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Canada Dry : pourquoi le pacte de responsabilité a le goût d’une politique de l’offre mais n’en est pas une
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Révisons Jean-Baptiste Say

Une vraie politique de l'offre diminue ce qui entrave la production : réglementations, taxes, etc., comme a su le faire le Canada dans les années 1990. Mais pour nos "élites", une politique de l’offre se résume à un bonneteau de crédits d’impôts et des pactes d’inspiration douteuse.

Romain Metivet

Romain Metivet

Romain Metivet est actuellement étudiant à Milan après avoir vécu au Canada. Passionné d'histoire, d'astronomie, de littérature russe, il est entrepreneur à ses heures perdues.

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Voilà plusieurs mois que nos médias traditionnels s’émoustillent de cette nouvelle conversion de François Hollande à la politique “de l’offre”, que d’aucuns de la gôche française considèrent comme “une odieuse trahison”.

Mais qu’est ce que la politique de l’offre en définitive ? Ces termes sont devenus contigus au cours des années 1970 mais la matrice idéologique a émergé au XVIIIème siècle avec la loi de Say, du nom du célèbre économiste français. Keynes, dans l’espoir de donner davantage de valeur à ses théories en dénigrant celles des autres, l’avait résumée ainsi : “l’offre crée sa propre demande”.

Dans un langage moins édulcoré par l’économie académique cela se traduit par : “peu importe ce que l’on produit ce sera forcément consommé”.Synthèse on ne peut plus fausse mais populaire parmi les fanatiques de la dépense publique qui se complaisent à dénigrer la pensée de Jean-Baptiste Say sans la connaître. Il y a encore quelques semaines, Jean-Luc Mélenchon expliquait face à des journalistes aussi compétents que lui que la politique de l’offre consiste “à vouloir vendre un réfrigérateur à un esquimau”.

Pour le petit Jean-Luc, nous allons donc reprendre quelques petites notions et pour ce faire rien de tel qu’un retour aux origines.

Dans les premiers chapitre de son traité d’économie politique (disponible ici), Say définit la production non pas comme la fabrication d’objets ou de matière mais comme la création d’utilité. Ainsi il ne s’agit pas de produire n’importe quoi mais bien de produire ce qui pourrait être valorisé, sans quoi on ne créerait pas de véritable richesse. Jusque là Say n’a rien inventé, cette définition étant similaire à celle d’Aristote dans “Politique”.

Un peu plus loin dans son chapitre dédié aux débouchés, l’économiste résume concrètement sa fameuse loi :

“Il est bon de remarquer qu’un produit terminé offre, dès cet instant, un débouché à d’autres produits pour tout le montant de sa valeur. En effet, lorsque le dernier producteur a terminé un produit, son plus grand désir est de le vendre, pour que la valeur de ce produit ne chôme pas entre ses mains. Mais il n’est pas moins empressé de se défaire de l’argent que lui procure sa vente, pour que la valeur de l’argent ne chôme pas non plus. Or, on ne peut se défaire de son argent qu’en demandant à acheter un produit quelconque. On voit donc que le fait seul de la formation d’un produit ouvre, dès l’instant même, un débouché à d’autres produits.”

En résumé :

1) Pour pouvoir consommer un bien il est nécessaire d’en offrir un autre de valeur équivalente. Un producteur n’a donc pas envie de créer un bien sans valeur pour ses consommateurs. Donc pas de réfrigérateur pour les inuits Jean-Luc.
2) La production d’un bien constitue la demande d’un autre, le producteur souhaitant le vendre pour consommer à son tour.
3) La source de la demande est la production et non la monnaie. Cette dernière est seulement un moyen d’échanger ou de conserver la valeur des biens vendus pour une consommation future.

La production doit donc précéder la consommation, chose logique et même enseignée par les plus anciens textes sumériens ou la genèse : il y est écrit “tu mangeras à la sueur de ton front” et non “le blé poussera parce que tu as faim”…

Chaque nouvelle création de richesse est bénéfique pour l’ensemble de l’économie car elle induit également une nouvelle consommation (donc la production d’un autre bien ou service).

