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Le Chili a construit l'une des campagnes de vaccination les plus réussies au monde après avoir été durement touchée par la pandémie.
Le Chili a construit l'une des campagnes de vaccination les plus réussies au monde après avoir été durement touchée par la pandémie.
©MARTIN BERNETTI / AFP

Petites leçons sud-américaines

Le Chili a administré près de 5 millions de doses de vaccin, soit à près d'un quart de sa population.

Franck Gaudichaud

Franck Gaudichaud

Franck Gaudichaud est professeur des universités en histoire et civilisation latino-américaine à l'Université Toulouse Jean-Jaurès. Il vient de coordonner avec Thomas Posado l'ouvrage : "Gouvernements progressistes en Amérique Latine (1998-2018). La fin d'un âge d'or", PUR, 2021. 

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Atlantico : Plus de 4,1 millions de Chiliens ont déjà reçu une première dose de vaccin et le ministre chilien de la Santé assure que le pays est le deuxième au monde à vacciner le plus rapidement derrière Israël…

Franck Gaudichaud : Paradoxalement, on observe que ce sont les pays qui ont le mieux organisé la résistance au virus qui ont le moins bien vacciné et inversement. Le Chili a été très touché par le Covid-19 et la gestion de la crise a été maintes fois critiquée par le Collège des médecins qui est l'équivalent du Conseil scientifique en France. On compte plus de 21 000 morts, ce qui à l'échelle chilienne est énorme. Mais le Chili s’est rattrapé sur la vaccination. Quasiment un quart de la population a reçu une première dose. Ce qui est considérable quand on compare avec les chiffres français. Et c'est d'autant plus impressionnant que le Chili est un petit pays du sud.

Comment le Chili s’est-il fourni en doses de vaccin ?

Le gouvernement a bien anticipé l'achat des vaccins à la différence des pays voisins comme le Pérou ou le Brésil. Le Chili est aujourd'hui l'un des pays les mieux fournis de la région avec 10 millions de doses déjà arrivées sur place. Le Chili, en tant que grand allié de la Chine et premier partenaire commercial du pays, a reçu d’importantes quantités de Sinovac, le vaccin chinois. Cela rentre dans le cadre de la diplomatie vaccinale de la Chine. Il y a également toute une partie des troisièmes phases des essais cliniques chinois qui ont été faits au Chili. Le pays en a donc profité tout en se voyant octroyer en échange un accès privilégié au marché chinois. Mais le Chili a aussi su diversifier ses sources en commandant des vaccins Pfizer, Astrazenaca et bientôt Spoutnik.

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La logistique de la campagne vaccinale est-elle plus efficace que dans d’autres pays ?

Le Chili est le champion du néolibéralisme en Amérique Latine depuis les années 70. Pourtant, même Pinochet n'a pas osé toucher à un réseau très dense de centres de soins primaires qui existe depuis les années 50. Il y avait alors toute une politique de l'État planificateur au Chili, à l'époque ce qu’on appelait la substitution de l'importation. Depuis, le Chili a maintenu ce réseau malgré toutes les privatisations de la santé de l'ère Pinochet.

La vaccination contre le Covid-19 se décide au niveau municipal. Elle se fait dans les territoires, au plus près des habitants. Le Chili bénéficie aussi d'une grande expérience de la vaccination. Le pays est reconnu par l’OMS pour sa lutte contre la rougeole, la rubéole, la grippe... C'était d'ailleurs (jusqu'ici) le cas du Brésil également.

Le contexte socio-politique bouillant du pays a-t-il eu un effet sur la gestion de la crise et de la vaccination ?

Le Chili a traversé en 2019-2020 une grande révolte populaire de remise en cause radicale des institutions, des partis et du gouvernement de Sebastián Piñera. Par-dessus est arrivée la pandémie qui a été mal gérée. Malgré le désastre de la première vague, le gouvernement s’est maintenu. Il est maintenant sous une immense pression sociale et sanitaire.

La vaccination était l’occasion ou jamais pour le gouvernement Piñera de se refaire une popularité. Le 11 avril ont lieu les élections pour la convention constitutionnelle. Le gouvernement de droite de Pinera qui était à moins de 7% d'approbation est en train de remonter un peu grâce à la vaccination. Il ne pouvait pas se permettre de rater cette étape après toutes les atteintes aux droits de l'homme en 2019-2020. Plus de 2 000 personnes emprisonnées suite aux manifestations attendent encore d'être jugées.

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La vaccination est incontestablement un enjeu politique pour Piñera qui souhaite se représenter. Une importante phase électorale est en train de s’ouvrir avec la constituante, l'élection des gouverneurs, les municipales puis les présidentielles.

Il faut également resituer le contexte de grave crise économique. Le PIB de l’Amérique Latine a chuté de plus de 7% en 2020. Le patronat chilien a poussé au maximum pour accélérer la vaccination. Mais le travail informel, important au Chili (environ 30%) même s’il est moindre que dans d’autres pays d'Amérique latine, complique les mises en quarantaine et fait augmenter la circulation du virus.

La vaccination suffit-elle à ralentir l’épidémie dans le pays ?

L’objectif affiché du ministre de la Santé est d'atteindre l'immunité collective d'ici juillet-août en vaccinant 80% de la population. Mais le collège des médecins rappelle qu'il ne faut pas crier victoire trop vite car on observe une remontée assez nette des contaminations. On parle même d’une troisième vague possible malgré le vaccin - voire même à cause du vaccin car la population relâche sa vigilance. Par ailleurs, le Chili n’est toujours pas doté de systèmes élaborés de traçage.

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