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Un sondage réalisé par l'Ifop permet de mieux percevoir les attentes des Français à l'occasion des élections législatives de juin 2022.
Un sondage réalisé par l'Ifop permet de mieux percevoir les attentes des Français à l'occasion des élections législatives de juin 2022.
©Ludovic MARIN / AFP

Enseignements du scrutin

Selon un sondage de l'IFOP réalisé pour les élections législatives, les « enjeux déterminants du vote » pour les citoyens ont été la santé, le relèvement des salaires et du pouvoir d'achat, l'éducation, l'évolution du prix des carburants et de l'énergie et la sécurité et la lutte contre la délinquance.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : Selon le sondage de l'IFOP Législatives 2022 – Sondage jour du vote : Profil des électeurs et clés du scrutin, les "enjeux déterminants du vote" ont été "déterminant dans l'ordre : la santé (73%), le relèvement des salaires et du pouvoir d'achat (68%), l'éducation (62%), l'évolution du prix des carburants et de l'énergie (61%) puis la sécurité et la lutte contre la délinquance (60%). Qu'est-ce que cela nous apprend des électeurs ? Quel portrait politique cela dresse-t-il d'eux?  

Jean Petaux : Le classement des déterminants du vote est très intéressant et nous indique combien les Français qui se sont déplacés pour voter (moins de un électeur susceptible de voter sur deux) l’ont fait en ayant à l’esprit une liste de problèmes dont ils pensent que leur mode de résolution (ou pas) pèse dans le choix de leurs bulletins de vote. Ceci montre, si besoin était, que les élections législatives sont bien des élections dites « nationales » au sens où elles portent sur des enjeux constitutifs de politiques publiques produites à l’échelon de l’Etat. Dans cette perspective, si la notoriété ou la variable individuelle des candidats, si leur implantation locale a pu jouer, dans certaines circonscriptions, surtout pour des candidats sortants, le choix des électeurs a été plus déterminé par les étiquettes partisanes que par les personnalités candidates. On mesure ensuite, dans la comparaison entre les déterminants de 2017 et ceux de 2022 combien certains sujets ont « régressé » dans l’ordre des préoccupations. La question de la « lutte contre le chômage » par exemple a ainsi baissé de 20 points dans la « liste des sujets déterminants », entre la mesure effectuée en juin 2017 et celle effectuée cinq ans plus tard en juin 2022. A l’inverse, la question de la santé, en-tête des préoccupations des Français a augmenté de 13% en cinq années. Il faut entendre par « santé » l’avenir de notre système de santé, l’accessibilité aux soins et le mode de financement, car pour ce qui concerne la seule lutte contre la pandémie de Covid-19, bien évidemment absente du sondage effectué en juin 2017, elle arrive en dernière position des préoccupations des Français en juin 2022. On peut dire, sans risque de se tromper, que la Covid-19 est, désormais, le « cadet des soucis » des électeurs. Ceci montre aussi combien les préoccupations des Français peuvent être soumises à des « variations saisonnières », plus exactement « conjoncturelles ». Avec un impact d’autant plus grand sur leur comportement électoral que 17% des personnes interrogées disent avoir décidé d’aller voter et décidé de leur vote « aujourd’hui même », autrement dit le 12 juin… En revanche on mesure aussi que certains « domaines » tels que l’éducation, au troisième rang des préoccupations des Français en juin 2017 (59% de votants pour qui l’enjeu de l’éducation a été déterminant) le demeure en juin 2022, en légère augmentation même : 62%. Sans doute faut-il voir dans cette remarquable permanence d’une part le fait que la question de la réussite et de la pertinence du modèle éducatif français est loin d’être satisfaisante et que l’inquiétude sur la qualité du niveau de formation des élèves français (les enfants de ceux qui vote) n’a pas vraiment progressé ces cinq dernières années. Il faut croire que les électeurs du Loiret qui ont sanctionné le ministre de l’Education sortant en ce soir de premier tour des législatives en l’éliminant de la course dès ce dimanche soir étaient aussi peu satisfaits du travail mené par le candidat ex-ministre de l’Education nationale ces cinq dernières années… 

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On notera aussi que, dans l’électorat NUPES et dans celui du RN, le choix de voter contre un candidat de la « coalition présidentielle » « Ensemble » est motivé par la « volonté de faire en sorte que le président de la République » cohabite avec l’opposition présidentielle qui deviendrait la majorité parlementaire. Dans cet argument se retrouve donc l’idée d’un « troisième tour présidentiel » revendiqué » par Jean-Luc Mélenchon dans son slogan institutionnellement inepte mais politiquement très pertinent : « Elisez-moi Première ministre ».

Finalement ce sondage portant sur le choix des électeurs montre un profil de ceux-ci très « politique », plutôt « stratège » et fortement « rationnel » au sens de « motivé par des raisons » et pas seulement « pré-déterminé » et « mécanique ». Mais, rappelons-le, il s’agit-là de ce qui constitue désormais la minorité du corps électoral, celle qui est tout à la fois encore « politisée » et surtout qui croit en la vertu de son bulletin de vote, au moins encore à son utilité. 

Dans quelle mesure ce portrait des déterminants du vote coïncide-t-il, ou pas, avec les votes eux-mêmes, en faveur de la NUPES, d'Ensemble et du RN (et dans une moindre mesure de LR) ? 

Jean Petaux : Le vote n’est jamais un acte simple à analyser parce qu’il relève d’une pluralité de facteurs et mobilisent des ressorts qui peuvent être aussi bien politiques bien sûr, mais aussi sociaux, financiers, culturels, psychologiques, etc. Les déterminants dont vous faites état et qu’a voulu saisir le sondage que vous me soumettez ne sont pas les seuls éléments qui rentrent en ligne de compte mais on peut estimer, sans grand risque de se tromper, qu’ils constituent bien le socle du comportement électoral de chaque personne sondée, parfois ce socle se confond avec le choix du bulletin de vote dans l’isoloire, parfois, à l’inverse et à l’exact opposé, il est totalement « écrasé » par d’autres variables qui viennent battre en brèche ce qui semblait primer dans le ressentiment par exemple de tel ou tel électeur.

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Quels enseignements tirer de ce constat ? Et notamment dans la perspective du second tour des législatives ainsi que du mandat à venir ?

Jean Petaux : La difficulté principale à laquelle se heurtent les candidats à la députation encore en lice au soir du premier tour et les états-majors des formations politiques c’est, en fait, comment prendre en compte les préoccupations de telles ou telles catégories d’électeurs sans s’aliéner telles ou telles autres ? Comment répondre aux électeurs qui considèrent que l’immigration est un déterminant principal de leur vote quand d’autres, dans une proportion comparable considère que ce problème migratoire n’a aucun espèce d’importance ou d’intérêt et qu’il est inutile de s’en (pré)occuper quand la question du pouvoir d’achat est bien plus grave et urgente à traiter. Il relève de la responsabilité politique de considérer, comme l’a écrit Pierre Mendes France, que « gouverner c’est choisir »… Et choisir ce qui est bon pour tel ou tel groupe particulier n’est pas forcément synonyme de choisir ce qui est bon pour l’intérêt général. « Vaste problème » pour paraphraser le général de Gaulle…

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