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Le fait de laisser les bébés pleurer car ils refusent de dormir peut-il les aider à mieux s'auto-réguler ?
Le fait de laisser les bébés pleurer car ils refusent de dormir peut-il les aider à mieux s'auto-réguler ?
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Sommeil des nourrissons

Selon une étude menée par Wendy Hall, une chercheuse pédiatrique sur le sommeil basée au Canada, les bébés dont les parents avaient reçu des instructions pour l'entraînement au sommeil ainsi que des conseils dormaient mieux après six semaines que ceux qui n'avaient pas été encadrés. Faut-il laisser votre bébé pleurer ou l'entraîner à dormir pour qu'il devienne un dormeur indépendant ?

Marie-Françoise Vecchierini

Marie-Françoise Vecchierini

Marie-Françoise Vecchierini est neuro-psychiatre et médecin du sommeil. Elle exerce à l'hôpital Hôtel-Dieu à Paris.

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Atlantico : En 2015, Wendy Hall, une chercheuse pédiatrique sur le sommeil basée au Canada, a réalisé une étude auprès de 235 familles avec des bébés de six à huit mois. Le but était de voir si l'entraînement au sommeil fonctionnait. Selon cette étude, Wendy Hall et son équipe ont prédit que les bébés dont les parents avaient reçu des instructions pour l'entraînement au sommeil ainsi que des conseils dormaient mieux après six semaines que ceux qui n'avaient pas été encadrés, avec "des périodes de sommeil considérablement plus longues et beaucoup moins de réveils nocturnes". Laisser pleurer son bébé peut-il nuire à sa capacité de se rendormir de manière indépendante ? Faut-il laisser votre bébé pleurer ou l'entraîner à dormir pour qu'il devienne un dormeur indépendant ?

Marie-Françoise Vecchierini : Cette étude a été réalisée sur des bébés sains, nés à terme et qui n’ont aucune pathologie. De nombreuses études montrent que tous les bébés se réveillent la nuit et pleurent. Une équipe de chercheurs lyonnais avait déjà mené des études similaires en enregistrant des bébés en polysomnographie ambulatoire. Il s’agissait d’une étude longitudinale sur les mêmes enfants. Dans cette tranche d’âge d’enfants sains entre six à huit mois, tous les enfants se réveillent la nuit. Le nombre de réveils est à peu près entre six et huit par nuit dans cette tranche d’âge. Le sommeil n’est pas encore solide. Ils se réveillent souvent entre les cycles de sommeil et beaucoup pleurent. A cet âge-là, c’est un langage et un moyen pour les enfants de communiquer. Les pleurs sont encore plus fréquents dans les premiers mois de vie avant six à huit mois.

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Cela a été confirmé par une grande étude observationnelle par Galland et al parue en 2012. Les parents rapportaient exactement la même chose et la même courbe évolutive du nombre des éveils a été constatée. Ils diminuent avec l’âge.

Le sommeil n’est pas encore solide dans cette tranche d’âge. Une consolidation progressive du sommeil va intervenir. Entre six et huit mois, l’enfant va être capable, du fait de la maturation physiologique du sommeil, de dormir de façon continue sans éveil pendant six heures environ.

Il y a aussi une différence interindividuelle entre les enfants dans leur besoin de sommeil et dans la maturation du sommeil.

Tous les enfants se réveillent donc la nuit et beaucoup pleurent. Tout ce qui va être mesure d’apprendre à l’enfant à devenir autonome fait que l’enfant va s’auto-apaiser. Le but de laisser pleurer un enfant va être de lui permettre de trouver les moyens en lui-même pour s’apaiser.

Les enfants peuvent aussi pleurer pendant leur sommeil. Souvent les parents se précipitent trop vite dès qu’un enfant pleure et ils réveillent le nourrisson. La façon dont on couche un enfant va induire la manière dont il va se comporter lorsqu’il se réveille. Lorsqu’un enfant est encore nourri au sein, on tâche de le mettre au lit avant qu’il ne s’endorme. Lorsqu’un enfant est plus autonome dans sa façon d’aller au lit, lorsqu’il commence à marcher, il est important qu’il puisse aller au lit tout seul. Il est important ensuite de contribuer à la routine d’endormissement avec des instructions au sommeil afin de permettre à l’enfant de s’endormir seul. Une fois cet enfant au lit, on peut lui consacrer un temps. Cette routine peut passer par des actions comme le fait de s’interroger sur les gestes stéréotypés à faire avant d’aller se coucher comme le lavage des dents, ou le choix de changer la couche du bébé, selon l’âge. Une fois que l’enfant est au lit, la routine d’endormissement peut consister à lui consacrer un temps qui permet ainsi d’avoir un échange. Plus on fait cela à l’endormissement, moins l’enfant va appeler ses parents la nuit.

