Propositions du Medef sur l'emploi : quelques bonnes idées et une bonne dose de provocation<!-- --> | Atlantico.fr
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Pierre Gattaz, président du Medef.
Pierre Gattaz, président du Medef.
©Reuters

Le million !

Dans un document de cinquante pages dévoilé officiellement mercredi, le Medef a présenté ses propositions qui permettraient de créer un million d'emplois en cinq ans. Une centaine de mesures et d'orientations pour relancer l'économie et l'emploi dont la pertinence est inégale.

Jacques Bichot

Jacques Bichot

Jacques Bichot est Professeur émérite d’économie de l’Université Jean Moulin (Lyon 3), et membre honoraire du Conseil économique et social.

Ses derniers ouvrages parus sont : Le Labyrinthe aux éditions des Belles Lettres en 2015, Retraites : le dictionnaire de la réforme. L’Harmattan, 2010, Les enjeux 2012 de A à Z. L’Harmattan, 2012, et La retraite en liberté, au Cherche-midi, en janvier 2017.

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Le Medef a présenté 100 mesures pour permettre de créer un million d’emplois. Voici les plus marquantes :

  • sur le smic : Travailler sur un cadre transitoire d’accès à l’emploi, destiné à certaines populations très éloignées de l’emploi, par exemple sous la forme de contrats aidés destinés aux entreprises
  • sur le temps de travail : En finir avec le principe d’une durée légale imposée à toutes les entreprises. Prendre en compte la diversité des situations, des secteurs d’activités, et permettre la fixation négociée d’une durée du travail, au niveau de l’entreprise. Pour les entreprises qui sont moins en mesure de négocier, et notamment les TPE-PME, une durée pourrait être négociée au niveau de la branche ; Donner plus de portée et de marge de manœuvre à la négociation d’entreprise, en termes d’organisation du travail, d’emploi, de temps de travail, de salaires…
  • Supprimer un ou deux jours fériés à terme
  • sur les contrats de travail : Mettre en œuvre, pour l’ensemble des secteurs, un « contrat de projet » de droit commun, sur le modèle du contrat de chantier existant dans le BTP. Il s’agirait d’un contrat à durée indéterminée et qui prendrait fin automatiquement une fois le projet réalisé ; Prévoir la primauté de l’accord majoritaire d’entreprise pour qu’il s’impose au contrat individuel. Ce principe est essentiel tout particulièrement en matière de durée du travail qui devrait pouvoir être adaptée en fonction de l’activité de l’entreprise. 
  • sur la flexibilité : Ouvrir rapidement une discussion avec les partenaires sociaux pour envisager la poursuite de la réforme en profondeur du marché du travail pour introduire plus de flexibilité, dans une démarche de flexi-sécurité permettant de sécuriser la mobilité des salariés
  • sur les retraites : Un recul de l’âge légal de départ à la retraite pour tenir compte de l’allongement de l’espérance de vie, comme cela a été pratiqué dans la majorité des pays.
  • sur le droit du travail : Revenir à un droit du travail qui fixe les grands principes généraux mais s’interdit d’entrer dans les détails. Limiter la loi aux grands principes fondamentaux, comme le prévoit la constitution - les accords de branche ou d’entreprise précisant les autres aspects.
  • sur le travail du dimanche : Permettre, en accord avec les salariés qui le désirent, l’ouverture le soir et le dimanche

Atlantico : Quelles mesures proposées par le patronat vous paraissent les plus pertinentes ?

Jacques Bichot : Cela va globalement dans le bon sens mais il y a du bon et du mauvais dans ces propositions. D’abord, il y a tout un ensemble de points qui concernent l’assouplissement des règles auxquelles sont  soumises les entreprises. Lancer "un contrat de projet" c’est-à-dire un CDI qui prendrait fin automatiquement une fois le projet réalisé pourrait être fait relativement vite et ce serait une bonne idée.  Revoir la durée du travail discutée entreprise par entreprise va là aussi dans le bon sens et c’est ce qui se fait déjà en partie. Un fort assouplissement sur la question du travail du dimanche doit aussi être réalisé, mais aussi sur le travail nocturne ou semi-nocturne. C’est actuellement un problème pour le secteur du tourisme. Il faudrait que les touristes qui sortent de la salle du spectacle à minuit ou une heure du matin par exemple puissent pouvoir acheter des choses.

Je suis plus nuancé sur la suppression de deux jours fériés. En soit je ne suis pas contre car on a effectivement un peu trop de jours fériés mais est-ce que c’est le moment de s’attaquer aux jours fériés ? Cette mesure ne serait en outre pas forcément pertinente économiquement. Par ailleurs je rappelle qu’on a vu que l’expérience n’était pas concluante avec la suppression du lundi de Pentecôte.

A contrario, le Medef ne fait-il pas fausse route sur d’autres propositions ?

Revenir sur les 35 heures qui ont déjà fait l’objet de multiples assouplissements c’est un peu de la provocation car les entreprises ne semblent pas être aussi demandeuses que le Medef veut le dire. De même, sur le projet de transformer le CICE en exonération de charges le Medef marche à côté de ses pompes car le CICE vient juste d’être mis en place. Vouloir changer les choses en cours de route n’est pas sérieux d’autant plus que le Medef reproche au gouvernement de ne jamais avoir de mesures pérennes. Amputer les cotisations patronales à la place du CICE créerait des difficultés d’adaptation pour les entreprises. Concernant les cotisations sociales et patronales le Medef est là aussi en porte à faux avec la réalité car ce sont les employés qui les payent et non les entreprises. Autrement dit ça serait un basculement total des charges patronales sur les charges salariales.

Quelles peuvent être les conséquences politiques de ces propositions du Medef ? Peuvent-elles braquer la gauche du PS ?

Parfois il vaut mieux demander un peu et l’obtenir que de demander beaucoup et de braquer les gens pour obtenir zéro. Je ne suis pas hostile à un peu de provocation mais on ne peut pas provoquer sans arrêt. Quand on le fait il faut que ça soit pour des raisons valables. L’exemple sur le CICE transformé en exonération de charges sociales le prouve : je ne suis pas sûr que ça soit le bon moment et cela me paraît une provocation stérile et pas très habile. 

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