Cancer : ce que l’exemple de Dominique Bertinotti nous apprend sur la compatibilité entre les traitements actuels et la poursuite d’une activité professionnelle<!-- --> | Atlantico.fr
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La ministre de la Famille Dominique Bertinotti a révélé être atteinte d'un cancer du sein depuis plusieurs mois
La ministre de la Famille Dominique Bertinotti a révélé être atteinte d'un cancer du sein depuis plusieurs mois
©Reuters/Charles Platiau

La vie continue

La ministre de la Famille a révélé au quotidien Le Monde qu'elle était atteinte d'un cancer du sein depuis plusieurs mois. Malgré la maladie, Dominique Bertinotti a choisi de conserver son activité. Un exemple qui ne fait aujourd'hui plus figure d'exception.

Jacques Saglier

Jacques Saglier

Jacques Saglier est chirurgien plasticien, spécialiste du cancer du sein auquel il a consacré plusieurs livres.

Il est l'auteur de Cancer du sein : Questions et réponses au quotidien (2009) ainsi que La femme et le cancer du sein (2005, éditions Odile Jacob). Il vient de publier Cancers du sein : nouveaux traitements, nouveaux médicaments (2014, Odile Jacob). 

Son dite personnel : www.drjsaglier.com

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Atlantico : Dominique Bertinotti a annoncé qu'elle était atteinte d'un cancer depuis le mois mars. Ministre déléguée à la Famille, elle a continué à exercer ses fonctions pendant une année marquée par les houleux débats sur le mariage pour tous. Cet exemple montre-t-il qu'il est possible de vivre normalement lorsque l'on est atteint d'un cancer ?

Jacques Saglier : L’exemple de Mme Bertinotti est tout à fait remarquable puisqu’il montre que tout en étant un personnage particulièrement exposé, on est en mesure, s’il le faut ou si on le souhaite, de maintenir une activité professionnelle d’un certain niveau pendant les phases contraignantes du traitement. Beaucoup de patientes, et pas seulement des cadres supérieures ou des membres de professions libérales, souhaitent conserver au moins partiellement une activité professionnelle pendant la chimiothérapie. Sur le plan personnel, le maintien d’une qualité de vie aussi optimale que possible est un paramètre qui est désormais systématiquement pris en compte par les équipes médicales en charge du cancer, en tentant d’estomper les effets visibles ou ressentis de la maladie ou de ses traitements. Il n’est pas un congrès où cet aspect des choses ne soit débattu, et la qualité de vie est même parfois le thème central des débats. On parle maintenant de soins de support. Mais il faut aussi savoir, qu’une fois passée la phase la plus active du traitement, la plupart des patientes retrouvent dans l’ensemble une qualité de vie sinon intacte du moins très proche de "la vie d’avant".

Conserver une activité normale est-il bénéfique pour les malades ? Dans quelle mesure faut-il procéder à des ajustements ?

Certains traitements comme la chirurgie vont nécessairement entraîner une interruption de l’activité du fait de l’hospitalisation. La durée peut en être très variable en fonction de l’intervention pratiquée, certains gestes étant effectués en chirurgie ambulatoire (hospitalisation de jour), d’autres nécessitant plusieurs jours d’hospitalisation suivis d’un arrêt de travail. La radiothérapie est souvent compatible avec une activité professionnelle puisqu’il s’agit en général d’un traitement certes quotidien étalé sur plusieurs semaines mais dont les séances sont courtes et peuvent être gérées dans le cadre d’horaires aménagés. Quant à la chimiothérapie, elle n’est pas dans le principe synonyme d’arrêt systématique du travail (Mme Bertinotti en est un exemple) mais le traitement peut entraîner à certains moments une fatigue ou différentes sortes de symptômes difficilement conciliables avec l’exercice de certaines professions. Les possibilités de présence, les horaires doivent alors être souples …et bienveillants. Personne ne peut contraindre une patiente en cours de traitement à travailler, mais personne ne peut non plus l’en empêcher si elle le désire ! Du reste le maintien d’un lien relationnel et professionnel est un facteur que nombre de patientes décrivent comme bénéfique.

L'agenda d'un homme ou d'une femme politique, son exposition médiatique, sont-ils compatibles avec le traitement ?  La politique n'est-elle pas trop éprouvante ?

Nous soignons tous les jours des hommes et des femmes pour lesquels il est clair d’emblée qu’il faudra préserver autant que possible leur activité. Lors de certaines phases du traitement cela ne sera à l’évidence pas pensable, mais dans l’ensemble, et surtout lorsque l’enjeu est d’une telle importance, des solutions existent pour aider à répondre à certains impératifs en particulier d’agenda. Disons que l’on essaye dans une certaine mesure d’alléger ce qui peut l’être. Il n’en reste pas moins que l’observance du traitement va impliquer des impératifs horaires auxquels il faudra d’une certaine manière se plier. Le maintien d’un agenda politique de haut niveau n’est alors pas tous les jours possible ni souhaitable.

A l'instar d'autres malades, la ministre déléguée à la Famille avait jusqu'alors choisi de garder le silence quant à sa maladie.  Pourquoi le cancer reste-t-il un sujet tabou ? 

Mme Bertinotti a fait un choix éminemment respectable et parfaitement assumé, mais ce peut être un choix difficile. Dans le cas d’un personnage public ce choix peut être dicté par des impératifs politiques lourds comme, dans le cas particulier, celui d’être au premier rang des promoteurs de la loi sur le mariage pour tous. Le choix de ne rien laisser interférer a, à tort ou à raison, été considéré comme le plus pertinent. Il s’agit à l’évidence d’un choix personnel très particulier et l’on pense bien sûr à l’exemple de François Mitterrand pour qui le culte du secret a été poussé à l’extrême, pour des raisons sans doute similaires. Mais en dehors des catégories regroupant les people et les politiques, qui sont tout de même ultra-minoritaires, et même chez de nombreux personnages en vue, le cancer n’est maintenant plus un tabou. D’abord les patientes sont d’emblée informées de leur diagnostic et participent aux choix stratégiques concernant leur traitement. Les média en parlent. Le cancer, ce n’est plus la fin du monde, c’est le début d’un combat, très souvent victorieux mais qui va nécessiter des ressources et du soutien. Il est bien sûr judicieux de choisir ses confidents avec une certaine  circonspection, car il peut encore arriver que le cancer fasse peur et que la plainte dérange. Mais nombreuses sont celles qui font voler ce tabou en éclats et montrent autour d’elles qu’elles ne sont pas différentes de ce qu’elles étaient "avant".

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