Brexit, la semaine de tous les dangers : Boris Johnson a 5 jours pour sauver un accord post-Brexit dont son économie aurait besoin<!-- --> | Atlantico.fr
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Brexit Union européenne négociations
Brexit Union européenne négociations
©Tolga AKMEN / AFP

Atlantico Business

L’Union européenne et le Royaume-Uni ont encore la semaine pour réussir à éviter un divorce pur et dur qui fera beaucoup de mal à tout le monde. Trois dossiers restent sans solutions de compromis.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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A l’heure qu’il est, et après un week-end de travail, Boris Johnson n’a pas encore accepté un compromis sur les 3 derniers dossiers qui bloquent la signature d’un accord pour l’après Brexit.

Le temps presse. Le Royaume-Uni n’est plus officiellement dans l’Union européenne depuis le 31 janvier 2020. Mais à la demande de Boris Johnson, le Royaume-Uni avait obtenu une année supplémentaire pour négocier un accord qui régirait les relations entre son pays et l’Union européenne.

Cette période transitoire va prendre fin au 31 décembre 2020, c’est à dire dans moins de 4 semaines mais les Anglais comme les Européens avaient convenu que le texte de l’accord soit finalisé au début du mois de décembre, de façon à ce que chaque pays en cause puisse le soumettre à son parlement respectif. Il faut donc urgemment prendre possession de cet accord dans la semaine. Sinon, les parlements ne pourront pas le voter et le 31 décembre, le Brexit sans accord deviendra effectif. Sans accord, le Royaume-Uni, retombera, vis à vis des pays de l’Union européenne, comme un pays lambda sans droits ni obligations particulières, hormis ceux qui sont prévus par l’OMC, l'Organisation mondiale du commerce. Autant dire que sans accord sur le post-Brexit, la cohabitation entre le Royaume-Uni et l’Union européenne sera difficile, compliquée et couteuse.

Des deux côtés de la Manche, on a fait, pendant 5 ans, tous les calculs possibles pour essayer de trouver des solutions qui permettent d’échapper à un divorce dur, et à quelques jours de l’échéance du 31 décembre, on n’a pas réussi à trouver un compromis acceptable.

Boris Johnson a persisté dans son projet politique de détacher le Royaume-Uni de l’Union européenne en essayant de conserver le maximum d’avantages puisque l’Union européenne a toujours été le premier fournisseur et client des Britanniques.

Selon Michel Barnier, la Commission de Bruxelles est allée au bout du bout des concessions qu’elle pouvait faire pour obtenir un accord acceptable par les 27 pays membres qui lui ont donné un mandat.

La situation apparaît bloquée. Toutes les tentatives faites par Boris Johnson de déstabiliser l’Union européenne, en espérant que certains membres se rangent à ses côtés ont échoué. Sur ce point, l’Union européenne est restée très solidaire et unie. Notamment sur les points qui restent encore à discuter.

Il reste en effet trois dossiers à débloquer :

Le premier, c’est celui de l’accès des zones de pêche qui existent dans les eaux territoriales britanniques. Jusqu'alors, les pécheurs européens avaient la possibilité de pêcher dans les eaux territoriales britanniques, cette pêche représentait plus de 60 % de cette industrie. Pour huit États membres, dont la France, la Belgique, le Danemark, les Pays-Bas, l’Allemagne, l’accès à ces zones maritimes est vital. Les Britanniques qui veulent devenir un Etat indépendant, veulent aussi pouvoir négocier chaque année avec l'UE les conditions d’accès. Pour les industriels européens, ça n’est pas viable à moyen terme. Alors la Grande Bretagne peut apparaître en position de force dans ce type de dossier sauf qu‘elle a besoin du marché européen pour écouler les produits de la pêche et qu'en cas de fermeture de la zone, l’Union européenne a prévenu qu‘elle établirait des droits de douane à l’importation en Europe, ce qui empêchera l’arrivée du poisson britannique en Europe. Or la Grande Bretagne exporte 80% de sa pêche.

