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Cette théorie qui nous fait totalement reconsidérer la raison pour laquelle nous mangeons trop
©Reuters

L'appétit vient en pensant

Nous avons le réflexe de croire que nous pouvons faire confiance à notre estomac pour savoir quand il est bon de manger et quand il est bon de s'arrêter. Cette croyance a été mise à mal par les travaux réalisés par le professeur de psychologie et biologiste Paul Rozin.

Béatrice  de Reynal

Béatrice de Reynal

Béatrice de Reynal est nutritionniste Très gourmande, elle ne jette l'opprobre sur aucun aliment et tente de faire partager ses idées de nutrition inspirante. Elle est par ailleurs l'auteur du blog "MiamMiam".

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Atlantico : Pouvez-vous nous expliquer la nature de l'expérience menée par Paul Rozin pour parvenir à la conclusion que nous devons faire davantage appel à notre mémoire qu'à notre estomac pour savoir quand il est bon de manger et de s'arrêter ?

Béatrice De Reynal : Les travaux de Paul Rozin montraient que des sujets ayant totalement perdu la mémoire à court terme n’avaient pas conscience d’une satiété et mangeaient à chaque repas qui leur était présenté. Ceci est terriblement réducteur quant aux processus complexes qui sont mis en place pour établir la faim et la satiété. S’il est vrai que le seul remplissage de l‘estomac (la "réplétion") n’est pas toujours suffisant pour cesser de s’alimenter, se souvenir que l’on a déjà mangé n’est évidemment pas suffisant comme marqueur de la satiété.

La réalité physiologique est toute autre : la satiété est une conjonction de plusieurs signaux complexes car de nature différente qui se potentialisent chez les uns, s’additionnent seulement chez les autres : réplétion de l’estomac, glycémie qui revient à des valeurs "de croisière" soit environ 1 gramme par litre de sang, signaux hormonaux, intestinaux, etc. A tout ceci, il faut aussi ajouter les aspects sociaux, culturels et interpersonnels. "J’ai fini mon assiette" est le plus fort, mais c’est parfois un "arrête, car les autres ne mangent plus" ou un "ce n’est plus l’heure"… 

En revanche, la mémoire de ce que l’on a mangé peut nous aider à potentialiser les effets positifs de ces aliments et apporter encore plus de satisfaction, donc de la satiété pour plus longtemps.

Quelles conclusions devons-nous tirer de ces travaux sur notre façon de nous alimenter ?

Nous mangeons souvent sans y attacher toute l’importance qui est nécessaire, et cela constitue vraiment une mauvaise habitude. C’est aussi sans doute ce qui perturbe tant les Américains et leur façon de manger. Considérer la nourriture comme étant un "refueling" calorique ou regarder un écran (TV, tablette…) et manger est une grosse erreur. Il faut donner plus d’attention au contenu de son assiette, et prendre le temps de l’apprécier longuement si l’on veut en tirer toute le satiété nécessaire au bien-être. 

Au lieu de nous fier à notre estomac pour décider de manger ou d'arrêter, devons-nous donc nous fier uniquement à notre mémoire ?

Notre mémoire n'est pas capable de nous dire quand il faut cesser de manger. L’estomac, la glycémie, les systèmes digestifs et physiologiques vont rapidement vous imposer de cesser de vous alimenter. La mémoire, pourtant, a son mot à dire parce que votre façon de manger aujourd’hui (vos choix, vos préférences, etc.) sont la conséquence de votre histoire alimentaire, votre vécu, vos repas précédents. Par exemple, si vous avez mangé un gros steak bien gras, au repas suivant vous aurez envie d’un grand plat de légumes… Pas besoin de mémoire intellectuelle, mais une mémoire physiologique. Elle seule sait ce dont vous avez besoin. 

Cette expérience remet-elle en question la science de la nutrition ? Comment ?

Cette expérience a été faite sur quelques sujets pathologiques et ne peut en aucun cas être étendue à nous tous, bien portants. 

Au vu de ces travaux, que conseilleriez-vous à quelqu'un qui veut perdre du poids ? D'écouter son corps ou plutôt son cerveau ?

Ces travaux ne perturbent pas la science et ses avancées récentes. Jugez plutôt :

- Manger avec des gens trop gros ou obèses vous incitera plus à trop manger par rapport à vos besoins. Votre entourage compte ! 

- Manger seul incite à manger au-delà de sa faim. Pourquoi ? Parce que le regard des autres, leur compagnie, sont des éléments protecteurs des règles. A table, on ne se ressert pas, on mange lentement et proprement, on se tient droit, on ne se "baffre" pas… Tous ces comportements socialisés sont très protecteurs du "bien manger". Manger en compagnie est une garantie de ne pas trop manger.

- Choisir des assiettes de petite taille, des portions prévues à l’avance… Toutes ces précautions vous éviteront les dérives que l’on voit trop souvent avec les "buffets" où chacun se sert comme il veut (il mangera en moyenne 1,5 à 2 fois plus qu’à son habitude !). Avec des sachets (de chips, pop corn ou cacahuètes) qui incitent à manger bien plus qu’on n’a besoin.

Bref, pour bien manger, il faut avoir des repères fiables. La mémoire n’est que l’un d’eux.

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