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Baisse des dotations : dans le grand jeu de dupes de la décentralisation à la française, qui de l’Etat ou des régions est le plus hypocrite ?
©Reuters

Jeu de dupes

L'annonce d'une baisse des dotations a été très mal reçues de la part des collectivités territoriales, régions en tête, alors que la méthode du gouvernement pour obtenir des économies en 2018 est plutôt bienveillante puisqu’il se contente de donner aux élus locaux des objectifs d’évolution de leurs dépenses.

François Ecalle

François Ecalle

François Ecalle est ancien rapporteur général du rapport annuel de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques ;  ancien membre du Haut Conseil des finances publiques, Président de FIPECO et fondateur du site www.fipeco.fr sur les finances publiques.

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Atlantico : L'annonce d'une baisse des dotations a été très mal reçues de la part des collectivités territoriales, régions en tête. Cependant, leurs revendications sont-elles légitimes ? Ne peut-on pas considérer que l'Etat a plutôt bien géré ses dépenses quand les collectivités territoriales les ont vu exploser ?

François Ecalle :Les baisses des dotations de l’Etat qui font hurler les élus locaux (200 M€ en 2017 et 400 M€ en 2018) sont marginales au regard de ses concours financiers aux collectivités locales (54 Md€ en 2016 ; 100 Md€ avec les dégrèvements d’impôts locaux qu’il prend en charge et les recettes fiscales qu’il leur transfère), de la baisse des dotations sur 2013-2017 (plus de 10 Md€) et des économies attendues des collectivités localesd’ici 2022 (13 Md€).

Des économies ont dû être trouvées dans des délais très courts cet été pour respecter nos engagements de réduction du déficit public, donc sans le temps d’une longue concertation. Elles touchent les élus locaux comme bien d’autres acteurs. La méthode du Gouvernement pour obtenir des économies en 2018 est plutôt bienveillante à l’égard des élus locaux puisqu’il se contente de leur donner des objectifs d’évolution de leurs dépenses, la baisse des dotations ne devant intervenir qu’en 2019 s’ils ne les respectent pas. Il prend ainsi le risque d’une augmentation de leurs dépenses excessive par rapport à ses objectifs.

Les dépenses des collectivités locales ont pendant longtemps augmenté plus vite que celles de l’Etat, qui a fait de gros efforts d’économies sur 2008-2012, mais elles ont nettement ralenti depuis 2013. Les collectivités locales ont d’abord réduit leurs investissements puis infléchi leurs dépenses de fonctionnement, qui ont même baissé en valeur en 2016. Cette évolution est bienvenue car ces dépenses étaient trop élevées et elle a été obtenue grâce à la baisse des dotations de l’Etat, qui était et reste nécessaire.

S’agissant des régions, elles ont obtenu que le gouvernement actuel ne revienne pas sur une décision de son prédécesseur qui ne va pas dans ce sens : remplacer une partie des dotations de l’Etat par une fraction du produit de la TVA, ce qui leur garantit une ressource dynamique.

N'est-il cependant pas absurde de vouloir créer des grandes régions et de ne pas leur donner le pouvoir nécessaire, avec des engagements qui semblent aujourd'hui instables et une gestion générale là où les collectivités ont eu des gestions très diverses au cas par cas ? Ne faut-il pas a contrario assumer que la décentralisation n'est pas toujours efficace et que dans les faits toutes les impulsions viennent majoritairement aujourd'hui de Paris ?

Le gouvernement précédent a pris de nombreux engagements incompatibles avec la réduction nécessaire du déficit public, vis-à-vis des élus locaux comme de bien d’autres acteurs, et il faut bien revenir sur certains d’entre eux.

Le gouvernement actuel semble vouloir tenir compte de la diversité des collectivités locales en passant des contrats avec les plus grandes sur les objectifs d’évolution de leurs dépenses. Je ne suis pas certain que ce soit la meilleure méthode car il sera très difficile de déterminer objectivement les raisons pour lesquelles certaines seront mieux traitées que d’autres. Le rabot budgétaire qui réduit partout les dépenses dans une même proportion a parfois des vertus.

La décentralisation est souhaitable car beaucoup de services publics ne peuvent être gérés efficacement qu’au niveau local. Mais il faut que les collectivités locales soient soumises à des contraintes financières fortes pour que leurs décisions n’entraînent pas une hausse excessive des prélèvements obligatoires.Il faut que soit elles sont surtout financées par des impôts locaux dont elles maîtrisent le taux, dont elles sont clairement responsables et qui pèsent sur tous leurs électeurs (modèle dont on s’éloignera encore plus en exonérant 80 % des ménages de la taxe d’habitation) ; soit elles sont surtout financées par des ressources fixées par l’Etat, modèle adopté en réalité par de nombreux Etats fédéraux.

Dès lors, comment travailler avec les contraintes actuelles pour que la solidarité des territoires soit effective sans se mettre les élus à dos et en permettant aux différents échelons de garder une marge de manœuvre adaptée et prudente ?

Les dotations de l’Etat sont souvent attribuées sur des bases historiques très anciennes sans rapport avec les besoins des collectivités. Pour que la solidarité des territoires soit effective, malgré la baisse globale des dotations, il faut renforcer la péréquation entre les collectivités locales, c’est-à-dire accroître les dotations des plus démunies au détriment des mieux loties. Mais les élus locaux ne sont d’accord que pour demander plus d’argent à l’Etat, pas pour le partager plus équitablement.

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