Boom du nombre d’étudiants à l’horizon 2024 : cette réorganisation de l’enseignement supérieur qui pourrait éviter une pression supplémentaire sur les finances publiques<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Boom du nombre d’étudiants à l’horizon 2024 : cette réorganisation de l’enseignement supérieur qui pourrait éviter une pression supplémentaire sur les finances publiques
©Reuters

Plus = mieux ?

Alors que les jeunes diplômés peinent à trouver un emploi, le ministère de l'Education vient d'annoncer l'arrivée de 2,81 millions d'étudiants dans l'enseignement supérieur à l'horizon 2024. Une augmentation significative qui pose la question de la capacité des structures de cet enseignement à faire face à cet afflux d'étudiants.

Boris Ménard

Boris Ménard

Boris Ménard est chargé d'études au Céreq (Centre d'études et de recherches sur les qualifications). Il est spécialiste de l'analyse des trajectoires scolaires et de l'insertion des sortants de l'enseignement supérieur, et membre du Groupe de Travail sur l'Enseignement Supérieur (GTES).

Ses dernières publications : Les jeunes diplômés de bac+5 s’estiment-ils compétents pour occuper leurs emplois? (C Calmand, J., Giret, J.-F., Lemistre, P. & Ménard, B., in Bref, Céreq, n°340, 4p., 2015) et Faire des études supérieures… Et après? (C Calmand, J., Ménard, B. & Mora, V. in Notes Emploi Formation, Céreq, n°52, 60p., 2015). 

 

Voir la bio »

Atlantico : L'Education nationale a rendu publiques les projections suivantes : 2,81 millions d'étudiants seront inscrits dans l'enseignement supérieur en 2024, soit une augmentation de 335 000 par rapport à 2014. Cette projection est annoncée alors que le chômage des jeunes est toujours élevé (25,7% des moins de 25 ans en novembre 2015). Toutes les structures de l'enseignement supérieur sont-elles en mesure de faire face à cet afflux d'étudiants dans les années à venir ? Qu'est-ce que cela révèle de l'état actuel du système de l'enseignement supérieur français ? 

Boris Ménard : Dans l’état actuel du système, on a pu constater à la rentrée 2015/2016 que la capacité d’accueil de nouveaux étudiants par les universités était limitée, certaines d’entre elles ayant par exemple été obligées de pratiquer un tirage au sort pour départager les demandes d’admission dans certaines spécialités. Cet exemple met en lumière la crise de financement que traverse l’enseignement supérieur dans un contexte de limitation de la participation de l’Etat. Ainsi, l’augmentation du nombre d’étudiants pourrait en partie profiter au secteur privé à but lucratif, qui s’est déjà considérablement développé ces dernières années, plus à même de financer l’accueil de ces nouveaux étudiants par la modulation des frais de scolarité. 

Comment faire en sorte que ces futurs arrivants dans l'enseignement supérieur ne deviennent pas les chômeurs de demain ? Dans quelles proportions le marché du travail sera-t-il capable d'absorber cet afflux de nouveaux arrivants dans l'enseignement supérieur  ? 

La question du chômage risque de se poser plus pour les jeunes qui n’accèdent pas à l’enseignement supérieur que pour les nouveaux arrivants. En effet, les enquêtes Génération du Céreq ont permis de montrer que dans un contexte de chômage structurel important, le diplôme protégeait de plus en plus contre ce risque. En d’autres termes et même si l’augmentation du chômage est généralisée, le taux de chômage croît nettement plus rapidement parmi les pas ou peu diplômés, renforçant les inégalités entre enseignement secondaire et supérieur, ou entre niveaux de diplôme du supérieur.

A cet égard, la capacité d’absorption de ces nouveaux diplômés par le marché du travail est clairement dépendante de la capacité de l’économie française à créer des emplois qualifiés ou hautement qualifiés en nombre suffisant dans les années à venir. En faisant l’hypothèse (réaliste) que ce ne soit pas parfaitement le cas, le risque d’assister à une recrudescence des phénomènes de déclassement en haut de la hiérarchie des diplômes et de chômage en bas de cette hiérarchie est réel.