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Le fait de laisser les bébés pleurer car ils refusent de dormir peut-il les aider à mieux réagir au stress ? Cet apprentissage peut-il aider les bébés à s’auto-réguler, à s’apaiser et à moins pleurer pour au final trouver un meilleur rythme de sommeil ? Ces réveils fréquents via les pleurs des bébés peuvent être difficiles pour les parents, mais en quoi jouent-ils un rôle important pour assurer la sécurité, le bien-être, l’équilibre et la santé des bébés ?

Il ne faut pas se précipiter lorsque l’enfant se réveille et pleure.On sait par expérience que ces pleurs ne vont pas durer. On peut les faire durer en y allant immédiatement. Laisser pleurer un peu les enfants n’est pas traumatisant. Cela va aider l’enfant à apprendre à se rendormir sans l’intervention des parents. Il s’agit de la période de sommeil sans éveil signalé aux parents. Cette période est beaucoup plus longue que la consolidation intrinsèque du sommeil. Wendy Hall et ses collaborateurs précisent dans leur étude que l’enfant peut dormir spontanément pendant dix heures sans éveil signalé.

En revanche, si l’enfant pleure pendant une longue période, il faut commencer par s’interroger sur les causes éventuelles de ces pleurs. Des éveils et des pleurs nocturnes sont parfois liés à des pathologies. Il faut s’interroger si les pleurs sont excessifs. Les pédiatres indiquent que cela est excessif lorsque les bébés pleurent au moins plus de trois heures par jour. Les nourrissons à cet âge-là sont habituellement en bonne santé. Les pleurs vont augmenter vers l’âge de quatre mois. L’inquiétude peut venir si chaque période de pleurs est plus longue et plus intense que les pleurs habituels. Si les bébés paraissent inconsolables et si ces crises de larmes interviennent aux mêmes horaires, cela peut être des signes qui doivent amener à être vigilant et cela doit permettre de s’interroger sur les raisons des pleurs. On retrouve des causes pathologiques liées aux pleurs uniquement dans 5 % des cas.

Quand les pleurs sont trop abondants, si toutes les causes pathologiques éventuelles comme les douleurs ou les infections ont été éliminées, il faut faire attention à ce que ces pleurs ne conduisent pas à des attitudes néfastes. Les parents pourraient être ainsi poussés à réalimenter l’enfant la nuit. Or, à partir de six mois, cela n’est pas nécessaire si l’enfant est correctement nourri dans la journée, selon les règles pédiatriques.

Parfois, les parents s’énervent également et peuvent maltraiter l’enfant. Cela peut donc conduire à des attitudes et à des regards négatifs des parents par rapport à leur enfant.

L’interrelation, à cet âge, entre le sommeil des parents et le sommeil des enfants est un élément clé. Si les parents se mettent à très mal dormir, les conséquences vont être négatives. Cela augmente les dépressions des mères. D’où la nécessité à ce moment-là d’intervenir.

Concernant l’impact des pleurs et la possibilité de stress chez l’enfant et ses conséquences à long terme, certaines études commencent à être publiées mais cela reste très difficile à juger. Il est notamment encore délicat d’évaluer quelles seront les conséquences des attitudes à cet âge-là par rapport à un âge ultérieur, sur le temps long.

Les éveils sont donc physiologiques dans les premiers mois de la vie. Ils s’accompagnent souvent de pleurs. Il n’est pas nécessaire de se précipiter pour aller voir son bébé. Lorsque les parents sont débordés et demandent conseil, Il est possible de suivre les recommandations du pédiatre américain Richard Ferber et d’augmenter progressivement le temps avant lequel on va aller voir l’enfant suite à ses pleurs. Cela fonctionne.

