Attentats : la stratégie de l’Etat islamique deviendrait-elle irrationnelle en frappant l’Arabie Saoudite et la Turquie ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des manifestations de soutien aux victimes en Turquie suite aux attentats perpétrés par l'Etat islamique.
Des manifestations de soutien aux victimes en Turquie suite aux attentats perpétrés par l'Etat islamique.
©Reuters

A côté de la plaque

L'Arabie Saoudite a essuyé 3 attentats de Daech depuis mai 2015. En dépit de la sympathie que les autorités saoudiennes éprouvent pour le mouvement terroriste et de toutes les aides que le royaume a pu fournir, l'EI n'a pas hésité à frappé, comme il l'avait fait auparavant en Turquie. Incohérentes en apparence, ces attaques sont néanmoins motivées par une idéologie universaliste ancrée dans les gênes de l'EI.

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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Atlantico : Le 6 Août 2015, l'Etat islamique revendiquait l'attentat proféré à l'encontre d'une mosquée en Arabie Saoudite. En mai, d'autres attaques avaient eu lieu à l'encontre du Royaume. Or, les derniers attentats perpétrés en Turquie ont provoqué une réaction militaire immédiate du pays contre l'EI. Quelle est la rationalité stratégique de telles actions ?

Alexandre Del Valle : D'un point de vue purement stratégique, il n'y a apparemment rien de très rationnel dans la façon dont l'Etat Islamique agit, pour peu que l'on attende de lui le comportement d'un Etat rationnel et aux frontières stables à proprement parler. Ainsi, si l'on observe la situation dans le cadre de ce prisme-là, il est clair que ces attentats, qui risquent de créer plusieurs fronts nouveaux et donc de rendre plus unie et multiple la Coalition anti-Da’ech, semblent à la fois contre-productifs et irrationnels. 
Toujours de ce point de vue rationnel, il ne faut pas oublier que l'Etat Islamique a pour ennemis principaux les forces chiites pro-iraniennes en Irak ainsi que les Alaouites et Bachar Al-Assad en Syrie. S'en prendre à l'Arabie Saoudite,  c'est donc en fait s'en prendre au parrain du sunnisme salafiste qui bombarde les chiites du Yémen, ennemis communs aux Saoudiens et à Da’ech. Sous cet angle, cela parait évidemment incohérent. Mais cela n'est qu'une apparence. Car d'un point de vue stratégico-idéologique, la logique de l'Etat Islamique totalitaire transfrontalier, à vocation impériale et fondé sur le culte de la mort et du jihad, est presque déroutante. Elle échappe par essence à la logique rationnelle d’un Etat « normal » dont les dirigeants pensent avant tout à leur bien être et à leur survie immédiate. Tel n’est pas le cas de l’Etat Islamique, qui, comme le Troisième Reich d’Hitler, est prêt à tout perdre pour tout prendre et mène un combat total sur plusieurs fronts. DAECH essaie, certes, d'avoir un Etat viable, essentiellement en Syrie et en Irak, et il devrait par conséquent selon nos esprits cartésiens introduire plus de rationalité dans sa façon d'agir. Pour autant, il est avant tout un mouvement totalitaire, idéologique, fondé sur l’utopie du Califat et de l'extension sans limites et par tous les moyens de l'Islam salafiste sur la planète toute entière. Son premier objectif, c'est d'établir un Etat transnational dans tout le Moyen-Orient. Mais son principe d’extension et son mode opératoire consistent à semer le chaos partout - y compris chez nous pour susciter des vocations et recruter des psychopathes ou des âmes en dérive – et surtout à attaquer des Etats régionaux fragiles et divisés afin de provoquer leur effondrement et de conquérir une partie de leur territoire où vivent des tribus dépourvues de réelle conscience nationale avec qui l’on peut pactiser à la manière bédouine ancestrale en négociant des butins comme au temps des premiers conquérants bédouins arabes et des premiers califats. N’oublions pas que les « Califes rachidoun » successeurs de Mahomet n’ont pas hésité à défier les deux plus grands empires de l’époque, byzantin et perse, puis sont partis à l’assaut de l’essentiel du monde moyen oriental et méditerranéen jusqu’à la France avec les succès extraordinaires que l’on connaît…. La stratégie apparemment folle de l’audace jihadiste tous azimuts ne l’est donc peut être autant que cela, car elle a déjà fonctionné dans le passé et les Jihadistes actuels de l’EI veulent refaire revivre cette geste conquérante sans limites.

