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Au Tour de France, pas de grand champion sans grand rival : l'illustration avec Poulidor et Anquetil
©GoPro

Bonnes feuilles

Michel Guérin, dans ce livre, propose un florilège des phrases mythiques prononcées à l'occasion de nombreuses courses. L'occasion de revenir sur quelques grands moments de l'histoire cycliste. Extrait de "Les grands mots de la Petite Reine", de Michel Guérin, aux éditions Mareuil 1/2

Michel Guérin

Michel Guérin

Michel Guérin est l'auteur de nombreux ouvrages sur le cyclisme.

Il a publié récemment, Les grands mots de la Petite Reine (Mareuil Éditions), dans lequel il raconte à partir de citations célèbres de coureurs ou de journalistes sportifs, la grande histoire du vélo.

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"Sur ce coup, tu vas encore faire deux !" Jacques Anquetil, 1987

Un champion accède à la notoriété grâce à ses exploits et à son palmarès… mais il ne rentre pas forcément dans l’Histoire. Quant à marquer son époque, cela dépend de bien d’autres facteurs que ceux liés à ses capacités physiques ou à son nombre de victoires.

Dépasser le strict cadre de son sport et accéder à la gloire relève d’un paramètre dont le champion n’est pas maître : trouver sur sa route un rival à sa mesure, un adversaire capable de le battre. Il vaut mieux, bien entendu, que les deux protagonistes aient dans leurs talents, leurs cursus, leurs personnalités des oppositions bien marquées.

Fausto Coppi et Gino Bartali ont été deux grands champions, deux monstres sacrés du vélo. Pourtant, il n’est pas sûr que l’un et l’autre pris séparément auraient autant marqué les esprits si leur antagonisme sportif et personnel n’avait pas déclenché une véritable passion dans leur pays. Leur opposition coupa l’Italie en deux, chacun ayant ses partisans et détracteurs forcenés.

En Formule 1, quelle aura aurait eu Ayrton Senna et Alain Prost si leur duel, sur et hors de la piste, n’avait pas été si acéré ? Cela dit, la rivalité entre Prost et Senna, aussi forte qu’elle ait été, n’atteignit jamais en intensité celle de Coppi et Bartali. Rien ne vaut une opposition entre deux champions de même nationalité : c’est à l’intérieur d’une même famille que les passions deviennent les plus tumultueuses.

À l’instar des deux champions cyclistes transalpins, la rivalité qui déclencha en France un grand engouement fut celle qui opposa Jacques Anquetil à Raymond Poulidor. Elle fut courte et atteignit son paroxysme au milieu des années 1960.

Tout a été dit sur l’opposition entre le blond Normand, au caractère froid, à la stratégie de course implacable, au style aristocratique et le brun Limousin, accorte avec les journalistes, proche du terroir, malchanceux en course et qui arrivait souvent deuxième. Bien sûr, la réalité fut quelque peu différente et les partis pris ont eu la vie dure. Raymond Poulidor avait un palmarès beaucoup plus riche qu’on ne le croit mais il ne gagna jamais le Tour de France ni ne porta, ne serait-ce qu’une seule fois, le maillot jaune, alors que son acolyte remporta cinq Tours et devint le recordman de l’épreuve.

Leur combat en 1964, épaule contre épaule, lors de l’ascension du Puy-de-Dôme restera dans les mémoires et demeure le symbole de cette rivalité qui se transforma un temps en hostilité. La France était alors divisée entre "anquetilistes" et "poulidoristes". Les derniers – il faut bien le reconnaître ! – l’emportant assez largement tant la popularité de leur champion était grande. D’ailleurs, "Poupou" déclara dans le numéro du 8 octobre 1969 de Cyclisme magazine : "[…] lui gagnait les courses, moi j’étais applaudi !". Il avait tellement raison !

Il faut croire que cette rivalité, largement entretenue par médias interposés, détint sur les protagonistes qui ne se firent aucun cadeau. Et en effet, l’un calquait souvent sa course sur l’autre, ce qui permit à Anquetil de favoriser la victoire de son équipier Lucien Aimar dans le Tour 1966, en endormant son adversaire favori. 

Cette rivalité exacerbée prit fin, comme souvent, lorsque Anquetil se retira des pelotons. Son rival de toujours joua les prolongations et continua à faire rêver les foules en menant la vie dure au successeur de son "ennemi intime" : Eddy Merckx.

En fait, les deux anciens compétiteurs avaient une véritable estime l’un pour l’autre et se découvrirent une réelle amitié. Lorsque Raymond Poulidor courut son dernier championnat du monde, c’est Jacques Anquetil qui était le directeur sportif de l’équipe de France.

Malheureusement, le champion normand finit par rendre les armes à cinquante-trois ans, rongé par la maladie. Il effectua sa dernière, et définitive échappée, le 18 novembre 1987. Peu de temps avant qu’il ne s’éteigne, alors que son état s’était considérablement dégradé, Jacques Anquetil, dans un dernier trait d’humour et sachant que sa fin approchait à grands pas, glissa à Poulidor : "Tu vois Raymond, sur ce coup, tu vas encore faire deux !"

Extrait de "Les grands mots de la Petite Reine", de Michel Guérin, publié aux éditions Mareuil, juillet 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici

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