Hors sujet
Mais pourquoi cette obsession de la politique budgétaire alors que les vrais enjeux économiques sont ailleurs ?
Les dirigeants européens se focalisent trop sur la problématique du solde budgétaire. Une manière de cacher les vrais enjeux et d'éviter les questions qui dérangent...
L’horizon indépassable des responsables politiques c’est désormais un solde budgétaire nul : pas nul sur l’ensemble du cycle pour donner une chance à la croissance, nan, nul à un point donné, pas nul s’agissant du déficit structurel, nan, nul pour le conjoncturel aussi, et pas légèrement négatif pour tenir compte de la juste participation des jeunes générations aux efforts d’investissement réalisés aujourd’hui dont ils bénéficieront à l’avenir, nan, nul on vous dit ! Artung ! Angela lex, soldus lex.
Peu importe que cela n’ait strictement aucun sens sur le plan de la théorie économique. Peu importe que toutes les règles automatiques de ce type aient toujours été violées (et en premier lieu par les Allemands, qui n’ont pas respecté la limite des 3% de déficits lors de sept des dix derniers exercices budgétaires). Il parait qu’il faut le faire pour contenir la monté des taux d’intérêt, voilà bien un sottise absolue : s’il y avait le moindre rapport entre les déficits et les taux, ces derniers seraient très élevés au Royaume Uni et au Japon et très bas en Italie et en Argentine (on observe exactement l’inverse !) ; de plus, s’il existait un quelconque rapport entre les taux d’intérêt et le stock de dettes publiques, comment expliquer que les taux français à 10 ans soient passé de 19% à 3% entre 1981 et 2012 (période au cours de laquelle la dette française est passé de 20% à 85% du PIB) ? Même remarque pour la quasi-totalité des pays de l’OCDE.
Le véritable déterminant des taux entretient peu de rapports directs avec les finances publiques, ce sont les anticipations d’inflation qui comptent; et il se trouve que les marchés financiers ne croient pas à l’inflation dans un univers de vieux de plus en plus vieux dirigés par un banque centrale pro-allemande dédiée à la déflation et à la maximisation du taux de chômage, et avec un prix du baril de pétrole qui a déjà été multiplié par 10 au cours des 12 dernières années sans que cela ait engendré une inflation significative sur la période (ce qui ne veut pas dire que certains financiers ne cherchent pas à convaincre des clients gogos que l’inflation est à nos portes de façon à leur refourguer des produits bidons contre une menace fantôme, mais c’est un autre problème et je ne voudrais pas me fâcher avec la moitié de l’industrie financière).
Alors pourquoi cette focalisation monomaniaque sur un solde budgétaire qui n’a aucun sens ? Car cela permet d’occulter les vrais problèmes. En effet, s’occuper du solde quand on est bien français cela signifie se concentrer sur les recettes : haro sur les boucs émissaires traditionnels (le triptyque entreprises, riches, niches), inventivité maximale pour de nouvelles bases taxables, silence pudique sur le volet dépenses, et au final on monte la TVA ou la CSG, ou les deux, peu importe ; opération de désinformation réussie, on a fait disparaitre les vrais enjeux : 1/la question des incitations (par exemple, ce qui pose problème dans le financement des dépenses ce sont les impôts les plus distordants, du type impôt sur le revenu en France), 2/la qualité de la dépense (niveaux micro et méso-budgétaires, expérience néo-zélandaise), 3/ la sincérité des comptes publics, car franchement que signifie un demi-point de déficit en plus ou en moins quand on connait l’ampleur des bombes à retardement dans les comptes sociaux, je pense à la Cades en particulier, 4/ le mythe de l’austérité expansionniste dans un système de changes fixes (le Gold Standard à l’époque, l’Euro aujourd’hui), qui s’est toujours fracassé sur les récifs de la réalité, et corrélativement la responsabilité de la gestion monétaire BCE dans la crise souveraine en zone euro.
Les vrais enjeux, ils fâchent. Ils conduisent à poser des questions dérangeantes (comment faire pour revenir à l’équilibre sans trop de casse si on ne peut pas dévaluer ? pourquoi tous ceux qui nous vendent le redressement suédois des années 90 omettent d’évoquer le rôle de la dépréciation de la couronne suédoise ?), à remettre en cause des intérêts puissants et des habitudes anciennes, à regarder le monde au delà du périphérique. Il ne faudrait surtout pas en arriver là, surtout au moment de la campagne présidentielle. Dormez tranquilles, braves gens. Et, au passage, ne réveillons pas les parlementaires qui, depuis la Magna Carta (imposée au roi Jean-sans-Terre par les barons anglais en 1215), étaient théoriquement en charge de la surveillance budgétaire et qui se sont tranquillement laissé déposséder de cette tache cruciale par des personnes non-élues (Commission, FMI, et désormais de facto BCE).
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