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Pourquoi se limiter à une banale moyenne de 900 km/h au dessus des océans ?
Pourquoi se limiter à une banale moyenne de 900 km/h au dessus des océans ?
©Reuters

THE DAILY BEAST

Le luxe de voler couché dans un lit plat ne suffit pas à la nouvelle ploutocratie. Ils veulent voler plus vite, beaucoup plus vite. Ils veulent qu'une sorte de Concorde, leur "fusée" supersonique, revienne.

Clive Irving

Clive Irving

Clive Irving est journaliste pour The Daily Beast.

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The Daily Beast - Clive Irving

Beaucoup des One Percenters (les Américains les plus riches qui représentent 1% de la population des Etats-Unis) sont apparemment désespérés car il y a quelque chose que leur argent ne peut pas encore acheter : la capacité de voler au moins deux fois plus vite que le reste d'entre nous.

Depuis que l'avion de passagers supersonique Concorde a été cloué au sol après un accident en 2003, il y a un nivellement vers le bas du voyage aérien. Les riches ne peuvent plus s’offrir le privilège de voler à 2 000 km/h à travers l'Atlantique alors que tout le monde est limité à la (banale) vitesse de 900 km/h.

Cela ne va pas durer.

Une irrésistible pression monte pour satisfaire la demande de voler plus vite, beaucoup plus vite. Il y a des projets pour offrir ce frisson en deux tailles, avec des jets d'affaires et avec une nouvelle génération d'avions supersoniques.

Les spectaculaires voyages du Concorde – ceux qui l’utilisaient régulièrement l’appelaient "la fusée" - étaient à l’origine de trois problèmes : en croisière supersonique au-dessus de l’Atlantique, il consommait du carburant de façon effrayante, et lors du survol de la terre il provoquait un bang supersonique, pire que le tonnerre, secouant les bâtiments situés sous sa trajectoire (le boom a été causé par les ondes de choc des ailes allant de l'avant et vers le bas). Il était aussi très bruyant au décollage et à l'atterrissage, tout en laissant une trainée de pollution.

Tout nouveau jet supersonique devra donc être beaucoup plus vertueux en matière d’impact sur la planète.

Mais compte tenu de cet exigence, le nom de l'entreprise qui veut lancer un nouvel avion supersonique a un air de défi rétro : Boom Technology. Il suggère que, loin de supprimer le son de ces coups de tonnerre, ses promoteurs considèrent que cela fait partie de son image de marque. La société basée à Denver affirme que son jet sera plus rapide que le Concorde, avec une vitesse de croisière d'environ 2 500 km/h, ce qui provoquerait encore plus de booms sonores.

Cependant, les prévisions de rentabilité économique sont basées sur des parcours où ce supersonique volera la plupart du temps au-dessus de l'Atlantique ou du Pacifique. Ses concepteurs affirment qu'il sera en conformité avec les réglementations actuelles de bruit autour des aéroports, car il volera à une vitesse subsonique sur terre de manière à ne pas provoquer de bang supersonique.

Le Concorde a été l'un des avions les plus sexys jamais construits, mais à côté des jets à fuselage large, il avait l'air minuscule, avec des sièges pour seulement 100 passagers. Boom sera deux fois plus petit, avec seulement 50 sièges, mais ce n’est pas un hasard si le jet de Boom ressemble à un petit Concorde.

Bien que le Concorde ait été conçu dans les années 1960, son aile en forme de fléchette était aérodynamiquement si intelligente qu'elle reste difficile à améliorer. Ce type d’aile a été conçu par Dietrich Küchemann, l'un des tout premiers scientifiques qui avaient travaillé sur le vol à grande vitesse du temps de l’Allemagne nazie avant d’être amenés à travailler aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne après la guerre. Küchemann a animé le groupe d’aérodynamiciens qui ont travaillé sur des avions tests, en Grande-Bretagne, ce qui a contribué à définir la forme du Concorde.

Cependant, en-dehors de la forme de l'aile, le projet de jet Boom a été rendu possible grâce à deux nouvelles avancées technologiques. La première, ce sont les matériaux composites, car il ne sera pas construit en aluminium, les mêmes composites, par exemple, que ceux utilisés pour le 787 Dreamliner de Boeing.

