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Budget 2016 : Bercy à la peine pour trouver 14,5 milliards d’économies dans un contexte pourtant porteur
©flickr / pasukaru76

Recherche milliards désespérément

En préparation du budget 2016, le gouvernement français doit trouver 14,5 milliards d'économies. Problème : il lui manque 4 à 5 milliards, ce qui le conduit donc à gratter les fonds de tiroirs. Une situation inquiétante, lorsque l'on sait que l'année prochaine les taux ne seront pas aussi cléments.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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A reprendre. Telle est l'analyse de la Commission européenne sur l'exécution du budget de la France.

A retendre de 4 milliards au minimum pour respecter la trajectoire – déjà écornée – des finances publiques.

Or, que constate-t-on ? Que le gouvernement ressort un outil fort classique, à savoir le rabot qui consiste à détacher des copeaux d'annulations de crédits ici ou là. Point de réforme de l'Etat à la suédoise ( qui fait quoi et pourquoi ?), point d'application de la MAP (modernisation de l'action publique) pour laquelle la Ministre Lebranchu est bien silencieuse, accaparée qu'elle se trouve par les rebonds de la réforme territoriale.

Ce constat est préoccupant car si l'Etat n'a pas le temps de faire preuve d'imagination (ou de volonté politique) pour 4 milliards, qu'en sera-t-il pour les trop fameux 50 milliards d'économies à réaliser d'ici à 2017 ?

Pour être précis, ces 50 milliards couvrent la période 2015-2017 selon le texte même du PLF 2015 devenu Budget par le vote du Parlement.

Concernant le Parlement, il est manifestement saturé. La loi sur la transition énergétique et la fameuse et chronophage loi Macron ont largement contribué à la saturation de l'ordre du jour. Ceci au moment où s'annoncait le projet de loi défendu par la ministre Marisol Touraine.

Par-delà cette saturation, il y a aussi l'exaspération de l'aile gauche des députés PS qui n'aurait probablement pas envie de voter un texte budgétaire sauf à y trouver une inflexion de la politique définie par le Président Hollande.

Donc, sous ses deux motifs (calendrier du Parlement et dissonances internes au P.S), l'inertie a primé sur l'opportunité de soumettre une Loi de finances rectificative.

Un collectif budgétaire répond à un besoin lorsque le Gouvernement constate souverainement que l'équation générale a changéOr, sans prétendre à l'exhaustivité, il convient de noter qu'une série de 5 paramètres ont subi des modifications sérieuses.

- Coût du déploiement des forces : Vigipirate renforcé et opération Sentinelle (estimé à un million d'euro par jour voire plus).

- Coût alourdi des opérations militaires extérieures. Les OPEX bénéficient d'une dotation budgétaire initiale de 450 millions d'euros pour 2015 à rapprocher de leur estimation, en nouveau rythme annuel, à près de 1,25 milliards d'euros.

- Demande de Bruxelles (déjà évoquée) de 4 milliards d'euros de réduction des dépenses publiques formulée il y a quelques jours.

- Question des recettes fiscales escomptées tassées par la faible inflation. Point qu'a déjà soulevé à plusieurs reprises le Ministre Sapin.

- Dépenses publiques accrues liées aux contexte d'attentats : renforcement du dispositif du ministère de l'Intérieur et nouveaux moyens pour le ministère de l'Education.

La France est donc, sans conteste, confrontée à des paramètres modifiés dont le total "en coûts complets" dépasse les 10 milliards ce qui n'échappe nullement au Secrétaire d'Etat Christian Eckert à entendre la prudence de ses réponses devant le Parlement sous le regard frondeur et lourd de sens de la Rapporteure générale du budget, Valérie Rabault.

Dès lors, ne pas ouvrir un débat budgétaire est incontestablement une occasion manquée et un différé préjudiciable.

Le collectif aurait pu être un exercice de sincérité budgétaire de "calage" et de "cadrage" du nouvel environnement économique. Mais il aurait aussi pu être l'occasion d'écouter les travaux de plusieurs économistes (de diverses tendances) qui font observer que les taux exceptionnellement bas sont une fenêtre de tir pour actionner une politique de relance ciblée sur l'investissement.

Depuis l'analyse d'Haavelmo, il est établi que l'effet du multiplicateur fiscal est inférieur à celui du multiplicateur budgétaire : il faut donc tirer parti de cette recherche académique pour envisager d'apporter une solution à notre récente déconvenue européenne, à savoir le fait que nos demandes de projets éligibles au futur plan Juncker (de 315 mds d'investissements) ont été – pour le moment – sèchement retoquées.

Ici, nous avons échoué à convaincre l'Europe y compris pour des projets qui étaient appelés à démarrer dès 2015 et nous n'avons pas su reprendre certains ingrédients gagnants du Grand emprunt de 2010.

Face à cette erreur de méthode, il serait pertinent que le décideur public ultime donne l'ordre de recenser les projets "2015" les plus porteurs et de faire examiner – par le tandem Sapin-Macron, ce que la France peut financer dans le cadre de PPE (partenariats public-privé) ou d'emprunts à effet de levier sur le modèle analytique du plan Juncker.

L'erreur du début du quinquennat, imputable à Messieurs Moscovici et Ayrault, d'alourdir l'impôt au point qu'il soit pro-cyclique et anéantisse le peu de croissance qui subsistait doit aujourd'hui être contrebalancée par une politique pro-cyclique qui accompagne la reprise par une relance ciblée et attentive à ne pas alimenter à l'excès des flux d'importations.

Dans un interview récente, le Chef de l'Etat a annoncé sa volonté de voir un troisième volet au "grand emprunt" initialement lancé lors de la présidence de Nicolas Sarkozy. Le mécanisme envisagé est de déployer, d'ici à 2017, les 13 milliards initialement prévus et de rajouter une enveloppe de 10 milliards supplémentaires après l'échéance électorale de 2017. Ce chiffrage semble modeste et en-deçà de ce qui est requis.

Pour l'heure, l'ophélimité politique du budget est en contradiction avec sa future sincérité d'exécution finale (Pour Pareto, l'ophélimité est l'utilité contextualisée, une forme d'opportunité qui tranche avec l'utilité objective).

Quand un pays est "parvenu" à accumuler plus de 2000 milliards de dettes, il ne parait pas dirimant de dédier 10 à 12 mds à l'avenir en étant de surcroît un fin emprunteur via les prestations remarquées de l'Agence France Trésor et le niveau des taux.

Ne pas recourir au collectif budgétaire, c'est forcément masquer quelque chose. Utiliser le rabot – comme les équipes précédentes de droite – c'est montrer son impuissance en termes de réforme structurelle... et consacrer la continuité de l'Etat !

Entre la logique redistributive souhaitée par Christian Eckert (qui se heurte au dogme présidentiel poreux de la "non-hausse" d'impôts) et le statu quo de Michel Sapin qui rêve de voir l'océan calme, on est loin de la figure tutélaire d'André Boulloche (ancien ministre du Général de Gaulle et ministre des Finances pressenti en cas de victoire de la gauche aux élections législatives de 1978) qui était une "épée" en matière budgétaire.

François Mitterrand, homme avare de compliments devait déclarer, lors des obsèques (mars 1978) de cet élu de Montbéliard : "Ce n'est pas un propos de circonstance : oui, nous considérions qu'il était le meilleur des nôtres."

Et si l'Etat lâchait la bride de certains responsables de la Direction du Budget pour faire un pas vers des avancées significatives dignes des traces de Boulloche au lieu de mettre sous le boisseau politicien certaines initiatives ?

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