Selon ces mêmes projections, les universités arrivent en 3ème position, avec une hausse de fréquentation de 13,6% attendue pour 2024. Or, on accuse souvent les universités de proposer des formations sans emploi à la clé. Quelles voies doivent prendre les universités pour devenir plus professionnalisantes et proposer une offre de formation en adéquation avec la demande sur le marché du travail ? 

Tout d’abord, il faut rappeler que le taux de chômage des diplômés de licence générale ou de master est par exemple inférieur à celui des BTS après trois années de vie active et donc que cette accusation est difficilement recevable. De plus, la faible création d’emplois sur le marché du travail ne peut être imputée à l’Université, quelle que soit la qualité des formations qu’elle propose. Comme le montre le sociologue Nicolas Charles, la France a fait ce choix adéquationniste et celui-ci s’est traduit par un mouvement de professionnalisation sans précédent à l’université depuis plus d’une décennie (création de la licence professionnelle, développement des stages, de l’apprentissage…) mais là encore, il faut plus chercher l’explication du phénomène persistant du chômage par un trop faible niveau de la demande sur le marché du travail plutôt que par l’inadéquation des formations aux besoins des entreprises. 

Parmi ces formations dont les possibilités d'embauche sont faibles car en inadéquation avec la demande sur le marché du travail, on peut citer notamment les filières lettres et sciences humaines (+ 66 000 étudiants en 2024 selon les projections du ministère de l'Education nationale), ou bien encore la filière STAPS dont les perspectives de débouchés ne cessent de se réduire (+ 106 000 étudiants selon les mêmes projections). Comment expliquer l'attrait de ces formations auprès des jeunes ? Quelles stratégies pourraient être élaborées en amont pour orienter davantage les jeunes vers des formations répondant aux demandes du marché du travail ? 

Une étude spécifique du Céreq sur les diplômés en lettres sciences humaines a mis en évidence que plus de la moitié de ces jeunes savaient ce qu’ils souhaitaient faire en entrant à l’université. Même si les diplômés en lettres sciences humaines connaissent dans leur ensemble des conditions d’insertion un peu plus difficiles, elles sont loin d’être rédhibitoires et l’attrait pour les études ou un métier l’emporte. Il existe en effet des débouchés à l’issue du diplôme, notamment dans le public et en particulier dans l’enseignement. Dans le privé et même si les employeurs peinent parfois à identifier certaines de leurs compétences, leurs qualités d’expression écrite et orale ou en langues étrangères est également appréciée dans de nombreux secteurs tels que le commerce, la communication, l’import-export, etc. De mon point de vue, une stratégie d’orientation massive vers des formations répondant aux demandes du marché du travail à court terme peut s’avérer extrêmement dangereuse à long terme, car le marché du travail devient de plus en flexible et les perspectives de carrière de moins en moins assurées. Au regard de la hausse de la mobilité professionnelle, on ne peut qu’insister sur l’importance de la transférabilité des compétences d’un emploi à l’autre pour garantir l’employabilité des jeunes au cours de leur vie professionnelle.

Si l'on va encore plus loin dans cette logique de l'amont, plusieurs rapports, dont certains de l'OCDE, mettent en lumière le niveau assez bas des dépenses de la France dans l'enseignement primaire par rapport au secondaire et au supérieur. N'est-ce pas également à ce niveau-là qu'il faudrait agir pour garantir la réussite et l'employabilité des jeunes dans la suite de leur parcours ? 

Il est difficile de savoir si un investissement plus massif dans l’enseignement primaire suffirait à garantir directement l’employabilité des jeunes. Par contre et au regard de l’importance maintes fois démontrée de l’enseignement primaire sur la suite du parcours scolaire, il est indéniable qu’un effort d’investissement ciblé sur ce niveau peut permettre de lutter contre les inégalités et favoriser la réussite scolaire, garantissant indirectement l’employabilité future du plus grand nombre de jeunes. 

Le sujet vous intéresse ?

À Lire Aussi

Coupes budgétaires : François Hollande va rétablir le budget initial des universités Enseignement supérieur : Valls annonce 100 millions d'euros supplémentairesFace à l'échec de l'enseignement supérieur et les résultats mitigés de l'enseignement professionnel, établissons un service militaire de formation

Mots-Clés

Thématiques

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !