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Ces propagateurs de radicalisation qu’aucun plan gouvernemental ne parvient à contrôler malgré des efforts grandissants
©ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

Entre les mailles

Le plan national de prévention de la radicalisation présenté vendredi va dans le bon sens, mais oublie qu'il est impossible de déradicaliser les gens si les pôles de l'islam officiel sont imbriqués avec les pôles de l'islam radical.

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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Atlantico : Pourquoi est-ce que la déradicalisation institutionnelle vous semblé vouée à l'échec ?

Alexandre Del Valle : Aujourd'hui, un plan de déradicalisation est presque impossible dans les démocraties occidentales pour plusieurs raisons.

Premièrement, le principe de liberté individuelle a pris tellement d'importance qu'il est presque impossible de limiter la liberté d'expression en matière religieuse. Aujourd'hui, il n'y a pas de loi qui criminalise l'expression religieuse elle-même. Il n'y a aucune disposition qui empêche un imam radicalisé ou un propagandiste d'affirmer des choses graves, dès lors que cet homme s'appuie sur des textes religieux. Il y a de nombreux imams également prédicateurs, issus d'instituts de formation musulmane, qui enseignent à leurs fidèles des dispositions haineuses envers les femmes, les mécréants, les apostats… Toute une théologie de la haine et même une justification du djihad guerrier et un suprématisme islamique.

Il est donc difficile de combattre des gens qui, cachés derrière la simple liberté religieuse, diffusent des idées totalitaires de conquête. Certains hadiths ont animé quelqu'un comme Merah qui voulait tuer les juifs, musulmans apostat et mécréants. Tout ce qu'il a fait, on peut le retrouver dans de nombreux textes de l'islam classique.

Il n'y a pas de problème avec l'islam en tant que religion ou foi. Le problème n'est pas la foi dans l'islam, le problème c'est toute une sanctification de doctrines politico-guerrières et conquérantes qui sont utilisées sous couvert de religion et qui permettent de faire passer des idées qui appellent au meurtre et à la conquête. 

Aucun homme politique occidental n'a jamais osé criminaliser des textes sacrés. Comment voulez-vous déradicaliser quelqu'un qui a  appris dans une mosquée qu'il est possible de tuer les apostats ?  Comment faire si on accepte la diffusion d'ouvrages,  de centres de formation qui ont grossièrement les mêmes idées que les djihadistes, exprimées de manière plus habile ?

Aujourd'hui, ce que j'appelle l'islamisme institutionnel enseigne une idéologie qui est en fait très proche de l'idéologie qui motive les islamistes djihadistes. Cet islamisme a pignon sur rue, il tient des mosquées et il faut en avoir conscience.

On ne peut pas déradicaliser des islamistes si l'on croit que seuls les terroristes qui se font sauter sont les acteurs de ce fanatisme. Ceux-là ne sont que les derniers rouages d'un phénomène plus large qui est l'idéologie islamiste.

Dans ce cas, la solution ne résiderait-elle pas dans la prévention?

Le seul moyen de déradicaliser, ce n'est pas la répression a postériori.  Il faut donner des vaccins préventifs. Il faut empêcher la contamination par des idées radicales en contrôlant l'islam de France et en instaurantr un islam des lumières qui déligitimise l'islamisme. La vraie radicalisation est idéologique. Il faut que l'enseignement de l'islam soit contrôlé et tenu par de gens éclairés. Aujourd'hui, la radicalisation est structurellement et idéologiquement rendue impossible par le fait que l'on a  confié la gestion de l'islam a des pôles qui adhèrent à l'islamisme radical.

Pour prévenir la radicalisation, la seule véritable solution  ne peut être qu'idéologique et éducative. La déradicalisation aujourd'hui ne peut passer que par deux voies complémentaires. La première, c'est comme on l'a dit un islam des Lumières, respectueux de la liberté et de la dignité humaine qui serait tenu par des musulmans éclairés. Deuxième voie complémentaire, l'école. A l'école, on doit renforcer l'enseignement de l'esprit critique qui permet de ne pas céder au totalitarisme. Il faut rétablir l'autorité de l'Etat et des professeurs pour empêcher ceux qui sont contre nos valeurs de perturber un enseignement de la République. On ne peut déradicaliser qu'en amont par la prévention.

Dernière chose : il faut des structures plus intelligentes au niveau  carcéral. Quand on a arrêté quelqu'un de dangereux et puisque l'on  va un jour ou l'autre libérer les radicalisés, il faut énormément innover et investir dans des systèmes pénitentiaires adaptés.  Aujourd'hui, les radicaux convertissent d'autres détenus et il y a une vraie contagion, même auprès des personnels du milieu carcéral. Il faut isoler et essayer de contribuer à réinsérer des gens qui aujourd'hui dans des prisons surpeuplées où se mêlent voyous et prédicateurs.

A la lumière de ce qu'on vient de dire, comment juger le plan présenté aujourd'hui ?

Ce plan pour aider à la déradicalisation et les objectifs du gouvernement en la matière vont plutôt dans le bon sens. Car, effectivement, on peut mieux surveiller les réseaux sociaux mieux responsabiliser les acteurs du web, améliorer le suivi dans les prisons. La volonté d'Emmanuel Macron de faire un islam de France compatible avec nos valeurs va aussi dans le bon sens mais je mets quand même des bémols à tout cela car aujourd'hui il est impossible de déradicaliser les gens si les pôles de l'islam officiel sont imbriqués avec les pôles de l'islam radical.

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