Les composites sont non seulement plus léger que le métal, mais ils supportent aussi mieux les températures élevées provoquées par le vol supersonique où les températures des surfaces de l'avion montent à plus de 150 degrés.

La deuxième avancée réside dans la technologie du moteur. Il n'y a pas de moteurs à réaction conçus spécifiquement pour le vol supersonique commercial. Le jet de Boom sera propulsé par un moteur actuellement utilisé pour le vol subsonique (le choix du moteur n'a pas encore été fait) qui sera modifié pour être plus compact et sera beaucoup plus économe en carburant que ne l’étaient les moteurs du Concorde.

Toute cette technologie sera au service d’une élite maniaque selon des horaires spécialement choisis. Par exemple, un passager sera en mesure de quitter New York à 6 heures du matin pour arriver à Londres à temps pour le déjeuner, puis il pourra passer un total de sept heures sur place avant d’être de retour à New York à 20 heures, juste à l’heure du cocktail qui précède le dîner.

Les routes de l'Atlantique Nord sont considérées comme le paradis pour cette nouvelle génération de jets. Selon une étude révélée par le magazine Aviation Week, la demande pour les vols transatlantiques supersoniques est si grande que, pour la satisfaire, les compagnies aériennes auront besoin de plus de 350 avions de la taille du jet signé Boom.

En théorie, l'économie du jet de Boom permettrait qu’une place soit vendue au même prix qu’un siège en classe affaires à bord d’un jet subsonique d’une compagnie régulière, mais personne ne croit vraiment qu'une compagnie aérienne choisirait de le proposer à ce tarif. Après tout, la plupart des gens qui veulent voler plus vite veulent être vus comme faisant partie d’une classe à part, et sont prêts à payer plus cher pour le montrer.

Devinez qui est en première ligne avec des options pour acheter les 10 premiers jets de Boom ? Nul autre que le milliardaire britannique Richard Branson, qui rêve de vous envoyer dans l’espace avec sa compagnie Virgin Galactic (dont le premier voyage était promis en 2009, mais on attend toujours).

Boom prévoit de faire voler ses premiers passagers d'ici 2023. Mais cet avion et ses aménagements paraîssent relativement plébéiens lorsqu'on les compare à l’Aerion AS2, conçu comme le premier jet d'affaires supersonique.

Aerion, société basée à Reno, Nevada, développe l'AS2 avec Airbus, le géant de l'aérospatiale européenne. Avec une vitesse de pointe de 1 600 km/h, l'AS2 ne sera pas aussi rapide que le jet de Boom, mais il fera quand même passer le temps de vol entre Paris et Washington, de 7 heures et 50 minutes à seulement 4 heures et 45 minutes.

Et parce qu'il est le pionnier d'une conception avancée d'aile, il sera plus doux avec notre planète. En vitesse de croisière au-dessus de l'eau, l'AS2 produira toujours un boom, mais il peut aussi voler au-dessus des terres bien au-dessus de la vitesse du son, sans provoquer un bang au sol car l'onde de choc se dissipe avant d'atteindre le sol.

L'une des caractéristiques les plus spectaculaires du Concorde était qu'il volait à 18 000 mètres, à environ 6 000 mètres au-dessus de l’altitude de vol des jets subsoniques, et cela permettait aux passagers de voir la courbure de la terre. L’AS2 volera plus bas en croisière, à 15 000 m, mais la courbure sera toujours visible.

Dans sa configuration de base, le AS2 aura une cabine de huit places de luxe.

L'Amérique a la plus grande flotte de jets d'affaires subsoniques du monde : plus de 12 000 unités. Les plus avancés, comme le Gulfstream 650 ou le français Dassault Falcon 8X, coûtent entre 58 millions et 67 millions de dollars. Le prix de l’AS2 est annoncé à 120 millions de dollars. Ce qui le réserve aux seules sociétés qui estiment que leurs cadres méritent d’économiser leur temps au maximum.

