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Canonisation contestée de Junipero Serra : le pape François attire l’attention sur le passé de l’Eglise vis à vis des homosexuels
©Reuters

Controverse

Christian Combaz sort ces jours-ci une enquête sur le sort des homosexuels dans l'histoire et sur l'hypothèse d'une origine génétique de leur orientation. Il nous rappelle que les saints tortionnaires existent, et que le pape ferait mieux de revoir leur dossier.

Christian Combaz

Christian Combaz

Christian Combaz, romancier, longtemps éditorialiste au Figaro, présente un billet vidéo quotidien sur TVLibertés sous le titre "La France de Campagnol" en écho à la publication en 2012 de Gens de campagnol (Flammarion)Il est aussi l'auteur de nombreux ouvrages dont Eloge de l'âge (4 éditions). En avril 2017 au moment de signer le service de presse de son dernier livre "Portrait de Marianne avec un poignard dans le dos", son éditeur lui rend les droits, lui laisse l'à-valoir, et le livre se retrouve meilleure vente pendant trois semaines sur Amazon en édition numérique. Il reparaît en version papier, augmentée de plusieurs chapitres, en juin aux Editions Le Retour aux Sources.

Retrouvez les écrits de Christian Combaz sur son site: http://christiancombaz.com

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Les réactions suscitées par la canonisation hors cadre (c'est à dire enjambant toutes les procédures) du franciscain californien du 18ème siècle Junipero Serra par le pape Francis à Washington comportent, c'est bien le moins quelques protestations et pétitions chez les descendants d'indiens qu'on a convertis de force au catholicisme. La chose ne date pas d'hier, l'un de ses homologues espagnols de l'époque a même déposé une plainte auprès de leur commune autorité de tutelle en 1749 pour déplorer la brutalité de ce tonsuré qu'on nous donne pour un parangon de vertu. Apparemment le pape n'en ignore rien puisqu'il a déclaré en Bolivie, pendant sa visite du mois de juillet, que bien des crimes affreux ont été commis contre les indiens d'Amérique, et qu'il en demandait "humblement pardon , non seulement à raison des offenses commises contre la mission de l'Eglise, mais surtout pour les crimes commis contre les indigènes durant la prétendue "conquête" de l'Amérique".

On s'interroge par conséquent sur la canonisation de Junipero Serra, qui n'a pas été annulée pour autant. Mais on se demande surtout pourquoi les autorités catholiques, en cette période de mansuétude visible, démonstrative, à l'égard des homosexuels par exemple, ne retrouvent pas le dossier des quelques saints de l'Eglise qui ont appelé leurs fidèles au meurtre et à la torture délibérées de ces malheureux. A l'heure où les associations homosexuelles sont obnubilées par l'entérinement du mariage gay par l'Eglise, le moindre des préalables n'est-il pas de faire sortir du Panthéon catholique ceux qui ont appelé à dresser des bûchers pour traiter "ces gens-là" comme le fait Daesh en ce moment? 

Attention, il ne s'agit même pas d'excommunication. En vertu du principe "autre temps, autres moeurs" on peut toujours prétendre qu'un chrétien de bonne foi ait pu, aux seizième et dix-septième siècle, se laisser tenter par des mesures aussi radicales, contre les sodomites, que l'émasculation, l'écartèlement, l'éviscération, la mort par le feu. Non, il s'agit plus simplement, plus humblement, de suggérer que quelqu'un qui a pu exiger une chose pareille soit privé de la qualité de saint de l'Eglise. C'est vraiment trop demander ? Pour ceux qui croiraient que j'exagère, la documentation d'un livre sur le destin des homosexuels dans l'histoire dont la parution est imminente m'a conduit récemment à analyser la prose d'un saint breveté comme Bernardino da Siena dont tout le monde presse et vend encore les médailles . Citation de cet autre canonisé à la va-vite (par un pape qui passe pour partisan de l'esclavage, il est vrai, le très peu regretté Nicolas V): 

Je ne vois que le feu, oui qu'on les brûle, et si vous cherchez à les aider vous serez tenus pour leurs complices. Souvenez-vous du sort de Sodome et Gomorrhe, Florence est dans la même situation. La voie du repentir est désormais connue . Voyez ce qui est arrivé à l'un de ces sodomites à Vérone depuis que la ville s'est résolue à agir. Je l'ai vu, de mes yeux, écartelé pour ses péchés, et ses membres ont été suspendus aux portes de la ville. Moi qui vous parle j'ai vu aussi à Venise un sodomite qu'on attachait à un tronc bien en hauteur, afin que tout le monde le pût bien voir, et autour de lui un immense tonneau était empli de brindilles et de sarment afin que le feu le dévorât tout entier. Et tous les gens qui regardaient ce spectacle se réjouissaient, comme les saints anges du paradis se réjouissent lorsqu'ils voient à l'oeuvre la justice de Dieu. Je vous le dis, vous devez vous défaire de ces sodomites, dussiez-vous, pour cela brûler tous les hommes de la ville !

J'ignore si les gens qui regardaient ce spectacle se réjouissaient vraiment autant qu'il le prétend, mais il est certain que lorsqu'on voit les "combattants islamiques" pousser du sommet des immeubles de Kobané des hommes de tous âges pour les mêmes raisons, on a l'impression que c'est la même névrose immémoriale qui est à l'oeuvre quelle que soit la religion. Et on regrette beaucoup que le pape ne saisisse pas l'occasion de ces atrocités, qui traînent sur Facebook, pour dégrader solennellement les saints tortionnaires de l'Eglise afin de montrer à l'opinion mondiale que quelqu'un qui se réclame du Christ ne peut pas être du côté des lapidateurs.

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