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Candidature d'Hillary Clinton : on ne saurait oublier combien la présidence Clinton fut défavorable aux intérêts français
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Ennemi diplomatique américain

Hillary Clinton vient de lancer la deuxième phase de sa campagne pour l'investiture démocrate à la présidence des Etats-Unis.

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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Elle a plutôt bonne presse en France : femme, démocrate , dans un pays où l'axe de l'opinion est plus à gauche qu'aux Etats-Unis,  et surtout déjà connue d'une  classe politique généralement méfiante des têtes nouvelles.  Il est  significatif que   , à peine annoncée , cette candidature  ait reçu  par tweet  l'appui du premier ministre français , Manuel Valls et  de l'ancien président de la République,  Nicolas Sarkozy .

On peut regretter que ce mouvement de sympathie  fasse  l'impasse sur  le  fait que  la présidence Clinton (1992-2000) a été  sans doute la plus hostile aux intérêts français qu'il y ait jamais   eue  dans  l'histoire de ce pays. 

Deux affaires méritent d'être rappelées :  celle du Rwanda qui a vu les Etats-Unis appuyer  dans le courant des années 1990 avec discrétion  mais efficacité  l'équipée de Paul Kagame , parti  de l'Ouganda  voisin pour  reconquérir le pouvoir à Kigali  au bénéfice de la minorité   tutsi  chassée du pays en 1959, contre un gouvernement issu de la  majorité hutu soutenu par la France. Les dégâts furent considérable:  au moment de l'ultime offensive des rebelles , l'accident d'avion qui coûta  la vie aux deux présidents hutu du Rwanda et du Burundi le 6 avril 1994 ,  dont des proches de Kagame eux-mêmes ont reconnu qu'il en était l'instigateur,  fut le déclencheur de ce qui fut présenté comme le massacre de la minorité tutsi de  l'intérieur; ce massacre justifia après coup l'invasion, commencée plus tôt,    du  pays  par les troupes de Kagame. Cette invasion peut  être en effet  interprétée aussi bien comme la conséquence  du massacre que sa cause . Mais une fois au pouvoir, le président Kagame, envahit en 1995-96 le Congo (RDC)  voisin pour exercer des représailles terribles contre les réfugiés hutus et , de fait, mettre la main sur la province du Kivu, riche en minerais de toute sorte .  Si les massacres du Rwanda avaient fait près d' 1 million de morts , pas tous  tutsis et  pas tous du fait de l'ancien gouvernement hutu,  l'invasion du Kivu par les troupes de Kagame est , elle, selon les chiffres de l'UNHCR  directement ou indirectement responsable de 4 millions de morts.

Si le gouvernement Clinton  n'avais pas appuyé  la rébellion de Kagame, tous cela ne serait  pas  arrivé. Le gouvernement hutu de  Habyarimana n'était certainement pas  tendre pour les Tutsis ( pas plus que la Révolution française ne l'avait été pour l'ancienne aristocratie), mais il restait  dans le registre des dictatures africaines ordinaires, alors que  ce qui est arrivé au cours de la guerre de 1994-1996 dépasse toutes les bornes de l'horreur.

L'aboutissement de cette opération a été que le Rwanda de Kagame a quitté la francophonie pour adhérer au Commonwealth !  Son but, auquel le gouvernement  Clinton ne saurait être étranger, même si la crise  avait commencé avant lui , était d'éliminer la France de la région des Grands Lacs .  Cette élimination fut complète quand Jacques Chirac renonça en 1996 à appuyer l'armée congolaise qui faisait face au Kivu à une armée rwandaise tutsi encadrée par des officiers US.  Ces événements   avaient , entre autres,  fait dire à Mitterrand vieillissant :

« La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort. »  ( cité par Georges-Marc Benhamou, Le dernier Mitterrand).

 Une guerre sans mort français  évidemment , avec 5 millions de morts africains tout  de même !  

Affaiblir les intérêts français et  en tous les cas les méconnaître, c'est ce qu'on voit  aussi dans la guerre de Yougoslavie et notamment dans sa phase la plus aigue, la guerre dite du Kosovo de 1999 , où les forces de l'OTAN , à l'instigation  des Etats-Unis et de l'Allemagne et sans mandat des Nations-Unies, bombardèrent pendant des semaines,   le territoire de la Serbie, faisant 20 000 morts,  tous civils. Tout au long de ce conflit,   les Etats-Unis prirent systématiquement le parti des alliés historiques de l'Allemagne: Croates, Albanais, Kosovars, Bosniaques musulmans, les  mêmes  qui avaient fait bon accueil à la Wehrmacht en 1941 et combattirent au contraire avec un rare acharnement les Serbes,  alliés historiques de la France et de l'Angleterre,  ennemis de l'Allemagne  et principaux résistants au nazisme . Il est vrai que le président  Chirac   s'est montré complice de cette opération  qu'il aurait pu empêcher. Mitterrand, avait dit "moi vivant, la  France ne fera pas la guerre à la Serbie." Margaret Thatcher ne pensait pas autrement. Dépourvus de cette conscience historique, Jacques Chirac  et Lionel Jospin , pour des raisons qui restent à éclaircir,  n'eurent pas ces scrupules.

On objectera que les entreprises  de Clinton allaient dans le sens des droits de homme frappant les "méchants" ou protégeant  les "bons". Qui est encore dupe de cette rhétorique,  composante  de la guerre médiatique et psychologique qui  accompagne désormais toutes les opérations militaires et dont les clefs se trouvent outre-Atlantique ?  Quand un régime est diabolisé dans l'opinion  mondiale, nous ne savons pas s'il le mérite vraiment, mais nous savons qu'à coup sûr  il n'est pas dans le camp des Etats-Unis !


A ce bilan peu glorieux des relations franco-américaines au temps de Clinton, on pourrait ajouter l'offensive commerciale de l'Amérique contre la politique agricole commune, évoquée par Mitterrand , dans le cadre des négociations du GATT, offensive qui conduisit l'Europe, au dépens des intérêts français,   à  démanteler partiellement les protections de son agriculture, au travers de  la réforme de la politique agricole commune (1992) et le l' accord de Blair House (1993). L'agriculture française ne devait jamais s'en remettre.  

Il est difficile de trouver d' autres présidents des Etats-Unis qui  aient été aussi hostiles aux intérêts français que Bill Clinton.  La France n'eut guère à se plaindre de la plupart des présidents républicains : Eisenhower, Nixon ( qui ne cachait pas son admiration pour le général de Gaulle et suivit ses conseils de rapprochement avec la Chine),  Reagan et même Bush père et fils, quelque contestables qu'aient été   les initiatives internationales des deux derniers. Pas davantage de certains démocrates comme Truman, Carter  et même Obama : que la présidence de ce dernier  coïncide avec une inféodation sans précédent de notre pays est à mettre au passif, moins du président américain lui-même, nous semble-t-il,   que de ceux qui acceptent  cette inféodation . Kennedy ne fit rien pour faciliter la solution de la guerre d'Algérie et sabota les initiatives européennes de la France,  ce dont le général de Gaulle ne lui tint  pourtant  pas grief.  Il  devait s'entendre beaucoup plus mal avec son successeur Johnson.

Sans doute Mme Hillary Clinton n'était-elle entre 1992 et 2000  que la première dame d'Amérique, sans responsabilité officielle  dans la politique étrangère américaine. Mais on doute qu'une personnalité de cette envergure ait pu être totalement étrangère aux événements que nous avons évoqués. Le nom de Clinton ne devrait inspirer  aucune sympathie en France. 

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