Le deuxième dossier porte sur les conditions de concurrence. Actuellement, le Royaume-Uni peut vendre très librement ses produits sur le marché européen mais respecte toute les normes sociale, fiscale, sociétale, environnementale et sanitaire qui sont érigées par Bruxelles au profit de la protection des consommateurs. Tout le monde est logé à la même enseigne. Avec le Brexit, la Grande Bretagne veut pouvoir continuer d’exporter en toute liberté ce qu‘elle pourra vendre, mais sans être obligée de respecter les normes en question. Pour les Européens, c’est inacceptable et si les Anglais persistent, l’Union européenne interdira les importations non conformes, établira des droits de douanes et des quotas.

Le troisième dossier concerne le règlement des différends. Bruxelles a toujours dit qu’en cas de Brexit, l’Union européenne mettrait en place un système de règlements des différends dans le cas de désaccord entre deux parties, avec décisions contraignantes et sanctions financières. Avec une possibilité d’appel auprès de la Cour de justice européenne. Pour Londres, cette disposition n’est pas acceptable puisqu‘elle ne participe plus à la production du droit en Europe, elle ne peut pas être obligée de le respecter. Sans doute sauf que dans le cas présent, le facteur confiance qui est très important dans le développement du commerce sera très hypothéqué.

Ces trois dossiers semblent être les lignes jaunes ou rouges que les Européens ne peuvent pas franchir.

Toute la question est de savoir si Boris Johnson pourra accepter ces conditions et comment il les présentera à son opinion publique. Ça ne serait pas la première fois qu’il change d’option. La crise du Covid l’a obligé à amender son discours et sa stratégie. Au départ, il considérait le Covid comme le facteur d’une grippe légère. Au bout de quelques mois, devant les risques de dégâts sanitaires considérables, il a bien été obligé de reconnaître que l’épidémie appelait un autre traitement que le Doliprane. L’affaire des vaccins est assez cocasse et illustre très bien les ambiguïtés ou les roueries de sa politique. Juste avant le weekend, son gouvernement s’est précipité pour annoncer à l’opinion publique que si la Grande Bretagne pouvait commencer à organiser une campagne de vaccination, c’était grâce à la liberté que lui donnait le Brexit.

Boris Johnson, renseigné par ses négociateurs à Bruxelles, a été conseillé de ne pas reprendre cet argument trop vite, parce que d’abord le Royaume-Uni doit encore, jusqu’au 31 décembre de cette année, respecter les normes européennes mais il se trouve que Bruxelles a autorisé Londres à se précipiter parce que, dans l’arsenal juridique qui régule le marché des produits pharmaceutiques, les pays membres ont le droit de transgresser la règlementation si la santé publique est en cause. Les Anglais ont utilisé cette exception pour annoncer la sortie du vaccin avant tout le monde.

Bruxelles n‘a fait aucune remarque publique. Certains membres de la Commission ont considéré que pour faire un coup politique, Boris Johnson prenait un risque qui pouvait être grave tant que toutes les analyses n’étaient pas terminées. Ces mêmes commissaires ont ajouté que, sans le savoir, les Anglais serviraient de cobayes aux Européens en expérimentant le vaccin avec deux mois d’avance. Deux mois étant suffisants pour étudier d’éventuelles contre-indications.

Plus on avance vers la date du 31 décembre, moins l’ambiance à Londres est euphorique. En fait, Boris Johnson serait prêt à céder sur les trois points qui bloquent encore. Le patronat britannique lui a encore fait passer des notes selon lesquelles un Brexit dur provoquerait une crise économique qui s’ajouterait à celle du Covid.

Sur la pêche, sur les conditions de concurrence et sur le tribunal qui pourra juger des litiges commerciaux, il serait peut-être urgent d’attendre. Ou plutôt de signer quitte à engager plus tard une demande de révision en fonction des résultats.

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