Par conséquent, se limiter à l'Irak et la Syrie n’est pas satisfaisant pour les Jihadistes dont les buts de guerre stratégiques se situent à la fois dans le temps long au sens de Braudel et dans l’espace long au sens géographique et géopolitique. Dans la mesure où cet Etat Islamique ambitionne de faire voler en éclat toutes les frontières du Moyen-Orient, y compris celle de l'Arabie Saoudite, pour permettre l'extension d'un Califat dans le monde arabe, les attentats sont logiques : ils ont pour but :  1/ de créer des psychoses et des provoquer des réactions ; 2/ de sidérer l’opinion publique, 3/ de dresser à l’intérieur des pays visés les uns contre les autres. Ceci dans le but global de long terme d’édifier progressivement une nation islamique califale unie. Ces objectifs de guerre transnationaux légitiment stratégiquement et idéologiquement les attentats contre l'Arabie Saoudite et la Turquie, même si ces pays dirigés par des pouvoirs sunnites ont pu paraître un temps « alliés ». L’intention des jihadistes n’est bien sûr pas de détruire d’un coup des Etats plus puissants qu’eux, mais plutôt de faire parler d’eux afin de recruter puis surtout de créer le chaos dans les pays frappés et qui sont en général ciblés car affaiblis de l’intérieur par des divisions profondes tribales, religieuses, politiques et ethniques.

Il est possible que sur le long terme, en ouvrant plusieurs fronts y compris chez leurs anciens amis, l'Etat Islamique sème sa propre perte, ce qui est déjà arrivé au régime taliban qui abritait Al-Qaïda et son chef Ben Laden en Afghanistan avec la guerre américaine consécutive au 11 septembre 2001. Mais la preuve même de la viabilité de la stratégie jihadiste apocalyptique fondée sur l’amour de la mort et le chaos c'est que depuis le 11 septembre 2001 et les interventions occidentales en représailles en Afghanistan, en Irak, au Mali ou en Libye, on a jamais enregistré autant de conversion dans le monde au salafisme, on a jamais autant parlé d’islam ou vendu autant de Coran et les mouvements islamistes radicaux n’ont jamais autant enregistré de victoires électorales ou militaires. Tout cela est bien intégré et planifié par l’Etat Islamique qui parie, comme les premiers conquérants musulmans du VII eme siècle sur la stratégie de la « sidération » et escompte créer partout la déstabilisation en sidérant l’opinion publique et en divisant les pays musulmans travaillés par des fragmentations tribales, religieuses (sunnites/non sunnites), ethniques (Arabes/Perses/Kurdes, etc) et politiques (islamistes/laïques). C'est donc un raisonnement stratégique théocratique, asymétrique et transnational qui les anime, ce qu’ont du mal à comprendre les Etats-Nations sécularisés.

