« Je suis devenue "la putain de la République" pour sauver les "putains" au masculin ! »<!-- --> | Atlantico.fr
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Christine Deviers-Joncour : "C’est à croire que les spotlights des projecteurs des médias et les girophares sont le viagra de nos dirigeants politiques".
Christine Deviers-Joncour : "C’est à croire que les spotlights des projecteurs des médias et les girophares sont le viagra de nos dirigeants politiques".
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Machisme politique

Interview de Christine Deviers-Joncour. L'ancienne compagne de Roland Dumas livre pour Atlantico son point de vue sur le machisme des dirigeants politiques français.

Christine Deviers-Joncour

Christine Deviers-Joncour

Christine Deviers-Joncour est devenue célèbre du fait de son implication dans le volet de l'affaire Elf-Roland Dumas.

Depuis, elle se consacre à la musique et à l'écriture d'essais et de romans, dont La Putain de la République (Calmann-Lévy, 1998) ou Nuits Blanches (JM Laffont, 2010).

Voir la bio »

Atlantico : Vous considérez-vous comme une victime du machisme du monde politique français ?

Christine Deviers-Joncour : Oui, j’en ai souffert. Ca a été une horreur. Cela fait treize ans que ça continue. Bien-sûr tout dépend de ce que l’on appelle « machisme ». Je n’ai pas été victime d’agression sexuelle. C’est important de faire la part des choses. 

Mais on s’est servi d’une liaison que j’avais avec un ministre. Lui a été blanchi et relaxé, moi j ai pris une peine plus importante. Je me suis faite traitée de « pute ». Encore récemment, Roland Dumas a sorti un chapitre entier d’horreurs sur moi dans un livre.

En octobre dernier, j’ai fini un livre intitulé « La Morsure du rat ». J’y attaque les hommes qui nous gouvernent, en racontant leurs comportements sentimentaux, amoureux et familiaux. Des anecdotes jalonnent l’ouvrage, elles décrivent des faits qui se sont réellement déroulés. Aucun éditeur n’en a voulu. Selon moi, le livre est blacklisté en France. Je suis obligée d’aller chercher à l’étranger des éditeurs courageux et libres.

L’ouvrage propose une succession de douze lettres et raconte l’histoire d’une femme qui a vécu, qui s’est isolée (suivez mon regard…) et qui aide une autre jeune demoiselle qui se trouve en grand désespoir amoureux. Elle lui donne donc des conseils, et, pour la détendre, lui raconte des anecdotes vécues par d’autres femmes pour lui montrer que les autres aussi souffrent.

Figurez-vous que la deuxième anecdote du livre concerne un ancien ministre de gauche dont on parle beaucoup aujourd’hui, à ses débuts. Une amie très proche qui travaillait à l’Élysée auprès de Mitterrand avait en effet eu à faire à lui…

Bien-sûr, je n’ai pas mis de vrais noms dans le livre. Une maison d’édition m’a appelée avant-hier : l’éditeur voulait que j’écrive le même livre mais avec les noms de jeunes femmes qui ont subi des agressions sexuelles d’hommes politiques. Je ne peux pas parler de la vie intime de femmes qui n’ont pas porté plainte et leur nuire par voie de conséquence.

De toutes façons, en France, il est difficile de parler de tout cela : si la femme a le courage d’aller jusqu’au bout et de déposer plainte, elle va à la rencontre de beaucoup de déboires. Regardez, moi, j’avais une simple liaison amoureuse et j’ai été traitée de « pute ». En France, toutes les femmes semblent être considérées d’emblée comme des « putes » ! Comment voulez-vous ensuite vous défendre ?

J’ai pris tous les coups pour sauver ces messieurs. Je suis devenue « la putain de la République » pour sauver les « putains de la République » au masculin ! Je l’ai fait le temps qu’il a fallu. Sans doute parce que j’étais encore amoureuse de Roland Dumas… Mais quand je suis sortie et que cet homme a dit qu’il ne me connaissait plus, je me suis jetée dans le combat contre la corruption pour dénoncer ce pourquoi j’étais inculpée : les frégates de Taiwan.

Peut-être qu’actuellement en France nous sommes en train de prendre un virage, que les consciences s’ouvrent, peut-être que l’on va ramener un peu de tenue dans ce pays à tous les niveaux. Je pense sincèrement que le pouvoir conféré à nos dirigeants leur fait perdre tout sens des réalités : ils se croient au-dessus des lois, ils deviennent fous. Le pouvoir et l’argent les rendent fous. C’est à croire que les spotlights des projecteurs des médias et les girophares sont leur viagra.

Les femmes doivent donc être blindées pour évoluer dans ce milieu. Bien-sûr il reste quelques femmes… il faut bien respecter une certaine parité… mais nous sommes encore loin du compte, il y a du chemin à faire.

Certains hommes prétendent que des femmes jouent aussi de leur pouvoir de séduction pour assurer leur carrière. Qu’avez-vous envie de leur répondre ?

Les femmes et les hommes jouent de leur pouvoir de séduction depuis la nuit des temps. Faire de la politique n’est-ce pas séduire ? Quant aux femmes en général, la féminité n’est-elle pas déjà en soit une forme inhérente de séduction. Les hommes se servent bien de leurs pouvoirs socio-économiques pour régner. Pourquoi les femmes ne se serviraient-elles du pouvoir de séduction qu’elles ont sur eux. Réponse de la bergère au berger !

Les hommes sont responsables car ils sont demandeurs et (provocateurs) de cet effort de séduction de la part des femmes. Elles ont aussi l’intelligence qui n’est  pas automatiquement reconnue et elles la mettent en valeur dans l’emballage qui constitue leur séduction personnelle. Nous vivons dans un monde d’hommes et les femmes sont en état perpétuel d’auto-défense ! Je suis mariée en Norvège et je me suis rendue compte combien les femmes y étaient respectées et considérées mille fois mieux qu’en France…

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