épanouir, la culture est alors perçue comme une contrainte extérieure et même un obstacle dans la recherche et le développement de cette authenticité.

Dans quelle mesure les récents résultats de l'enquête PISA traduisent l'évolution des valeurs "effort" et "travail" ? Faut-il penser qu'elles sont moins importantes, que nous vivons désormais dans une société trop confortable, trop subventionnée, décorrélée des efforts réalisés par les individus ?

Luc Rouban : Il faut faire attention à ce point. Les enquêtes que l’on a pu mener dans le cadre du Baromètre de confiance politique du Cevipof montrent que la valeur travail est toujours très fortement défendue notamment par les jeunes, contrairement aux idées reçues. En revanche, et c’est là où le bât blesse en France, le diplôme reste incontournable pour réussir. Les générations les plus récentes lui accordent bien plus d’importance et de poids social que la génération des « boomers ». Autrement dit, sans diplôme, on échoue. Il existe donc une surévaluation du diplôme dans la société française, source de beaucoup de frustration : si l’on rate, par exemple, les concours des grandes écoles, il n’existe pas de seconde chance, seulement des voies plus modestes et moins bien considérées autant par la société que par le marché du travail. Donc, le problème n’est pas que la société soit devenue trop confortable et permette de réussir sans effort. C’est tout le contraire, nous ne sommes plus dans l’après mai 68. Le problème vient plutôt de la résignation : « de toute façon, je n’y arriverai pas » ou bien « je vais me faire avoir, après tant d’années d’efforts, je ne serai pas reconnu(e) ». Or il faut bien comprendre que l’évolution démographique fait que ces réflexions désabusées touchent en particulier de nombreux jeunes issus de l’immigration qui voient assez vite que l’intégration ne marche pas sauf pour une petite minorité d’entre eux. La tentation alors est très grande d’abandonner l’école ou bien de se laisser séduire par des modèles alternatifs qu’ils soient religieux ou criminels.

Jean-Pierre Obin : Il est difficile d’observer, sur la base des seules enquêtes PISA, une spécificité française sur cette question. C’est une réalité qui ne touche pas que la France mais qui joue sur le contexte occidental, qui concerne l’ensemble de nos sociétés puisqu’elles sont confrontées à des évolutions semblables. Personnellement, l’analyse que je fais de la spécificité française en matière d’éducation et des résultats aux enquêtes PISA, ne se situe pas sur ce point. Ainsi que j’ai déjà pu le dire dans vos colonnes, ce qui distingue la France d’autres nations, c’est qu’elle reproduit beaucoup plus les inégalités sociales. C’est le pays européen dans lequel la corrélation entre origines  socio-culturelles des élèves et résultats scolaires est la plus grande. La corrélation est manifeste.

Pour schématiser, l’école française est celle qui fait réussir ceux qui, de toute façon, auraient réussi sans elle. C’est pourquoi je suis partisan du retour à l’hétérogénéité des classes et à la mixité sociale à l’école. Il s’agit d’un important facteur de réussite scolaire, qui a été largement étudié. Une importante équipe de chercheurs, dirigés par Choukri Ben Ayed, a ainsi montré, par exemple,que les enfants scolarisés dans les Yvelines réussissent nettement moins bien que ceux scolarisés dans la Loire, car c’est dans les Yvelines que les inégalités spatio-territoriales sont les plus grandes et dans la Loire les plus faibles. L'hétérogénéité des classes favorise la performance moyenne des élèves. En fait, la performance des plus faibles est améliorée sans dégrader la performance des plus forts. Cela résulte d’un « effet locomotive » assez simple à comprendre : les plus forts entraînent le reste de la classe, sous réserve de faire preuve de la bonne pédagogie, ce qui profite aux plus défavorisés et tend à motiver les meilleurs élèves.

Quelle projection dans l’avenir avec une génération qui n’a pas acquis le savoir nécessaire ? Quelles répercussions pour la société ?

Luc Rouban : Les conséquences sont catastrophiques. La République repose sur des citoyens éclairés, éduqués, capables de comprendre qu’on attend d’eux un engagement social, de solidarité mais aussi de dévouement à la chose publique. L’échange politique républicain implique qu’en contrepartie des services publics et des soins reçus pendant sa jeunesse on sache consacrer une partie de son effort aux autres par un investissement personnel. C’était d’ailleurs la logique du service militaire, stupidement supprimé par Jacques Chirac. L’ignorance ne produit pas seulement des émissions télévisées débiles ou des polémiques infâmes sur les réseaux sociaux, elle conduit au repli sur soi, à l’isolement et à l’absence de compréhension et donc d’empathie. On connaît l’enchaînement : les ignorants deviennent violents parce qu’ils ont peur d’un monde qu’ils ne comprennent pas. On a sous les yeux les résultats de plusieurs décennies de délabrement de l’école, merci à Bourdieu qui n’a jamais compris que la culture est la seule chose qui permettait aux pauvres de compenser leur handicap social et de concurrencer à terme le pouvoir de l’argent.

Les politiques / le gouvernement prend-t-il conscience de l’ampleur du problème ?

Luc Rouban : Bonne question. C’est le mystère actuel : est-on en face de cyniques accomplis qui savent placer leurs enfants dans les écoles privées et les institutions de prestige en laissent le « peuple » à sa misère ou bien en face de dirigeants incapables de comprendre les réalités du terrain, indifférents sinon désinvoltes en ce qui concerne l’avenir du pays et se consacrant seulement à leurs carrières ? On assiste néanmoins aujourd’hui à un moment historique : la méfiance suscitée par le personnel politique atteint des sommets et s’accompagne d’une prise de conscience de leur inconscience. La porte est ouverte à des convulsions fort dangereuses.

L'école peut-elle, à elle seule, lutter contre tous les facteurs d'échecs scolaires ?

Jean-Pierre Obin : Il va de soi que l’école n’est pas toute puissante. Elle ne peut pas lutter, à elle seule, contre l’ensemble des facteurs d’échecs scolaires. Nous avons évoqué les inégalités, dont la réduction repose d’abord sur les politiques d’aménagement du territoire et la politique de la ville. L’école sur-ségrègue, mais cela signifie qu’elle ne fait qu’ajouter de la ségrégation à la ségrégation. Le premier facteur de ségrégation, rappelons-le, c’est l’habitat. Malheureusement, les politiques ségrégatives basées sur le transport scolaire, comme à Toulouse, ou la sectorisation des lycées, comme à Paris montrent vite leurs limites, et on ne peut pas s’appuyer que sur elles.

L’école ne peut pas non plus remédier seule à la crise de l’éducation ; d’autant que ce n’est pas elle qui produit l’idéologie responsable de cette situation. Celle-ci s’est insinuée dans toute la société.Devant les effets pervers de l’éducation sans contraintes, on a observé en France un certain « retour de l’autorité » dans les années 1990-2000. Pourtant, la polémique entre éducation dite ouverte et éducation encadrée par des règles continue de prospérer aujourd’hui. Cet été encore, France Inter a été vertement critiquée pour avoir donné la parole à une psychologue, autrice d’un livre dénonçant les dégâts  de l’éducation sans contraintes et prônant le retour à l’autorité dans l’éducation. Le problème, me semble-t-il, est d’autant plus difficile à appréhender que nous avons laissé les choses se déliter depuis plusieurs décennies.

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