D'un point de vue historique, cela s'ancre également dans une logique certaine. Si l'on vante souvent en Occident la douceur mythifiée des glorieux Califats arabes de Damas, Cordoue, ou Bagdad, il faut garder en tête que les premiers Califats furent particulièrement guerriers, impérialistes et conquérants et qu’ils agressaient et menaçaient continuellement les pays voisins dans le but d’étendre le règne impérial et la nouvelle religion qui était aussi un système politique et juridique destiné à soumettre la Planète. Les Califats qui ont succédé à Mahomet (le « khalif » est le successeur en arabe) ont ainsi détruit très rapidement les empires byzantins et perses. En quelques décennies à peine, quelques milliers de bédouins illettrés dépourvus des armes sophistiquées de l’époque comme le feu grégeois que possédaient les byzantins (bien plus nombreux et riches qu’eux), ont conquis la Perse, l’Arménie, une partie du Caucase, tout le proche orient, l'Egypte, l’Afrique du Nord, et jusqu’à l’Espagne wisigothique et le sud de la France… Les Empires Abbassides ont continué cette geste conquérante et guerrière initiée par les 4 premiers califes « rachidoun » successeurs de Mahomet et les califes ommeyyades. N’oublions jamais que les missions du Calife ne se limitaient pas à la conduire la prière et guider la Oumma (communauté des Croyants-soumis), mais également et même surtout à prêcher la guerre et la terreur du Jihad pour répandre le règne de l'Islam au delà des frontières et détruire les nations païennes avoisinantes, ceci tout en prélevant très pragmatiquement le butin de guerre (dimension économique prédatrice justifiée coraniquement). En fait, l'Etat Islamique n’a fait que renouer avec quelque chose qui fut réel et qui est très fortement valorisé dans la culture des pays arabo-musulmans aujourd’hui encore. Alors que les européens bafouent en permanence les valeurs des églises chrétiennes qui les ont pourtant forgés et qu’ils se repentent de leur passé colonialiste, dans les pays musulmans c’est exactement le contraire qui se produit. Et contrairement à ce qui s’est produit en Occident, avec le Concile et l’évolution moderne des églises, dans le monde musulman financé et fanatisé à coups de pétrodollars wahhabites du Golfe, le Corpus juridique et théologique légal sunnite jamais réformé depuis le IX eme siècle et toujours enseigné dans les instances sunnites officielles s’est radicalisé et a complètement mis à l’écart les tendances musulmanes modernistes et laïques accusées de « complicité avec les Occidentaux impies »… Cette extrême valorisation du passé impérialiste des Arabo-musulmans est de surcroit augmenté par un sentiment de revanche postcoloniale et une réaction globale de haine de l’Occident démonisé en réaction aux interventions militaires occidentales qui ont tué des milliers de civils depuis les années 2000 et qui ont plongé des millions d’âmes arabes et islamiques dans les bras des islamistes. Et c'est pour ça que l'Etat Islamique a beaucoup d'avenir devant lui. Tous les ingrédients d’une guerre de cent ans sont donc réunis…

L'Arabie Saoudite a souvent été soupçonnée d'aider les terroristes. Comment le pays peut réagir face à ces agressions de l'Etat islamique ?

L'Arabie Saoudite aura beaucoup de mal à réagir, et pour cause, puisque c'est un pays stratégiquement et politiquement schizophrène qui a une main droite dans le salafisme jihadiste et une main gauche dans la lutte contre ce même salafisme jihadiste… C'est un pays foncièrement schizophrène en ce sens que les chefs claniques saoudiens qui pillent ce pays plus qu’ils ne le dirigent vraiment sont d'accords avec le principe d'une alliance pragmatique avec l'Occident - où ils ont placé une partie de leur argent en s’accommodant de la mondialisation – tout en demeurant liés aux chefs religieux fanatiques  wahhabites (créateurs su salafisme jihadiste), qui distillent dans ce même pays une idéologie théocratique totalitaire qui menace à terme l’Etat saoudien.. Rappelons que les Wahhabites - qui ont le titre de Al Cheikh dans le royaume – ont pignon sur rue : ils contrôlent le domaine du culte, la police religieuse, les programmes universitaires, bref, le « logiciel salafiste officiel » qui inculque aux jeunes saoudiens que l’esclavage est licite, que la guerre est un moyen normal d’expansion de l’islam, que les juifs et les chrétiens sont ennemis, l‘équivalent des « porcs et des singes », que les femmes sont inférieures et doivent être excisées et que les « apostats », les athées, les blasphémateurs et les « polythéistes » (Mouchrikoun) doivent être tués, ce que font en toute cohérence wahhabite les adeptes de Da’ech ou d’Al-Qaïda... Ce pays, qui voudrait lutter contre les terroristes salafistes, leur a en fait inculqué leur idéologie totalitaire, et nombre de ses princes et associations pieuses « caritatives » continuent de financer les jihadistes aux quatre coins du monde… Fondamentalement, dire que l’Arabie saoudite lutte contre le terrorisme salafiste, c’est comme si un Etat menacé par des mouvements terroristes nazis enseignait dans les universités le national-socialisme après les avoir financés... c'est aussi absurde que d'enseigner l'idéologie nationale-socialiste dans l'école de la République et prétendre vouloir lutter contre le nazisme.