Cette méthode et cette technique d’entraînement au sommeil peuvent-elles encourager les bébés à s'endormir sans l'aide de leurs parents, y compris lorsqu'ils se réveillent la nuit, comme une forme de rite de passage ou d’apprentissage ?

Cela permet aux bébés de se calmer eux-mêmes, de s’auto-apaiser. Jacqueline M.T.Henderson avait publié une étude en 2011 dans Sleep Medecine Reviews une méta-analyse de plusieurs études. Elle avait regroupé l’ensemble des études sur la durée pendant laquelle un enfant peut dormir la nuit sans réveiller ses parents. A l’âge de six à huit mois, nous étions déjà à neuf heures de sommeil sans éveil signalé. La façon dont on apprend à l’enfant et la manière dont on est avec l’enfant au moment où il s’endort est quelque chose de très important. Cela se rejoue la nuit lorsque l’enfant se réveille.

On observe en consultations que les enfants qui ont des interactions physiques avec les adultes au moment de l’endormissement (je suce un doigt de ma maman) ou que l’on promène pour l’endormir ont du mal à se rendormir seul lors de leurs éveils nocturnes, cherchant à recréer les habitudes de l’endormissement. Ils pleurent donc pour faire venir l’adulte et recréer ce plaisir vécu à l’endormissement. A un âge plus avancé certains parents font faire un tour dans la poussette. Lorsque l’enfant va se réveiller la nuit, il voudra refaire ces mêmes choses. La façon dont l’enfant s’endort est donc aussi très importante.

Dans l’étude de Wendy Hall, il y avait eu, avant l’expérimentation, tout une éducation des parents sur le sommeil, sur ses bienfaits, sur les conséquences liées à un sommeil perturbé dans cette tranche d’âge. Tous ces parents étaient donc très au fait des mécanismes du sommeil.

L’interrelation jour-nuit est aussi une clé majeure. A six-huit mois, les bébés font encore des siestes dans la journée. A six mois, les nourrissons ont toujours trois périodes de sommeil de jour. Vers un an, la sieste de fin d’après-midi va disparaitre. Toute l’organisation du sommeil de jour a des conséquences sur le sommeil de nuit. On ne peut pas séparer la qualité du sommeil, les éveils nocturnes et les pleurs de ce qui se passe dans la journée, sommeil de jour, activités, interrelations avec les parents, l’alimentation, le régularité des différents horaires… .

Cette méthode peut-elle être la clé du bien-être pour les parents et pour les mères qui s’inquiètent de la meilleure manière de réagir aux pleurs de leur bébé ?

Cela pose la question fondamentale de l’interrelation entre la vie, le sommeil des parents et le sommeil des enfants. Il y a eu notamment des publications de M. Carskadon, et de M K. Le Bourgeois en 2016 et 2018, qui ont beaucoup travaillé sur le sommeil des enfants aux Etats-Unis. Ces travaux montraient très bien comment la qualité du sommeil de l’enfant, la façon dont il va au lit et la manière dont il s’endort ont des influences sur le maintien de leur sommeil et surtout est très fortement influencé par le comportement des parents ou des personnes qui s’occupent de l’enfant. Ce comportement des parents est lui-même sous-tendu par leur statut biologique, leur culture, leur environnement psycho-social.

C’est pour cela que dans l’article de Wendy Hall, tout ce qui est fait dans les semaines qui précèdent, que ce soit dans l’éducation des parents à la santé et aux bienfaits du sommeil, est primordial. Cela a ensuite des conséquences et des effets bénéfiques dans l’attitude des parents sur le sommeil de leurs enfants.

Lors de la récente journée internationale du sommeil, le 18 mars dernier, le questionnaire qui avait précédé et qui avait été réalisé par OpinionWay était sur le sommeil des enfants de manière beaucoup plus large (pas uniquement entre six à huit mois). Cette enquête montrait très bien cette interrelation entre le sommeil des parents et des enfants. Plus les parents sont instruits, plus ils connaissent le sommeil, plus l’enfant à des chances de bien dormir. Et mieux l’enfant dort, moins les parents sont stressés et déprimés. Wendy Hall démontre également l’importance de cette interrelation et confirme que les mères ont une meilleure qualité de sommeil et sont moins fatiguées via cette méthode. Il y a donc une conséquence positive sur le sommeil des parents.

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