Ces nouvelles pandémies que nous réserve la fonte des glaciers<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Science
La glace recouvrant le Lac Fryxell, dans la Chaîne Transantarctique, vient des eaux de fonte de glaciers du Canada et d'autres glaciers plus petits.
La glace recouvrant le Lac Fryxell, dans la Chaîne Transantarctique, vient des eaux de fonte de glaciers du Canada et d'autres glaciers plus petits.
©National Science Foundation / DR

Menace venue du froid

Des chercheurs au Canada ont voulu étudier comment le changement climatique pourrait affecter le risque de débordement viral en examinant des échantillons du lac Hazen.

Stéphane Aris-Brosou

Stéphane Aris-Brosou

Stéphane Aris-Brosou est Professeur associé à l’Université d’Ottawa au Canada. Les programmes de recherche du professeur Stéphane Aris-Brosou portent principalement sur diverses questions portant sur la bioinformatique et l'évolution moléculaire, avec un intérêt particulier porté à l'estimation des temps de divergence entre espèces, ainsi qu'à la compréhension des processus à l'oeuvre lorsque les protéines subissent une sélection divergente.

Voir la bio »

Atlantico : Dans le cadre de votre étude, pouvez-vous revenir sur votre découverte et sur vos travaux sur le « viral spillover », le débordement viral issu de la fonte des glaciers ?

Stéphane Aris-Brosou :Nous avons travaillé sur des débordements viraux. Cela s’inscrit dans ce que nous avons connu avec le SARS-CoV-2, Ebola, Zika et le VIH. Des virus qui circulent dans des hôtes se trouvent en présence d’un nouvel hôte. Avec un certain nombre d’expositions aux virus, ils commencent alors à circuler chez de nouveaux hôtes. N’ayant jamais rencontré ce virus auparavant, le système immunitaire du nouvel hôte ne reconnaît pas le virus et va avoir du mal à cohabiter avec lui.

Nous avons été confrontés à ces phénomènes de débordements viraux. Ils engendrent de nombreux problèmes. Notre étude visait à mesurer ce risque de débordement. Cette quantification ne représente pas une prédiction.

Vous avez analysé des échantillons du Lac Hazen par rapport à ces enjeux liés aux débordements viraux. Cela permet-il de s’interroger sur la fonte des glaciers en analysant ces échantillons-là ?  

La première autrice de l’étude, Audrée Lemieux, devait mener dès 2020 des expériences en laboratoire. Lors du printemps 2020 et avec les restrictions sanitaires liées à la COVID-19, les laboratoires ont été contraints de fermer. Ses recherches ont donc été réorientées à ce moment-là. Les échantillons proviennent d’une étude précédente publiée en 2018 par Graham Colby. Il avait été en mesure d’analyser les données concernant l’ADN.

Le projet a donc été réorienté pour réanalyser ces données. Nous avons souhaité étudier les virus et leurs évolutions dans ces échantillons tout en tirant avantage du plan expérimental que nous avions. Nous avons réalisé une seule expédition dans l’environnement du lac Hazen qui est immense. Il est alimenté par un grand nombre de glaciers, qui ont des tailles différentes. La prédiction de mes collègues qui sont des experts en climatologie est que l’impact du réchauffement climatique dans cette région va être d’augmenter le débit de ces glaciers par l’effet de fonte.

Nous avons étudié trois glaciers de tailles différentes de façon à avoir l’évolution de ce qu’il se passe le long de ce gradient de flux de glaciers et pour étudier l’impact du réchauffement climatique mais aussi sur les relations qui peuvent exister entre les virus et leurs hôtes.

Quelle a donc été votre découverte et l’aboutissement de vos recherches ?   

Le réchauffement climatique va augmenter le risque de débordements viraux dans cette région. Nous sommes en train d’identifier ces virus. Certains médias évoquaient le risque de l’anthrax avec la fonte du permafrost ou des virus mortels. Nous n’avons pas encore de certitudes scientifiques sur la possibilité que ces débordements viraux issus des glaciers soient aussi dangereux.

