Attention aux textos du réveillon, ces bombes à divorce<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
De nombreuses personnes infidèles sont prises la main dans le sac via des textos envoyés en période de fête.
De nombreuses personnes infidèles sont prises la main dans le sac via des textos envoyés en période de fête.
©Reuters

Pris la main dans le sac

Si vous trompez votre partenaire, soyez vigilant le soir du réveillon : dans The Telegraph, une avocate spécialiste des divorces estime que de nombreuses personnes sont prises la main dans le sac via des textos envoyés en période de fête.

François De Singly et Emmanuelle de Boysson

François De Singly et Emmanuelle de Boysson

Professeur de sociologie à l’université Paris Descartes, François de Singly dirige le Centre de recherches sur les liens sociaux du CNRS. Il a notamment publié Séparée. Vivre l’expérience de la rupture (A. Colin, 2011) et vient de publier En famille à Paris (A. Colin, 2012).

 

Écrivain, Emmanuelle de Boysson est journaliste au service littéraire chez Marie Claire. Elle a notamment publié Le secret des couples qui durent (Presses de la Renaissance, 2005) et sortira Oublier Marquise aux éditions Flammarion en avril 2013.

Voir la bio »

Atlantico : Dans un article du quotidien britannique The Telegraph (voir ici), une avocate spécialiste des divorces estime que de nombreux infidèles sont pris la main dans le sac via des textos envoyés en période de fête. Le phénomène est-il similaire en France ?

François de Singly : Lors de mes recherches, je n’ai pas constaté ce phénomène directement via des textos. Dans Séparée. Vivre l'expérience de la rupture, j’ai en revanche constaté que les femmes ayant des doutes se rendent généralement sur les boîtes mail de leur conjoint et peuvent y découvrir des infidélités de longues dates. Dans ce cas, le sentiment de trahison est très important. La trahison ne vient pas uniquement de l’infidélité sexuelle mais du sentiment que le partenaire ne s’investit pas suffisamment dans le "nous", non seulement le "nous" conjugal mais aussi le "nous" familial. Il n'est pas seulement considéré comme un mauvais mari mais aussi un mauvais père. 

Emmanuelle de Boysson : Ce phénomène ne se remarque pas uniquement pendant les fêtes, il s’agit d’un phénomène très actuel. Cela s’accentue pendant les fêtes car on a tendance à recevoir plus de textos. Les SMS et les e-mails sont devenus une des causes majeures de découverte de l’adultère aujourd’hui.

Je pense que les femmes sont plus prudentes avec la technologie que ne le sont les hommes. Les femmes ont pris l’habitude de mieux se cacher. L’infidélité, féminine notamment, s’est beaucoup répandue grâce aux nouvelles technologies. Les femmes ont donc très vite intégré qu’elles devaient faire attention. Elles ont développé un certain nombre de codes : ne rien dire d’érotique ou de trop personnel, effacer rapidement les textos qu’elles reçoivent. De nouveaux codes sont entrés dans les mœurs mais il suffit d’un instant d’inattention…

Les périodes de fêtes sont-elles propices aux ruptures ? Pourquoi ?

François de Singly : Je ne pense pas que ce genre de choses soient statistiquement significatives. Néanmoins, il est clair que Noël n’est pas une fête du "je", ce n’est pas une fête personnelle. Noël, c’est en fait la mise en scène du "nous", conjugal et familial. Si pendant ce temps-là, un des acteurs est sur une autre scène en train de jouer à autre chose, cela provoque l’énervement. Ce qui est compréhensible, puisque vous faites un effort pour "faire du nous", et pendant ce temps, l’autre fait autre chose. Et ce, le seul jour où c’est obligatoire de mettre en scène le "nous". Dans le couple aujourd’hui, chacun a droit à une vie privée mais le "nous" de la vie conjugale doit être respecté. Et Noël, c’est le jour par excellence de la vie conjugale et familiale.

Emmanuelle de Boysson : Les moments de fêtes sont des révélateurs car ce sont des moments que l’on a envie de partager avec les personnes pour lesquelles on éprouve des sentiments forts. Le fait d’être avec quelqu’un pour qui nos sentiments sont éteints a l'effet d'une prise de conscience. Ce sont des moments qui exacerbent les sentiments.


Dans quelle mesure les nouvelles technologies ont-elles modifié les rapports dans le couple ?

François de Singly : Le fait que le conjoint ait une vie personnelle à l’extérieur du couple est toléré mais ce qui est troublant c’est qu’avec les nouveaux moyens de technologie, on peut en quelque sorte "tromper à domicile". En fait, lorsqu’on est présent à la maison, l’implicite est que l’on est disponible pour le couple et pour la famille. C'est ce que j'ai constaté lors de mes précédentes recherches, bien que le problème technologique ne fût pas soulevé.

Par exemple, quand la femme téléphonait le soir à ses copines, l’homme ne le supportait pas parce qu’il n’y avait pas de raison à cela et l’homme considérait qu’il s’agissait d’un temps conjugal. Pour lui, c’était très irritant. Cela va au-delà de la question de l’infidélité. Aujourd’hui, on conçoit que l’autre peut avoir une personnelle en dehors du couple mais d’une certaine façon, lorsqu’il est à la maison, il doit être disponible pour le couple et la famille. Les nouvelles technologies brouillent complètement les frontières. Tout l’imaginaire de la famille au 20e siècle se structure autour du logement familial, le logement conjugal. L’individualisation contenue dans ses nouvelles technologies fait que lorsque l’on est à la maison, on est aussi un peu "chez-soi", au sens de sa vie privée en dehors de la famille.

Emmanuelle de Boysson : Les nouvelles technologies ont modifié les rapports du couple parce que grâce à elles, l’autre dispose de toutes les facilités pour faire signe à son amant ou sa maîtresse. Cela crée une suspicion et une jalousie quasi-permanente. Avec les nouvelles technologies, la jalousie s’est démultipliée. Grâce aux nouvelles technologies, vous avez un accès permanent à l’autre et vous pouvez vivre votre infidélité de façon très régulière et à tout instant. 

Selon l’article du Telegraph, certaines personnes se serviraient de la technologie pour saborder leur propre couple. Est-il plus facile d’être pris la main dans le sac que d’avouer à son partenaire qu’on le quitte ?

François de Singly : C’est tout à fait vrai. On peut se demander si parfois, il n’y a pas des actes manqués, si vous laissez ouvert votre ordinateur avec justement ce type de messages ou des photos, vous faites en sorte que l’autre le découvre plutôt que de lui dire. Dans Séparée, je n’ai récolté que la version des femmes. Et en effet, elles reprochent aux hommes de ne pas être courageux. Les trois reproches qui sont faits aux hommes sont les suivants : ce sont des enfants qui se laissent servir, ce sont des adolescents qui ont leur vie à eux, et ils ne sont pas courageux. C’est en partie pour cela que beaucoup de femmes demandent la séparation. Elles sont d’abord plus insatisfaites dans la vie conjugale mais aussi parce que les hommes font faire le sale boulot aux femmes.

Emmanuelle de Boysson : Je suis persuadée qu’il s’agit en effet d’actes manqués. Lorsque l’on souhaite garder un secret, on peut le faire pendant des années. De nombreuses personnes mènent des vies clandestines pendant des années sans que cela ne se sache jamais.

L’adultère ne traduit pas forcément une envie de se séparer de l’autre mais il peut s’agir d’un appel à l’autre, d’un révélateur. Cela peut être une façon de lui dire que l’on ne se sent plus bien dans son couple. L’objectif peut être de déclencher la colère, la jalousie ou tout simplement une réaction de la part de son partenaire.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !