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Chantage à l'holocauste ? 
Le best-seller anti-euro 
qui fait scandale en Allemagne
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Best seller

Dans son nouveau livre, le polémiste et ancien responsable du SPD Thilo Sarrazin dénonce le chantage que subirait l'Allemagne de la part de l'eurozone en raison de son passé nazi. Un message qui ne laisse pas les Allemands insensibles.

Du directoire de la Bundesbank (banque centrale allemande) aux championnats d'Europe de la polémique, il n'y a qu'un pas. Ou plutôt deux. Personnalité réputée dans le milieu politique et respectée pour son expertise financière au sein du Parti social-démocrate (SPD), Thilo Sarrazin avait déjà fait parler de lui en 2009 avec la parution du livre L'Allemagne court à sa perte (DVA).

Ce brûlot anti-immigration, qui reprochait aux musulmans de "ne pas vouloir s'intégrer" et de "coûter trop cher" à l'Etat lui avait déjà valu de perdre son poste. Ce qui ne l'a pas empêché d'être le plus grand succès d'édition de la décennie.

Devenu polémiste à plein temps, Thilo Sarrazin a récidivé mardi dernier en publiant L'Europe n'a pas besoin de l'Euro (DVA) : dans ce pamphlet en tête des ventes depuis sa sortie, il dénonce le "chantage à l'Holocauste" qui contraindrait l'Allemagne à financer les errements budgétaires de ses partenaires européens du "Club med"(i.e. d'Europe du Sud).

Selon lui, "l'enthousiasme persistant des Allemands pour l'Europe ne s'expliquerait pas sans le poids moral de l'époque nazie", comme le note le Frankfurter Rundschau.

Avec son sens de l'à propos habituel, Thilo Sarrazin jette un pavé dans la marre du débat sur les "euro-bonds", ces obligations européennes censées mutualiser la dette des pays européens : ses partisans, de plus en plus nombreux en Allemagne malgré les réticences initiales de la chancelière Angela Merkel, seraient "poussés par ce réflexe très allemand selon lequel nous ne pourrions finalement expier l'Holocauste et la Deuxième Guerre mondiale qu'une fois transférés en des mains européennes l'ensemble de nos intérêts et de notre argent".

Condamnations 

Comme en 2010, la publication de cet ouvrage a fait couler beaucoup d'encre en Allemagne, et n'a pas laissé insensible les dirigeants. A droite comme à gauche, les responsables politiques ont condamné l'"amnésie historique" de Thilo Sarrazin : le ministre des Finances Wolfgang Schaüble, pourtant opposé à la mise en place des eurobonds, a déclaré dans un entretien au journal Bild am Sonntag qu'en développant "cette absurdité absolue", Sarrazin agissait soit par conviction "soit par calcul méprisable".

Comme le chef de file du Parti libéral Patrick Döring, l'écologiste Jürgen Trittin a estimé "pathétique qu'il se serve de l'Holocauste pour assurer la plus grande attention possible à ses thèses sur les euro-obligations" dans un entretien au journal Die Welte.

Fin d'un tabou ?

Pourtant, comme avec son précédent ouvrage, les réactions outragées ont rapidement laissé place à un véritable débat sur les bénéfices apportés par l'Euro à l'Allemagne.

Si, comme le rappelle le Global Post, la plupart des économistes s'accordent sur les effets positifs de la monnaie unique sur l'économie allemande (sans euro, la monnaie allemande se serait plus rapidement  apprécié, diminuant sa compétitivité internationale), l'éditorialiste du très influent Financial TimesChristopher Caldwell remercie(lien abonnés) Thilo Sarrazin d'avoir dit ce que tout le monde pensait tout bas, en dépit de son style "peu adapté aux goûts des lecteurs timides".

Il enjoint Peter Steinbrück, le possible futur chancelier allemand issu du Parti social-démocrate, à prêter une oreille attentive à son collègue du SPD (qu'il a échoué à exclure du parti en 2010) plutôt que d'aller l'insulter sur des plateaux de télévision. "Les Européens vont-ils mieux depuis qu'ils dépensent des euros ? Où allaient-ils mieux en 1995, quand ils utilisaient des Deutschemarks ?", se demande Caldwell. 

"Une expertise indiscutable"

Alors que la situation économique et l'exaspération générale pourrait conduire l'an prochain les électeurs allemands vers des formations extrémistes comme le Parti national démocrate (NPD), comme en Grèce, le SPD devrait selon lui arrêter de faire la sourde oreille. Il ignore certainement que l'extrême-droite allemande n'a jamais réussi à surfer sur la crise dans les sondages, contrairement aux autres pays européens.

La radio Deutchlandfunk lui emboîte en tout cas le pas en assurant que "l'expertise économique de Sarrazin est indiscutable". Une crédibilité qui sort renforcée des soutiens que Thilo Sarrazin a reçu d'experts reconnus comme les économistes Stefan Homburg (Institut de la Finance Publique) et Thomas Mayer (Deutsche Bank) ou le politologue Heinrich Oberreuter.

M. V.

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