Ces relations qui existent entre hôtes et parasites vont favoriser les débordements.

Nous étudions ces virus issus des débordements viraux afin de savoir s’ils sont très différents des virus que nous connaissons sous nos latitudes.

L’inquiétude porte-t-elle donc sur le risque que des virus puissent se répandre parce que les glaciers fondent et à cause du réchauffement climatique ?

Nous avons étudié ces débordements viraux pour des animaux, des plantes, des champignons qui sont particulièrement concernés par ces risques. Ils subiront l’impact de ces débordements viraux.

La densité d’habitation humaine est très faible dans ces régions.  

Des plantes aux animaux, cela pourrait-il rejaillir sur l’homme ?

La crainte et la menace pour l’homme ne sont pas directes. Mais cela constitue un argument de plus afin de repenser notre façon de vivre et d’interagir avec la planète.

Cela ne va pas nous concerner en tant qu’humain au cours des deux à trois prochaines générations mais en revanche l’impact de nos activités humaines sur la planète va entraîner des changements au niveau de certaines régions. Les débordements viraux risquent d’augmenter.

Malgré les incertitudes, quelles pourraient être les conséquences des débordements viraux dans l’absolu ?

Il est très difficile de faire des prédictions à partir des données dont nous disposons. Repenser notre mode de vie et notre rapport à l’utilisation des énergies fossiles doit permettre de prendre des mesures concrètes pour lutter contre le réchauffement climatique et à terme limiter les débordements viraux.

Si les risques de débordements viraux ne nous menacent pas directement, pourquoi est-ce si important de s’ne préoccuper ?

Les débordements viraux sont une réalité à l’échelle mondiale. Notre étude porte sur une région qui est faiblement peuplée.

Dans les années 1980, le VIH est apparu. Dans les années 2010, Ebola était très présent. Maintenant, nous continuons de lutter contre le SARS-CoV-2.

Face à l’augmentation de l’activité humaine, la menace de débordements viraux s’accroît. De nouvelles régions sont déforestées. Cela favorise les nouveaux contacts avec des virus issus d’espèces que nous ne rencontrions pas par le passé.

Votre étude se concentre sur le risque de débordement viral par la fonte des glaciers mais ce phénomène peut se produire par d’autres moyens. Le risque de débordement viral peut-il se traduire et être accéléré par l’activité humaine en réalité ?

Effectivement, les risques sont pour l’instant ailleurs que dans l’Arctique.

Vos travaux concernent la mesure d’un risque et ne sont pas une prédiction. A quel point ce risque est-il important à l’heure actuelle, selon vous ? Et à quel point le réchauffement climatique le fait augmenter ?

C’est effectivement la raison pour laquelle nous avons appelé cela comme un « risque »  et non pas une « probabilité ». C’est la première fois que ce genre d’approche est utilisé pour quantifier ce risque.

Il faudrait reprendre cette étude sur d’autres échantillons issus d’environnements différents pour voir comment ce risque change.

Est-ce que vous craignez qu’avec le réchauffement climatique, le risque de débordements viraux et donc les conséquences pour l’homme se multiplient. Des pandémies comme le Covid pourraient-elles se reproduire régulièrement ?

A court terme, les plus grandes inquiétudes que nous pouvons avoir vis-à-vis de ces mécanismes de débordements viraux s’apparentent à la situation de la COVID-19 avec le cas du marché de Wuhan. Les animaux issus d’environnements naturels ou sauvages, vendus sur ce type de marché, peuvent potentiellement présenter des risques pour l’espèce humaine. Cela favorise l’interaction entre espèces alors que cela ne se produit pas dans la nature. Cela peut favoriser les risques de débordements. 

Les conséquences directes de la fonte des glaciers vont concerner l’augmentation du niveau de la mer et obliger la population à revoir son habitat et son environnement.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !