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Mais où est passée la crise 
dans cette campagne  ?
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Candidats dans le déni

Dans son numéro de cette semaine, The Economist critique la campagne présidentielle française qui n'évoquerait pas suffisamment la crise économique. La correspondante de l'hebdomadaire britannique à Paris justifie la position de son journal.

Sophie Pedder

Sophie Pedder

Sophie Pedder est Chef du bureau de The Economist à Paris depuis 2003.

 

Elle est l'auteur de Le déni français aux éditions JC Lattès.
 

 

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Atlantico : The Economist dénonce cette semaine le déni des candidats à la présidentielle qui refusent d’aborder la crise économique. La France est-elle vraiment dans le déni ?

Sophie Pedder : Tous les pays de la zone euro sont frappés par la crise économique. La France n’est pas à l’abri. Si les agences de notation et les marchés ne s’attaquent pas encore à la France, la crise n’est pas terminée, contrairement d’ailleurs à ce qu’ont affirmé certains candidats. Pourtant, on n’en parle pas. Les candidats agissent comme si tout était fini et que les grands enjeux économiques auxquels sera confronté le pays n’existaient pas : je pense notamment au niveau de la dépense publique et perte de compétitivité face à l’Allemagne.

C’est une attitude propre aux Français. L’Italie et l’Espagne ont été attaquées par les marchés et ont bien été forcées de réagir. La Grèce est un cas à part bien connu. Même l’Angleterre qui est dans une situation pire que la France en matière de déficit public, a vu David Cameron remporter l’élection de 2010 tout en promettant au cours de sa campagne de mettre en place un plan d’austérité.

C’est d’autant plus spécifique à la France que ce pays est actuellement vulnérable. L’ampleur du déficit et la trajectoire de la dette sont particulièrement inquiétants. Pourtant, elle continue d’avoir un train de vie comparable à celui des Suédois tout en ayant les dépenses publiques de l’Espagne.

Pourtant, on a jamais autant parlé d’économie dans une campagne et les candidats font des efforts pour chiffrer au mieux leurs programmes. Que faire de plus ?

Il ne s’agit pas de rentrer dans des questions trop techniques. Il faut préparer les esprits. Les candidats parlent de réduire le déficit et c’est effectivement un progrès par rapport à 2007. Mais comment faire ? En haussant les impôts ? C’est bien sûr le principe mais la France repose déjà sur une économie surtaxée par rapport à d’autres pays de la zone euro. Le niveau de prélèvements obligatoires est déjà élevé et on ne peut pas les augmenter à l’infini. La France a atteint une limite où cette politique risque d’avoir un impact négatif sur la croissance.

Les candidats peuvent réduire autant de déficits qu’ils veulent en misant sur une augmentation des impôts. Mais en réalité, cela ne fonctionne pas. La croissance risque de ne pas être au rendez-vous et dans ce cas, les déficits ne seraient pas comblés.

Oui, c’est bien de parler des déficits. Mais on ne parle pas par exemple de la dette. Le gouvernement est particulièrement fier d’avoir réduit les déficits plus que prévu en oubliant bien entendu de préciser que la dette, elle, a continué d’augmenter.

Il faudrait préparer les esprits aux politiques d’austérité qui seront irrémédiablement mises en place. Quel que soit le candidat élu, de gauche ou de droite, d’ailleurs.

A qui la faute ? Ce déni est-il le résultat d’une peur des candidats d’aborder le sujet ou d’un manque d’intérêt pour ces questions de la part des électeurs ?

Je pense que les Français sont lucides. Les candidats ne souhaitent pas aborder le sujet car ils ont peur des conséquences. Au mois de janvier, Nicolas Sarkozy a évoqué la perte de compétitivité de la France du fait du coût de l’emploi. Il a bien expliqué que les cotisations étaient trop élevées et a comparé la situation avec celle de l’Allemagne. Résultat dans les sondages : il est resté très bas. J’ai l’impression que par la suite, il a abandonné cette approche pour passer à autre chose en parlant, par exemple, de l’immigration.

Les candidats craignent qu’aborder ce sujet est pénalisant électoralement. Je crois que c’est une erreur. Expliquer aux Français qu’il faut réduire les dépenses ne les fait pas rêver. Mais le vrai risque, c’est qu’après l’élection, il faille prendre des décisions très difficiles. Quel que soit le président élu, il sera sous surveillance des marchés et sera bien obligé de renoncer à un certain nombre de ses promesses de campagnes. Et là, la déception de l’électorat sera beaucoup plus importante.

Les hommes et femmes politiques britanniques sont-ils plus courageux ? Parviennent-ils à aborder le sujet de manière décomplexée ?

Pour les Britanniques, le sujet ne fait évidemment pas plus plaisir à aborder que pour les Français. Il y a pourtant une tradition historique différente en Grande-Bretagne depuis une trentaine d’année : la présence au pouvoir de Margaret Thatcher qui a fait un gros travail sur les esprits pour les amener à comprendre les enjeux économiques et leur permettre de comprendre le besoin de compétitivité. Notre pays était pourtant à l’époque dans un état économique et psychologique moins bon que celui de la France et faisait face à d’importantes pertes d’emploi dans le secteur de l’industrie. Aujourd’hui, les Britanniques ont mieux compris ces enjeux. Celui qui lui a succédé, à gauche, n’a pas abandonné cette approche. Tony Blair est pourtant sensé être de la même famille politique que le Parti socialiste français.

En Grande-Bretagne, on n’hésite pas à débattre sur des sujets comme le taux d’imposition sur le revenu : doit-il être à 40 ou à 45% ? Et personne ne proposerait un taux à 75% comme le fait François Hollande. Le débat ne porte pas sur le fond, à savoir s’il faut réduire ou les dépenses, dont la réponse est évidente. Il porte sur les outils à mettre en place pour y parvenir et pour arriver à protéger les populations les plus vulnérables.

Propos recueillis par Romain Mielcarek

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