Chantiers informatiques de l'Etat : des milliards d'euros jetés par la fenêtre <!-- --> | Atlantico.fr
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Photo d'illustration / La plupart des projets informatiques de l'Etat ont échoué.
Photo d'illustration / La plupart des projets informatiques de l'Etat ont échoué.
©Reuters

Éditorial

Matignon vient d’annoncer l’abandon de "l’Opérateur National de Paye". Un fiasco qui vient s’ajouter à la liste déjà bien fournie des échecs en matière de systèmes d’information décidés par l’Etat. En cause : le manque de compétence informatique au sein des ministères, l’obstruction de principe des syndicats et la délirante complexité de la gestion de la fonction publique.

Pierre Guyot

Pierre Guyot

Pierre Guyot est journaliste, producteur et réalisateur de documentaires. Il est l’un des fondateurs et actionnaires d’Atlantico.

 

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« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » expliquait au 16ème siècle Gargantua à son fils Pantagruel. Cinq cents ans plus tard, face aux fiascos successifs des usines à gaz informatiques imaginées par les hauts fonctionnaires, les conseils du personnage de Rabelais restent d’une singulière actualité et d’une troublante pertinence.

Il y a d’abord eu la catastrophe de la refonte du système d’information financier de l’Etat, le projet Chorus. Livré avec des années de retard, il avait coûté 400 millions d’euros de plus que le budget prévu et n’a jamais fonctionné. L’hiver dernier, c’est à la débâcle du logiciel Louvois, censé gérer la paye des militaires, que le ministre de la Défense a dû mettre un terme en tirant purement et simplement un trait sur un demi milliards d’euros d’investissement et… 20 ans de développement informatique ! Qualifié par Jean-Yves Le Drian lui-même de « vraie catastrophe », Louvois a accumulé les dysfonctionnements, plongeant 160.000 familles de militaires dans des situations parfois critiques, incapables par exemple de rembourser le crédit de la maison parce que la paye n’était plus versée par l’Etat.

En janvier dernier, un document interne du Conseil national de la qualité et de la coordination des soins révélait le fiasco du Dossier Médical Personnalisé (DMP) destiné en principe à améliorer le suivi des soins des patients. Ce système informatique, dont la construction a commencé il y a dix ans, a déjà coûté 500 millions d’euros – qui proviennent en grande partie de l’assurance maladie qui n’a pourtant pas besoin de tonneau des Danaïdes supplémentaire – pour un résultat nul ou presque. Le projet prévoyait la création de 5 millions de DMP capables de regrouper en un seul document numérique toutes les informations concernant la santé d’un malade, les rendant du coup accessibles à toutes les professions médicales, du médecin traitant à l’hôpital en passant par les différents « spécialistes ». Le système n’a réussi à convaincre aujourd’hui que 400 000 patients que la protection de leurs données personnelles était garantie.

La semaine dernière, cerise sur ce gâteau déjà très indigeste : l’annonce par Matignon de la mort de l’ONP, l’Opérateur National de Paye. Cette calculatrice géante était destinée à gérer de façon centralisée la paye de 2,5 millions d'agents de la fonction publique d'Etat.

Lancé en 2007, le chantier de l’ONP n’a jamais abouti. Il faut dire que les obstacles ont été nombreux. L’opposition des syndicats de la fonction publique, plus soucieux de protéger les postes des 3 800 fonctionnaires exclusivement consacrés à la gestion de la paye dans les différents ministères que de faire faire des économies à l’Etat, n’a guère aidé la bonne marche du projet. Le manque de compétences informatiques en interne a contraint l’Etat à faire appel massivement à des prestataires extérieurs, renforçant d’autant la relation de dépendance vis-à-vis d’entreprises et la pression des prix. Enfin, la terrifiante complexité des systèmes de rémunération de la fonction publique a enfoncé le clou. L’ONP était censé gérer dans un unique bouzin informatique les 385 régimes différents de rémunération de la fonction publique d’Etat (donc sans compter les fonctionnaires territoriaux ou ceux de la défense) et les 1 850 régimes indemnitaires qui existent lorsqu’il s’agit de calculer, en plus des traitements, les primes et indemnités spéciales !

A l’arrivée, le coût de l’ONP pour les contribuables aura été, selon la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale, d’au moins 750 millions d’euros ! Au début de cette année, François Hollande avait promis un « choc de simplification ». Voilà déjà le choc.

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