Christian Eckert sur le cadeau fiscal de Hollande aux propriétaires : "Nous assumons totalement"<!-- --> | Atlantico.fr
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L’article 18 du Projet de loi de finance de 2014 prévoit de réduire l’imposition sur les plus-values immobilières.
L’article 18 du Projet de loi de finance de 2014 prévoit de réduire l’imposition sur les plus-values immobilières.
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Eclairage

Après qu'Atlantico a mis sous les projecteurs un article du Projet de loi de finances 2014 qui prévoit de faire un cadeau fiscal aux "riches", Christian Eckert, rapporteur général de la Commission des Finances, répond à nos questions. Malgré de multiples sollicitations, personne à Bercy n'a encore jugé bon de s'intéresser à la question.

Christian  Eckert

Christian Eckert

Christian Eckert est membre du Parti socialiste, député de la septième circonscription de Meurthe-et-Moselle et rapporteur général de la Commission des Finances, de l'Economie générale et des Contrôle budgétaire.

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La rédaction d'Atlantico.fr tient à préciser que malgré des sollicitations à répétition, aucun représentant du ministère de l’Économie et des Finances n'a accepté de répondre à ses questions au sujet de la mesure d'adoucissement du régime d'imposition sur les plus-values immobilières. Cette information a été révélée par Atlantico.fr mercredi 6 novembre (cliquer ici).

Atlantico : L’article 18 du Projet de loi de finance de 2014 prévoit, comme l’a précédemment évoqué Atlantico, de réduire l’imposition sur les plus-values immobilières augmentée par Nicolas Sarkozy ainsi que de réduire la durée d’amortissement de 30 à 22 ans. Comment expliquer cette mesure, qui d’après nos calculs coterait plus de 800 millions d’euros potentiels alors qu’un plan de réduction des déficits et de redressement des comptes vient d’être présenté par le gouvernement ? Pourquoi l’avoir élargie à tous les biens immobiliers ?

Christian Eckert : Ces chiffres doivent être pris année par année^, sans quoi on peut effectivement trouver une somme plus ou moins importante, que l’on rajoute des années fiscales ou non au calcul. Pourquoi vous arrêtez vous à 2015 ? Si vous rajoutez 2016 ou si vous ne prenez en compte cette mesure que jusqu’ en 2014, le chiffre de 800 millions aura changé. Le seul chiffre important est celui de 75 millions d’euros par an. 

Pour en revenir à votre question initiale, les plus-values immobilières ont été l’objet d’un changement effectué par la précédente majorité avec un rallongement de la durée d’amortissement les passant. Or tous les spécialistes du secteur vous le diront, cela a contribué à bloquer le marché puisque les propriétaires se sont mis à attendre la fin de ces 30 ans pour vendre leurs biens afin que leur plus-value échappe totalement à cette imposition. Cette modification a donc eu deux grands inconvénients : d’une part, cela a privé, par le comportement que j’évoquais à l’instant, l’État de certaines ressources ; d’autre part - et c’est cela le plus problématique - cette mesure bloquait le marché immobilier en termes d’accès au logement, de rénovation, voire de terrains à bâtir, ce qui peut avoir des conséquences sur la politique d’aménagement du territoire et donc à terme, là encore, d’accès au logement. Le président de la République,  après analyse et réflexion, a donc considéré qu’il fallait raccourcir le délai d’amortissement à 22 ans afin de palier ces problèmes. Par ailleurs, les transmissions d’immeubles engendrent très souvent des travaux et donc de l’activité économiques, qui elle à son tour donne lieu à des revenus. Ce n’est pas un cadeau fiscal, c’est une mesure d’assouplissement visant à dynamiser le marché du logement, ce que nous assumons totalement. 

Enfin, les plus-values concernent tout sauf la résidence principale, car au nom de l’égalité devant la loi, il n’est pas possible de légiférer autrement que pour tous les immeubles (à part la résidence principale), notamment puisque les uns peuvent devenir les autres et donc faciliter l’accès au logement. 

L’imposition sur les plus-values immobilières ne concernant pas la résidence principale,  ce sont toutefois les propriétaires aisés qui vont fiscalement bénéficier de cette mesure. Cela n’est-il pas antinomique avec la politique « anti-riches » de François Hollande ?

La principale question dans notre pays est l’accès, et donc le coût du logement. On estime par exemple que le différentiel avec l’Allemagne est de 30%, or c’est un élément de compétitivité très important, puisque avoir une part de ses revenus très élevée dédiée au logement contraint à avoir des salaires élevés. Ce qui est escompté par cette mesure n’est donc pas uniquement d’augmenter le revenu fiscal – avec toutes les précautions que j’évoquais précédemment quant aux changements de comportements – mais également de rendre le marché de l’immobilier plus fluide. De l’offre plus importante qu’on peut espérer, une baisse du coût du logement pourrait en découler. Ce n’est donc pas une politique de soutien aux riches.

Le gouvernement sacrifie donc une part du revenu fiscal pour fluidifier le marché immobilier ? 

Certaines mesures supposées rapporter de l’argent ne sont pas toujours efficaces, comme ce fut le cas avec les modifications apportées par la précédente majorité. Mais puisqu’elles bloquaient les ventes, ou du moins les ralentissaient, on l’a supprimée, voilà tout. Les recettes perçues par l’État n’étaient pas meilleures puisque, certes, les droits étaient plus forts mais l’assiette s’était effondrée. Or là, on prévoit que l’assiette s’élargisse avec des droits plus faibles, et au final ne rapporte pas moins. Toutefois, on ne peut évidemment pas préjuger du comportement des gens quant aux changements fiscaux. 

En élargissant votre raisonnement, il faut alléger un peu la pression fiscale pour redynamiser l’économie. N’est-ce pas exactement l’inverse de ce que met en place le gouvernement depuis son arrivée au pouvoir ?

Cela dépend des sujets. Dans le cas présent, vous avez des biens qui ne sont pas de premier niveau, on peut décider de les vendre ou de les garder pour faire ou non les plus-values possibles. Vous avez donc là des éléments de fiscalité qui peuvent agir très fortement sur les comportements. Pour d’autres sujets, ce que l’on appelle l’élasticité n’est pas forcément la même. On a là une fiscalisation qui n’est donc pas la même, et que d’ailleurs nous aurions pu faire évoluer encore notamment sur la question des charges sociales sur les plus-values, que nous n’avons pas ramenées à 22 ans. J’aurais souhaité qu’on aligne les durées, quitte à aligner les montants. 

Etrangement, cette mesure n’a pas été médiatisée. Comment a-t-elle été adoptée ?

Le président de la République avait annoncé cette mesure l’été dernier sur M6, et elle a été mise en place par instruction fiscale au mois de septembre en attendant la confirmation législative et les chiffrages. C’est une mesure qui est saluée par tout le monde et je précise d’ailleurs que Gilles Carrez, qui n’est pas de la même sensibilité que la mienne était opposé à la mesure mise en place par Nicolas Sarkozy avant que nous la modifiions.

Ce n’est pas la première fois qu’un président de la République annonce une mesure qui est transcrite dans la loi, cela se produit même moins souvent actuellement qu'au cours des années précédentes. Cela pose effectivement des questions, mais l’intégration définitive est en cours, puisque le texte a été voté en première lecture après des discussions assez larges sur la nature de la mesure, notamment sur l’abattement complet des terrains à bâtir. Certains ont défendu l’idée qu’un abattement total sur les durées de détention de ces terrains aurait incité les gens à réaliser les ventes immédiatement. Nous nous sommes même demandé si un bonus serait une bonne chose, mais le coût nous en a dissuadé.  

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