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Ce que Marine Le Pen a et que les autres... n'ont plus
©Reuters

Incroyable talent

Face à cette femme déterminée qui a osé le renouvellement des cadres de son parti, actualisé un corpus doctrinal adapté à l’époque, fait le ménage dans ses rangs, ringardisé son père et réussi son relooking en parlant un langage simple, l'UMP et le PS tergiversent sans mettre en place les moyens d'action nécessaires pour la combattre.

Yves Derai

Yves Derai

Yves Derai est éditorialiste à Atlantico. Chaque semaine, il écarte les lourds rideaux de velours des palais de la République pour nous en révéler les secrets.

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Les hommes politiques, les responsables d’associations antiracistes ou communautaires, les journalistes même, martèlent depuis des années les éléments de contexte social et économique qui expliquent le vote FN. La souffrance des gens, le chômage, l’insécurité, la peur de la mondialisation, les peurs liées à un avenir incertain… Ils les ressassent tant qu’on finit par ne plus les entendre, même s’ils existent évidemment, et en occulter les réussites incontestables de Marine Le Pen depuis qu’elle a pris le pouvoir au Front national. Or, comment combattre un parti politique et son leader jugés dangereux si on n’est même pas capable de pointer ses forces ? Je vais donc les énumérer ici sans tabou.

En résumé, je dirai que Marine Le Pen est devenue une redoutable professionnelle de la politique. Elle sait exprimer ses idées avec une clarté, une simplicité qui les rend accessibles à tous. Ses idées, on peut en juger certaines nauséabondes, mais elles a su leur donner une cohérence. Marine le Pen n’est pas fasciste ou néonazie, elle est national-populiste. Et tout ce qu’elle défend en découle : la préférence nationale, un patriotisme économique sans réserve, le rejet de l’immigration, l’europhobie, le tout sécuritaire, etc. Et du coup, face aux PS et à l’UMP qui sont traversés par des courants pluriels sur quasiment tous les sujets, économiques, sociétaux, institutionnels, elle paraît savoir où elle va, ce qu’elle veut.

Autour d’elle, ses quelques porte-parole médiatiques n’émettent pas la moindre critique à son égard. Des têtes nouvelles, des pas encore quadras qui ont rangé au placard des antiquités les anciens grognards de Jean-Marie Le Pen. Florian Philippot, Louis Aliot, Marion Maréchal-Le Pen, pour citer les plus visibles, relaient toujours fidèlement les grands principes qu’elle défend, à l’image de son parti, le Front national d’où pas une tête ne dépasse. Pourtant, Marine le Pen a bel et bien tourné la page du lepénisme. Pas de dérapages racistes dans sa bouche. Lorsqu’un extrémiste parvient à se faufiler dans une liste électorale ou se fait remarquer sur les réseaux sociaux, il est immédiatement karchérisé. Le nouveau FN doit se montrer inattaquable pour conforter sa crédibilité. La marque "FN", qui demeure un handicap dans la conquête du pouvoir de Marine Le Pen car trop clivante, est désormais noyée dans le Rassemblement Bleu Marine que ses thuriféraires commencent à appeler par ses initiales, le RBM. On peut d’ailleurs être membre du RBM sans appartenir au Front National, comme l’avocat Gilbert Collard, venu de la gauche. Car de surcroît, Marine Le Pen a tendu la main à des personnalités civiles ou politiques issues d’autres milieux, sans rien leur concéder. Et il ne s’est pas trouvé un Devedjian du pauvre pour déclarer pompeusement que "l’ouverture mariniste doit aller jusqu’aux lepénistes"…

Face à cette femme déterminée qui a donc osé le renouvellement de ses cadres, actualisé un corpus doctrinal adapté à l’époque, fait le ménage dans se rangs, ringardisé son père, réussi son relooking et parle un langage simple, non dénué de traits d’humour soit dit en passant, les grands partis de gouvernement tergiversent. L’UMP est allée chercher des "pachas", anciens Premiers ministres d’anciens présidents pour tenter de sauver sa peau. Certains de ses dirigeants attendent un sauveur - Nicolas Sarkozy pour ne pas le nommer - tandis que les quelques personnalités qui se croient présidentiables organisent le TSS (Tout Sauf Sarkozy). Quant à la ligne politique, qui la comprend ? On pourra toujours arguer que l’UMP est un rassemblement de gens différents - libéraux, gaullistes sociaux, souverainistes, etc-, il n’empêche que poussés par des vents contraires, le navire n’avance pas.

Idem pour le Parti socialiste au pouvoir qui en détient toutes les manettes mais semble incapable de mettre en œuvre un projet lisible. Immobilisme, conflits idéologiques, défense d’intérêts locaux ou catégoriels minent l’action de ce gouvernement devenu en deux ans l’un des plus impopulaires de la Ve République. François Hollande a feint le renouvellement mais en réalité, en dehors de Manuel Valls, ce sont des vieux de la vieille qui détiennent les gros portefeuilles (Fabius, Le Drian, Taubira, Royal… en attendant Aubry ?).

Il faut avoir le courage de l’écrire, si le PS et l’UMP ne s’inspirent pas du grand aggiornamento opéré par Marine Le Pen pour renaître et préparer le combat de 2017, le risque existe désormais d’assister impuissants à la victoire du RBM au second tour de la prochaine élection présidentielle.

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