La loi de Say est simple mais non simpliste comme on veut nous le faire croire.Ses implications sont cependant majeures en particulier concernant l’impossibilité d’une crise de surproduction ou de sous-consommation et le rôle neutre de la monnaie. En effet, en créant ex-nihilo de la monnaie pour stimuler la consommation on ne crée aucune utilité et donc aucune véritable richesse.

Bien évidemment les implications de cette “loi des débouchés” ne sont pas sans failles : l’économie n’est pas une physique sociale et Say son prophète. Cependant elle a le grand mérite de mettre au cœur de la croissance économique l’offre et non la demande, l’entreprise et non la gabegie publique.

La politique dite de l’offre ne consiste donc pas à spolier les salariés pour verser des dividendes comme le soutient une grande partie de la gauche française mais tout simplement àdiminuer ce qui entrave la production, que ce soient les réglementations, les taxes, les charges, ou transférer la production vers les secteurs qui créent davantage d’utilité donc de richesses.

C’est précisément cette solution qu’a choisi le Canada dès 1994, l’application pratique de la loi de Say. Souvenons-nous, fin 1993, Jean Chrétien arrive fin 1993 à la tête d’un pays en grande difficultés : un déficit et une dette publique record, une armée de fonctionnaires (plus qu’en France par rapport à la population), ainsi qu’un taux de chômage de 12%. Le Wall Street Journal titrait même “Bankrupt Canada” (Le Canada en faillite) en gratifiant la nation du grand Nord du titre de “membre honorifique du tiers monde”. Ce fut un véritable électrochoc pour les canadiens, conscients qu’il fallait transformer leur économie.

Les premières réformes ont la subtilité d’un bucheron national, on coupe à la hache : près d’un poste de fonctionnaire sur six au sein de l’administration publique fédérale est supprimé et les budgets des ministères sont réduits de 20% en moyenne sur 3 ans, le tout sans augmenter les impôts (qui baisseront quelques années plus tard). En parallèle, le dollars canadien est dévalué de 20% (ce qui serait pour la France l’équivalent d’un retour au franc) sans aucune accélération de l’inflation. Vous avez là la plus puissante combinaison pour redresser un pays.

Et ce qui devait arriver, arriva.

La dette publique fut divisée par presque deux en dix ans (et celle des ménages n’a pas augmenté), l’état a renoué avec les surplus budgétaires en quatre ans et le taux de chômage n’a cessé de diminué jusqu’à tomber en dessous de 7% après six années grâce à un secteur privé qui a retrouvé toute sa vigueur par une baisse de la pression fiscale et la multiplication par 3 de ses exportations le temps d’un mandat. (zone grisée = mandat de Jean Chretien).

Courbe du déficit et du surplus public au Canada ente 1982 et 2012

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Évolution de l'emploi au canada entre 1990 et 2014

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Contrairement à notre Jean-Luc national, le premier ministre canadien, réélu deux fois (les canadiens sont décidément aussi masochistes que les britanniques…), avait bien compris la politique de l’offre. Il déclara à plusieurs reprises que la réduction des déficits n’était pas un but en soi, mais un moyen pour transformer l’économie et redonner du souffle à un secteur privé agonisant. Une sorte de “destruction créatrice” pour citer ce cher Schumpeter.

Il existe donc une réelle alternative à la soi-disant relance Keynesienne que nos “élites” se refusent à véritablement considérer. Pour eux une politique de l’offre se résume à un bonneteau de crédits d’impôts et des pactes d’inspiration mafieuse. Paralysés par l’intérêt électoral et la peur du peuple, ils repoussent la chute pour ne la rendre que plus douloureuse.

La France, à la différence de nos amis canadiens, n’est pas un pays de bucherons qui saurait pratiquer les réformes à la hache avec autant d’aisance. Cependant, la dernière fois que nous avons su toucher du tranchant, des têtes ont roulé sous l’échafaud. Si j’étais un politique, je sortirais des rangs…

Cet article est précédemment paru sur le site de l'Institut des Libertés

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