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"Berlin Berlin" de Patrick Haudecoeur est à retrouver au théâtre Fontaine.
"Berlin Berlin" de Patrick Haudecoeur est à retrouver au théâtre Fontaine.
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Un boulevard complètement à l’Est.

Jean Ruhlmann pour Culture-Tops

Jean Ruhlmann pour Culture-Tops

Jean Ruhlmann d’abord professeur d’histoire en collège, est actuellement enseignant-chercheur en histoire contemporaine à l’université de Lille – Charles de Gaulle. Le théâtre est une passion qui remonte à sa découverte du Festival d’Avignon ; il s’intéresse également aux séries télévisées. Il est, avec Charles Edouard Aubry, co-animateur de la rubrique théâtre et membre du Comité Editorial de Culture-Tops.

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Alya Aglan pour Culture-Tops

Alya Aglan pour Culture-Tops

Alya Aglan est chroniqueuse pour Culture-Tops. Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.)

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THÈME

  •  L’entreprenante Emma (Anne Charrier) et son fiancé, le lunaire Ludwig (Patrick Haudecoeur), visiblement lassés du « paradis socialiste » édifié en Allemagne de l’Est depuis 1949, rêvent de passer à l’Ouest et mettent en œuvre un plan, ardu mais savamment conçu, pour y parvenir.
  • Mais deux obstacles non négligeables se dressent devant leur projet d’aller se marier à Paris : 
    • primo, l’existence depuis août 1961 d’un mur de quatre mètres de hauteur sur 155 km de long, quasi-infranchissable séparant, comme chacun sait, la ville en deux et gardé par 14 000 soldats à la détente facile ;
    • secundo, l’entrée du passage secret pouvant les conduire à la liberté se trouve dans l’appartement d’une vieille communiste endurcie, par surcroît mère de Werner, un officier zélé de la Stasi ...

POINTS FORTS

  • Comment sortir des locaux de la Stasi vivant ? Quiproquos en cascade, malentendus à foison, substitutions de rôles à gogo, doubles sens et méprises à discrétion : toute la panoplie du (bon) théâtre de boulevard est au rendez-vous ! On pense à la comédie de Lubitsch To be or not to be (1942) lorsque Maria et Joseph Tura se jettent dans la gueule du loup pour déjouer une opération de la Gestapo contre la résistance polonaise.
  • Le spectacle va crescendo, dans une tension constante de situations de plus en plus délirantes, donc surprenantes : les concepteurs de Berlin Berlin ont le sens du défi, qui repoussent sans cesse les limites dans l’art de placer leurs créatures dans des situations totalement désespérées, dont ils parviennent pourtant à se sortir sans dommage pour l’intrigue.
  • Des comédiens tout à fait à leur aise dans leur(s) personnage(s) respectif(s), avec une mention spéciale pour Patrick Haudecoeur et Maxime d’Aboville, qui donnent libre cours à leur potentiel comique. Mais les “vrais mâles“ sont ici les femmes, les hommes suivent. La puissance des rôles féminins, incarnés par Anne Charrier et Marie Lanchas, inverse les stéréotypes pour incarner une domination solidement établie, à rebours de leur supposée douceur. Effet hilarant garanti !
  • Un soin du détail, avec cet intérieur dont le papier peint est au motif de la faucille et du marteau, sans oublier des morceaux de bravoure, comme une interprétation d’anthologie de La Truite de Schubert, qui restera dans les annales du théâtre de boulevard...

QUELQUES RÉSERVES

  • Il n’y en a guère, sauf si l’on fait partie des derniers thuriféraires des démocraties populaires (une espèce en voie d’extinction), mais qui compta de beaux spécimens au Parti Communiste Français jusque dans les années 1980, et même au-delà...

ENCORE UN MOT...

  • À l’heure où la France s’envisage depuis une perspective mondiale, et donc européenne, le pari choisi par Patrick Haudecoeur et Gérald Sibleyras consiste à dépayser notre bon vieux “théâtre de boulevard“ et à en tester les ressorts dans un cadre historique assez inhabituel, à savoir l’Allemagne de l’Est du camarade Honecker. Clin d’œil à la nostalgie de la RDA (Ostalgie) en vogue après la chute du mur de Berlin, subtilement palpable à travers les décors et les costumes, l’ironie consiste précisément à rappeler les aspects les plus monstrueux de ce passé désormais idéalisé pour être regretté.
  • Le pari est osé, il est ici vraiment réussi, ce qui ouvre des perspectives stimulantes pour un genre en perpétuelle quête de renouvellement, s’il veut conserver son panache !

UNE PHRASE

Emma [à un Werner très empressé] : « Je ne suis pas libre, Werner... »
Werner : Ça peut s’arranger... Un coup de fil, et vous êtes célibataire ! »
[...] 
Ludwig [sommé de jouer d’un violon dont il est censé être un virtuose] : « Dans cette version, c’est pas tellement une truite, ça s’apparenterait plutôt à un gougeon... »

L'AUTEUR

  • Patrick Haudecoeur et Gérald Sibleyras n’en sont pas à leur coup d’essai. Le premier a débuté comme comédien, pratiquant tous les genres théâtraux, et connu un grand succès comme auteur avec Thé à la menthe ou t’es citron ?, joué à guichets fermés plus de 700 fois. Il récidive avec Frou-Frou les Bains, qui triomphe avec plus de 1000 représentations.

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