Avec ou sans Poutine, la Russie peut difficilement adhérer aux logiques des démocraties libérales<!-- --> | Atlantico.fr
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Vladimir Poutine lors d'une visioconférence au Kremlin.
Vladimir Poutine lors d'une visioconférence au Kremlin.
©Alexei DRUZHININ / SPUTNIK / AFP

Atlantico Business

Tous les chefs d’entreprises qui connaissent bien la Russie savent que la Russie peut difficilement se convertir aux contraintes de la démocratie occidentale. Son modèle économique est celui d’un pays vivant sur ses richesses naturelles, donc aucun intérêt à entrer dans le champ de la concurrence de marché.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Le monde des affaires est évidemment bouleversé par le comportement de Vladimir Poutine et découragé par ses discours qui donnent limage dun système complètement bloqué sur ses ambitions impérialismes.

Le projet de prendre le contrôle de lUkraine, lemploi systématique de la force militaire ont cristallisé la plupart des pays de l’OTAN et de l’Union européenne, réunis pour venir en aide à l’Ukraine. Le bilan dune année de guerre est désastreux sur le plan matériel, financier et insupportable sur le plan humain avec  150 000 morts de chaque côté, sans parler des presque 10 millions dukrainiens réfugiés pour se mettre à labri des bombes.

Ce conflit de frontières est devenu a priori un conflit entre deux blocs porteurs de deux logiques, deux conceptions de la vie politique : le bloc de louest porteur des idées de la démocratie libérale et donc défenseur des libertés individuelles et des valeurs de loccident. Et le bloc de lest où on retrouve aux cotés de la Russie pratiquement tous les pays autoritaires et toutes les dictatures du monde qui sopposent à loccident.

Le monde des affaires internationales a bien compris que cette guerre est devenue une guerre pour des valeurs, comme l’expliquent des spécialistes de la géopolitique.

Encore que les ressorts de la situation actuelle ne sont pas identiques à ceux de la guerre froide. Au moment de la Guerre froide, lantagonisme opposait deux idéologies bien différentes avec deux organisations économiques inconciliables. La concurrence de marché dun côté, le centralisme étatique de lautre. Le capitalisme et le collectivisme.

Leffondrement de lURSS a éliminé de la scène internationale le collectivisme. L’économie de marché sest imposée partout.

Un peu naïvement sans doute, le camp occidental a cru que la généralisation de l’économie de marché et les échanges étoufferaient lautoritarisme des Etats au profit des logiques démocratiques. Il nen a rien été. Ni en Russie, ni en Chine.

La guerre en Ukraine voulue par la Russie nous prouve que les autocraties sont solidement enracinées. Du coup, les milieux économiques occidentaux ne pensent pas que la disparition physique des dirigeants actuels pourrait régler les problèmes.

Lexemple de la Russie est très intéressante parce quen fait, sa structure économique ne favorise pas la mutation économique. On a cru - et certains dirigeants russes lont pensé - que la Russie pourrait organiser une mutation démocratique après la chute du mur de Berlin. En réalité, Boris Eltsine a échoué dans son entreprise puisque Vladimir Poutine a repris les pleins pouvoirs pour « remettre de lordre » et beaucoup d’analystes ont mis cette situation sur le compte de lADN russe.

Ils ont peut-être raison sauf que la structure économique de la Russie ne se prête pas à l’émergence dun processus démocratique.

La Russie est un petit pays par sa population (150 millions dhabitants), mais très grand par sa superficie puisquil s’étend de lEurope à la zone pacifique. Et très riche par ses ressources naturelles : le pétrole, le gaz, les métaux rares et les produits agricoles, dont le blé. Autant de richesses dont le monde a besoin. Autant de rentes quil suffit dexploiter pour vivre. Depuis la fin du 20e siècle, la Russie sest donc plongée dans une mondialisation à lancienne en vendant ses ressources naturelles pour acheter des produits finis dont elle pouvait avoir besoin.

Ce modèle-là a dispensé les dirigeants de la Fédération de Russie de monter des structures pour fabriquer des produits industriels et des services. Donc la Russie na pas de tissu dentreprises, ni dintelligence pour innover et inventer des produits de grandes consommation.  Doù la faiblesse de son PIB qui est inférieur à celui du Portugal.  Il ny a pas même de classe moyenne comme en occident. Une élite qui vit confortablement au niveau du modèle occidental. Cette élite est très liée au pouvoir politique. Elle habite Moscou ou st Pétersbourg, elle voyage beaucoup à l’étranger mais la population, elle, vit très modestement sous la protection et les subsides de l’Etat comme autrefois sous le communisme. L’Etat redistribue un peu de ses recettes de rentes mais ses seuls investissements sont dans le matériel militaire.

La gouvernance au Kremlin tient cette population avec la promesse dappartenir à un grand empire historique, sa culture, sa puissance et ses fastes.

Tout le discours de Vladimir Poutine revient conspuer le modèle occidental auquel l’élite russe adhère bien sûr, pour dessiner à son peuple la perspective dun destin enraciné dans lhistoire. Le fossé entre le niveau de vie de l’élite, son style de vie et celui de la classe populaire éloignée du pouvoir est très creusé.

Dans ces conditions, les gouvernances russes qui pourraient succéder à Poutine nont évidemment aucun intérêt à préparer une démocratie libérale mais en plus, la situation économique intérieure fait quelle nen a pas besoin puisque la Russie peut vivre sur ses matières premières.  La seule contrainte est pour Moscou de continuer à vendre du gaz et du pétrole. Les clients ne manquent pas. La boucle est bouclée. Les investisseurs occidentaux en Russie appartenaient surtout au secteur de la distribution, le retail, au secteur pétrolier et gazier et un peu à lagroalimentaire pour le marché intérieur parce que les produits vendus en magasin sont issus de la production agricole locale et transformés sur place.  Les opportunités dinstallations industrielles sont rares dans lautomobile, l’électroménager, la tech, les télécom. Le marché intérieur de la Russie (hors Moscou et St Pétersbourg) est très en retard.

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