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Un effort « majeur » reste à fournir pour individualiser les traitements des patients atteints de formes sévères du Covid-19.
Un effort « majeur » reste à fournir pour individualiser les traitements des patients atteints de formes sévères du Covid-19.
©MARTIN BUREAU / AFP

Atouts contre la pandémie

Déterminer les meilleurs traitements en fonction des caractéristiques des malades du Covid-19 est un processus assez long. L’arrivée de nouveaux variants remet en cause les résultats des études. L'individualisation des traitements des cas de Covid-19 permettrait de limiter la circulation du virus et d'apporter de l'espoir aux malades, notamment pour les cas de Covid longs.

Jean-François Timsit

Jean-François Timsit

Le Pr Jean-François Timsit est chef de service de médecine intensive et réanimation infectieuse à l'Hôpital Bichat. 

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Atlantico : Lors d'une table ronde organisée mercredi 5 janvier par la commission des affaires sociales de l'Assemblée Nationale, vous estimiez qu’un effort « majeur » restait à fournir pour individualiser les traitements des patients atteints de formes sévères de Covid-19. Qu’entendez-vous par là ?

Jean-François Timsit : Nous avons testé certains traitements relativement tôt dans l’épidémie, sur des patients très différents les uns des autres et qui possèdent une grande variété de paramètres biologiques. Il y avait des hommes, des femmes, des patients avec un très gros syndrome inflammatoire, d’autres avec beaucoup de fièvre …On s’est d’abord rendu compte que les traitements à base de corticoïdes ainsi que certaines formes d’administration d’oxygène ne donnaient pas les mêmes résultats sur l’ensemble des patients.

A partir de ce constat, notre objectif est de déterminer quel est le meilleur traitement pour tel ou tel patient, puisque aucun traitement n'est dénué de risques. Les corticoïdes peuvent par exemple favoriser un certain nombre d’infections.

En essayant de traiter tous les malades de la même manière, on peut déterminer qu'en moyenne un traitement est bénéfique. Par contre, en analysant les données plus en profondeur, on s’aperçoit que certains traitements peuvent être plus efficaces dans certains patients alors qu'ils sont délétères pour d'autres. Il est important de définir les profils précis des patients qui peuvent bénéficier d'un traitement particulier, et ceux pour lequel le traitement est inefficace voir dangereux. L'analyse de l'intensité de la multiplication virale et de la réponse inflammatoire au moment ou ils sont pris en charge est importante pour cela.

A titre d’exemple, le délai entre la contamination et les premiers symptômes est une information primordiale pour prendre en charge les patients. Le Remdesivir, l’un des premiers médicaments mis au point contre la Covid, semble avoir une efficacité antivirale plutôt bonne quand il est administré chez un patient qui vient de développer les symptômes, alors qu’elle devient presque nulle lorsque l’infection est installée.

Le rapport bénéfices/risques des traitements antiviraux sera beaucoup plus intéressant chez un patient immunodéprimé que chez des malades ayant une immunité correcte. Dans ces cas-là, au contraire, il vaut mieux essayer de « tasser » l’immunité de façon à réduire son impact délétère.

Pour les corticoïdes, nous ne savons pas encore précisément quelle dose administrer et s’il faut poursuivre le traitement sur une longue période ou non. On ne sait pas non plus si les études faites sur les variants historiques sont encore valables avec les variants Delta et Omicron. Les symptômes sont très différents puisque les patients ont moins de problèmes respiratoires et d’inflammations.

La façon d’administrer de l’oxygène aux individus a également changé. Au début de la pandémie, on avait tendance à intuber les malades (les patients sont endormis comme au bloc opératoire et un tube est placé dans la trachée pour permettre l'arrivée d'oxygène) de manière précoce. On s’est aperçu que ce n’était pas réellement bénéfique et qu’il valait mieux les maintenir conscients, en augmentant simplement l’apport d’oxygène. Ce constat implique de se demander jusqu'à quel point il est possible de laisser des patients conscients sans intubation, sans risque pour eux, ce qui est une décision délicate.

Il y a également le cas du Tocilizumab, qui est très discuté. Cette molécule, anti-inflammatoire puissante, est recommandée aux États-Unis et pas en France. Elle serait probablement capable de diminuer la mortalité chez les formes relativement sévères quand les patients ne sont pas encore en réanimation, alors qu’elle aurait des effets délétères chez des patients qui justifient une intubation. D'autres médicaments agissant sur les mécanismes de l'inflammation du covid sont aussi en cours de tests avec des résultats encourageants. Mais, la encore, les profils de patients qui pourrait en bénéficier ne sont pas totalement identifiés.  Nous avons besoin de coordonner les efforts de recherche en France de façon à répondre rapidement et efficacement aux questions que nous nous posons.

En somme, les pistes sont nombreuses et il reste de nombreux efforts à fournir, notamment sur les réponses de l’organisme. Certaines études suggèrent que l’on pourrait utiliser les résultats de prise de sang pour déterminer quel traitement possède le meilleur rapport bénéfices/risques en fonction des caractéristiques des patients.

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Vous dites qu’il est extrêmement long de déterminer les meilleurs traitements en fonction des caractéristiques des malades. De plus, l’arrivée de nouveau variants remet en cause les résultats de vos études. A quel point ce constat est-il problématique pour apporter un traitement adapté aux patients ?

C’est tout l’enjeu du problème. Nous ne pouvons pas confirmer que les traitements proposés il y a un an à un patient atteint du variant Delta soient aussi efficaces avec un malade atteint d’Omicron. On peut essayer de ré-analyser les données des essais cliniques pour déterminer les meilleurs traitements à administrer. A partir de cela, on peut élaborer des hypothèses pour traiter certaines catégories de malades. Quels que soient les médicaments ou les techniques médicales, il y aura toujours un risque et une face cachée. Le but de la médecine est donc de déterminer le meilleur rapport bénéfice/risque pour un individu et une maladie donnée. Nous devons donc optimiser ces résultats grâce à des approches plus précises et plus fines.

De légers progrès ont été faits depuis le début de la pandémie, mais la recherche avance de manière lente et progressive. Ce qui a très clairement amélioré le pronostic des Covid sévères, c’est le fait de faire le moins de dégâts possible avec les traitements dont on dispose et de mieux connaître les complications de la maladie elle-même, comme les infections nosocomiales ou les thromboses, de manière à mieux les prévenir.

A quel point est-il important de continuer la recherche sur l’individualisation des traitements pour les patients atteints par la Covid-19 ?

La société a besoin que le virus arrête de circuler comme il le fait aujourd’hui. Même si le variant Omicron semble moins virulent que ses prédécesseurs, il y aura toujours des formes graves. Il faut donc continuer la recherche en matière d’individualisation des traitements pour permettre de soulager la pression hospitalière. Cela pourrait permettre de sauver de nombreuses vies et les professionnels de santé pourront de nouveau soigner d’autres malades comme des patients atteints de cancer. Ils pourront également reprendre leurs activités chirurgicales. Traiter les formes sévères est donc une pierre importante sur la voie d’un édifice d’amélioration.

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