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Ces (autres) cas où la violence de la société française éclabousse les ados qu'ils soient français ou en situation irrégulière
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Sous silence

Exemple dramatique d'une enfant victime de la situation de ses parents, le cas de la petite Leonarda n'est pas isolé. Fils et filles de chômeurs en cessation de paiements ou de parents sous une pression fiscale démesurée en subissent les conséquences tous les jours.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Tout le monde maintenant connaît Leonarda, la jeune Kosovare expulsée par la police au gré d’une sortie scolaire. Chacun mesure la douleur, l’angoisse, d’une adolescente qui quitte son domicile le matin pour une sortie avec sa classe, et qui se retrouve le soir dans un pays qu’elle n’habite pas Dans le phénomène Leonarda, il y a tous les ingrédients du symbole : un fait, une souffrance, un nom, un visage.

Faute de réunir ces quatre ingrédients, combien de souffrances éclaboussent en silence, et dans l’indifférence, de nombreux autres Français? Par provocation, je citerais en premier ces conseillers de Manuel Valls qui avaient vomi, en son temps, Claude Guéant, qui avaient rougi à l’idée qu’un ministère soit consacré à l’Intégration nationale. Combien de dîners en ville ont été nourris de ces propos acerbes sur la dérive nationaliste du gouvernement Fillon, de la présidence Sarkozy ? Ceux-là mêmes qui conspuaient le système Sarkozy sont aujourd’hui les premiers zélateurs d’expulsions musclées, de dénis de justice, et de foulage au pied des libertés publiques. La loi du plus fort est-elle plus acceptable quand elle est pratiquée par la gauche ?

Mais d’autres souffrances n’ont pas encore trouvé leur visage, leur incarnation, pour que les médias s’intéressent à elles.

Qui incarnera l’angoisse de nos adolescents dont le père ou la mère rentre un soir à la maison en ayant fraîchement appris le plan de licenciement ou la fermeture de l’entreprise ? Evidemment, cette souffrance-là, qui fleure les accents de la misère, qui tremble déjà des semaines sans viande et des études avortées, cette souffrance-là n’inspire que du mépris aux bourgeois parisiens qui peuplent les cabinets ministériels ou les états-majors des grands groupes. Elle est pourtant l’une des causes premières du malaise du pays : la France, ce pays où une jeunesse entière est sacrifiée sur l’autel de la rigueur et de l’impôt.

Et qui incarnera le désespoir de ces jeunes qui rêvent de quitter la France, parce qu’is mettront dix ans à trouver un emploi stable où la moitié seulement de leurs compétences sera utilisée ? Dix ans de vaches maigres, d’apprentissage d’un jeu dont les règles sont fixées par d’autres, au profit d’autres, et ne peuvent qu’empirer, jamais s’améliorer.

Qui incarnera la détresse de ces jeunes travailleurs qui acceptent des emplois précaires à deux heures de leur domicile en disant à leur recruteur : «Ne me versez pas d’indemnité de logement, donnez-moi du liquide en plus et je dormirai dans une cabane de chantier ». Parce que deux cents euros en plus, pour ces jeunes-là, cela vaut bien une vie de bohème et d’inconfort. Oui, mesdames et messieurs, beaucoup de nos jeunes en sont là. Mais faute de visage, cette misère-là n’est pas dite.

Et qui incarnera leur révolte lorsque le délégué syndical de l’entreprise leur expliqueront que les règles du jeu sont faites pour les anciens, pour ceux qui sont en CDI, pour ceux qui sont proches de la retraite ? Pour ceux-ci, il faut que rien ne bouge. Et ce sont les jeunes en détresse qui trinquent.

Et qui incarnera un jour la souffrance de ces jeunes femmes qui n’ont que leurs yeux pour pleurer lorsque leur directeur de mémoire ou de thèse leur demande (comme l’a pointé du doigt un rapport parlementaire de juin), dans un dîner en tête-à-tête qu’ils ont imposé, une faveur comme condition d’obtention de leur diplôme ? Et je pense ici à toutes celles qui ont subi ces avanies de la part d’enseignants dont la "bien-pensance" et la solidarité sont pourtant les maîtres-mots.

Et qui incarnera la souffrance de ces jeunes stagiaires qui partout - je dis bien partout, je prends au hasard: l’émission de Daniel Mermet, sur France Inter, consacrent des semaines entières à un travail dont ils espèrent beaucoup, et dont ils ne touchent jamais rien, sinon humiliation cuisante et broyage pervers.

Les dieux des médias sont impitoyables : ils se consacrent à Leonarda quand elle sert leur destin, et passent à la trappe tant d’autres souffrances...

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