Si cela semble être un nouvel âge de la ploutocratie dont tous les caprices extravagants sont pris en compte, il faut dire qu’en fait, il s’agit juste de la dernière étape dans la longue histoire du voyage de luxe.

Au cours des premières décennies, les vols aériens étaient réservés aux relativement riches. Par exemple, en 1933, quand United Airlines a commencé les premiers vols entre Newark et San Francisco en utilisant un nouvel avion, le Boeing 247, le tarif aller simple était de 160 $, à peu près égal à 3 000$ aujourd'hui et c’était, pourtant, l’époque de la Grande Dépression.

Lorsque les voyages en chemin de fer transcontinentaux sont devenus monnaie courante en Amérique dans les années 1880, le tarif le plus bas de côte à côte (Est et Ouest) était à moins de 30$. Mais les voitures Pullman offraient un concept tout à fait différent pour les riches, des sortes d’hôtels ambulants, avec des voitures-restaurants où il y avait un choix de 15 plats de fruits de mer et 37 plats de viande, sur les menus.

Les ploutocrates de l'âge d'or ne se contentaient pas d’être simplement gourmands. Certains possédaient leurs propres voitures Pullman, au prix de 500 000 $ chacune. La voiture de JP Morgan avait une cheminée où l’on brulait des bûches. Le millionnaire Jay Gould, lui, réservait l'une de ses quatre voitures à une vache qui lui fournissait du lait frais pendant ses voyages. Lorsque le banquier Henry Flagler a inauguré le chemin de fer entre les villes du nord-est des Etats-Unis et la Floride, ses compagnons profitaient de voitures avec salles de bains en marbre.

Le voyage en avion ne sera pas vraiment démocratisé avant l’arrivée du premier avion à réaction à large fuselage, le 747 qui l’a mis à la portée de beaucoup. Ensuite, une génération plus tard, des jets économes en carburant ont permis la naissance de compagnies aériennes low cost. Inévitablement, chaque mesure prise pour élargir la clientèle du voyage aérien a aussi entraîné une hausse de la qualité du service au profit d’un petit microcosme. Sans oublier que des innovations comme la classe Economie Premium ont introduit des distinctions encore plus subtiles.

D’une manière globale, la poussée vers des voyages plus rapides mène la technologie dans une direction inhabituelle, loin de l'économie de carburant et de l'écologisation de l'aviation.

L'industrie aéronautique est sous une pression croissante pour réduire les émissions polluantes. Elles n’ont pas été incluses dans les accords du traité sur le climat signé à Paris. Dans le cadre de ses deux organisations, l'Organisation internationale de l'aviation civile et l'Association Internationale du Transport Aérien (IATA), l'industrie a accepté de plafonner progressivement son empreinte carbone, sans se presser, d’ici 2035.

Cependant, les concepteurs d'avion et de moteurs affichent plus de détermination. L'efficacité énergétique de la prochaine génération d'avions de ligne sera en progrès d'au moins 20%, sans compter que l'aérodynamique et de nouveaux matériaux pourraient pousser ce chiffre jusqu’à 50% au cours des 20 prochaines années. Dans le même temps, les vols sans émissions polluantes sont entrés dans la première étape des essais, avec des vols à propulsion tout électrique.

Curieusement, la NASA, qui est l'un des acteurs essentiels dans le domaine des avions du futur, ne semble pas avoir obtenu ce message. Elle utilise son budget pour aider Lockheed Martin, à travailler sur ce ce qu'on appelle, par euphémisme, le transport supersonique calme. L’appareil serait deux fois plus grand que le jet de Boom, avec jusqu'à 120 sièges tout en pouvant, comme l’AS2, voler à vitesse supersonique au-dessus de la terre sans créer un bang.

Mais en termes d’environnement et de politique publique, il semble que ce ne soit pas le rôle de la NASA d’utiliser des fonds publics pour subventionner la recherche d'une grande entreprise privée. Lockheed Martin a obtenu 20 millions $ pour les études préliminaires de conception d’un petit prototype pour tester le concept.

La NASA devrait expliquer pourquoi elle soutient ce projet totalement élitiste.

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