Bercy voudrait faciliter les successions et les donations pour mobiliser l’épargne colossale des Français... mais surtout ne pas les taxer <!-- --> | Atlantico.fr
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Bercy pourrait déployer de nouvelles mesures pour mobiliser l'épargne des Français. Une photographie montre un livret A et des billets de banque.
Bercy pourrait déployer de nouvelles mesures pour mobiliser l'épargne des Français. Une photographie montre un livret A et des billets de banque.
©DENIS CHARLET / AFP

Atlantico Business

Il faudrait que l’argent passe d’une génération à l’autre plus vite et plus facilement. Bruno Le Maire a sans doute trouvé la formule pour éponger l’épargne colossale des Français.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Il faut croire que le cabinet du ministre de l’économie et des finances n’a jamais autant cogité que depuis la début de la pandémie et il faut reconnaitre que le résultat jusqu’alors n’a pas suscité beaucoup de critiques. Le problème, demain, va être de faire en sorte que l’épargne des Français sorte des comptes liquides et des bas de laine. Mais sans impôts supplémentaires. La solution qu’on a trouvée serait de faciliter le transfert de cette épargne d’une génération à l’autre, y compris en favorisant les dons entre tiers qui n’ont pas de liens de parenté.

Les plans de soutien déployés pendant le confinement en 2020, puis le plan de relance dès 2021 auront permis de préserver l’appareil de production. La grande majorité des entreprises sont restées en état de fonctionnement et les pouvoirs d’achat ont été protégés dans 80% des cas. Bref, après près d’un an de crise sanitaire, l’économie française ne s’est pas effondrée. Alors, la décision politique du « quoi qu’il en coute » a été évidemment décidée par le président de la République, mais reconnaissons que Bruno Le Maire a su le mettre en musique sans trop de cafouillage administratif. Rien à voir avec les disfonctionnements continus et anxiogènes que nous inflige malheureusement l’administration de la santé. 

Pour l’avenir, Bruno Le Maire a trois défis à relever.

Le premier, c’est de réussir la reprise de la croissance, ça ne dépend pas de lui, mais de la façon dont on va se débarrasser du virus.

La deuxième va être d’accompagner les entreprises (grosses et petites) qui étaient malades avant la crise et qui le sont encore davantage maintenant et dont il va falloir pourtant débrancher les perfusions. Le problème est en cours de traitement chez Renault, Air France, SNCF, ADP, hôtellerie, club de vacances et entreprises culturelles et évènementielles ( foires et salons ).

Le troisième défi, de loin le plus lourd, va être de gérer le financement de la dette contractée pour supporter le Covid et éradiquer l’épidémie.

La dette publique est très lourde dans la plupart des pays occidentaux, elle est considérable en France. Parce que la France avait déjà un endettement budgétaire et structurel assez conséquent avant. Selon le périmètre qu’on attribue aux dépenses directes liées au Covid ou qu’on déborde un peu, la dette à laquelle il va falloir s’attaquer assez vite sera de 300 à 500 milliards d’euros à fin 2021.

Et pour gérer cette dette, les idées ne manquent pas. Entre ceux qui demandent carrément d’annuler la dette mais qui ne seront pas heureusement écoutés, et ceux qui sortent les armes fiscales parce qu’ils y voient un intérêt politique, peu de responsables ont de solutions probantes et cohérentes.

Bruno Le Maire sait très bien qu’il sera attendu sur ce dossier par l’opinion, mais aussi par le Parlement et la totalité de l’exécutif, à commencer par le président de la République qui ne fait de cadeaux à aucun de ses ministres. Et l’attente sera d’autant plus forte que les Français ont stocké des masses d’épargne considérable. Sur les seuls livrets de Caisse d’épargne, il y a plus de 200 milliards d’euros, auxquels il faut ajouter les comptes courants et les comptes à terme qui ne rapportent rien ( plus de 100 milliards ).

Tout le monde a compris qu‘il y avait là une manne financière colossale et que cette manne là correspondait grosso modo au même montant que la dette Covid. De quoi enflammer l’imagination des technocrates de Bercy ou des politiciens qui ont un fonds de clientèle à gauche.

Donc, si on vidait aujourd’hui les boites à idées, on trouverait d’un côté les formules miracles pour augmenter les impôts et de l’autre, des produits financiers pour capter cette épargne et l’orienter dans l’économie.

A priori, le ministre de l’Economie et des Finances a exclu toute augmentation des imports et des taxes. Pas question de  « recommencer la – connerie - faite après la crise financière en majorant les impôts », ce qui a asphyxié la reprise. Donc on ne taxera pas la grande distribution ou le digital qui ont très bien fonctionné pendant la crise. Pas d’impôt exceptionnel sur les riches et même sur les très riches... Pas d’impôt nouveau sur l‘épargne liquide qui, elle non plus, ne rapporte rien puisque les taux sont déjà à zéro...

Du côté des produits d’épargne, les projets ne manquent pas. Ils tournent tous, autour de l’idée qu’il faudrait flécher cette épargne vers l’investissement à risque, c’est à dire vers l’entreprise. Mais là encore, le ministre n'y est pas très favorable parce qu‘elle impliquerait des incitations fiscales, qui, dans un contexte où l‘épargne ne produit pas de revenu, ne serviraient à rien.

Beaucoup d’économistes estiment que cette épargne pourrait très bien s’orienter vers la consommation, ce qui boosterait la reprise de l’économie réelle. Sans doute, sauf que la relance de la consommation relancerait surtout les importations en provenance des pays émergents. Cette hypothèse d’un retour de la confiance pour doper la consommation n’est pas à exclure... mais dépend de la confiance, donc des vaccins et des traitements.

En attendant de plonger dans le monde d’après, quoi faire si on exclut la taxation ou à contrario l’incitation fiscale ? Quoi faire si on ne réussit pas à convaincre l’épargnant de prendre des risques d’entrepreneurs ? Quoi faire si on hésite à envoyer tous les épargnants faire du shopping ? Quoi faire ?

Les seules pistes qu’il reste à emprunter sont celles qui passent par les donations entre générations. Bref, permettre les héritages avant l'heure, permettre aux enfants et aux petits enfants de dépenser l’argent qui dort alors qu‘ils en auraient besoin, soit parce qu’ils n’ont pas de job, soit parce que les écoles coutent cher, soit parce qu’ils en ont besoin pour financer leur start-up ou leur commerce .

Et pour ceux, très nombreux, qui n’ont rien à attendre de leur famille, on peut très bien imaginer qu’ils bénéficient de dons ou de prêts financés par des donateurs qui n’ont justement pas d’héritiers.

Favoriser les héritages avant l’heure, élargir le champ des bénéficiaires, faire baisser les taux de la fiscalité des successions. Tout cela permettrait de faire circuler l’argent à partir de ceux qui ont beaucoup d’épargne vers ceux qui ont envie de consommer et d’investir parce qu‘ils sont plus jeunes.

Il faut dire que les possibilités de dons ou de legs aux enfants, aux petits enfants et aux tiers ont été limités et bridés par François Hollande, qui a raboté les abattements en ligne directe et augmenter les taxes, et même avant par Nicolas Sarkozy, qui a lui allongé la durée entre deux exonérations, alors qu’il avait aussi augmenté les montants exonérés et donné naissance au « don Sarkozy ».

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