D'un point de vue militaire, ouvrir de nouveaux fronts ne semble pas être la meilleure idée. La division apparente de l'Occident et son hésitation concernant la conduite à tenir (comme en Syrie) poussent-ils Daech à ignorer des notions tactiques au profit de l'idéologie du Djihad ?

Effectivement, il est possible que les atermoiements de l'Occident favorisent cette stratégie offensive, multilatérale-tout azimuts de l'Etat Islamique. Cependant, n'oublions pas que l'idéologie de l'EI est foncièrement planétaire et néo-impériale. Sa logique est transnationale et pas du tout nationale. L’objectif de guerre de l’EI est de détruire toutes les nations pré ou post coloniales assimilées à la « division de la Oumma islamique », ceci afin d’édifier sur leurs ruines un Califat transnational, objectif de tous les islamistes sunnites salafistes et même des Frères musulmans « canal-historique »depuis les origines. Ce Califat ne serait qu'une seule et unique nation : celle de l'Islam « pur » et totalitaire des Salafistes qui considèrent les autres musulmans non-orthodoxes et non-salafistes puis les non-musulmans comme des ennemis absolus à éliminer. Quand bien même cette stratégie se nourrirait d'une potentielle faiblesse de l'Occident, elle demeure donc inscrite dans l’Adn même de l'Etat Islamique, et c’est ce mythe néo-impérial guerrier de Da’ech qui mobilise des milliers de jeunes volontaires avides de sensation et de gloire narcissique qui rejoignent chaque jour ces rangs dans le monde entier, y compris chez nous. Ce mouvement (EI) a beau être territorialisé partiellement (Syrie-Irak, et de façon différente en Libye et dans d’autres zones incontrôlées d’Etat faillis), il a un besoin d’extension permanente (fait de prédation et butins de guerre qui lui servent de financement) et poursuit un dessin planétaire de long terme, ce qui échappe totalement à nos dirigeants démocratiques et démagogues qui ont un horizon de planification purement court-termiste et électoraliste.

Aucune société non-soumise à son joug ne sera par conséquent en paix avec l’islamisme totalitaire, selon moi, avant des décennies, avant que les masses musulmanes opprimées ne sortent de ce piège et ne produisent les anticorps contre cette maladie collective revancharde. Et si l’Etat islamique est un jour vaincu militairement comme cela fut déjà le cas entre 2007 et 2010 par les Américains en Irak, il renaîtra d’une autre manière ou d’autres groupes islamistes plus ou moins radicaux prendront le relais et tenteront de rétablir le Califat sunnite qui fait rêver des masses islamiques fanatisées par leurs élites religieuses, intellectuelles et politiques depuis des générations... Et avec la stratégie d’attentats sur les plages, dans les musées, les lieux touristiques, etc, contre les intellectuels et dirigeants laïques de ces pays arabo-musulmans, ou contre les rares gouvernements de ces pays encore hostiles à l’islamisme, il est à craindre que la crise économique couplée au chaos politique favoriseront dans la plupart des pays musulmans, l’ascension des jihadistes qui rêvent de revenir à l’époque où la Méditerranée était terrorisée par les pirates barbaresques alors sponsorisés et soutenus par les califats arabes et turc-ottomans… Il faut relire l’histoire pour comprendre la menace incarnée par l’idéologie néo-califale qui ne se limite pas hélas à Da’ech…

Quels sont les prochains mouvements à attendre de la part de l'Etat Islamique ?

Après la Libye, la Tunisie, les pays de l’espace sahélo-sahariens les plus fragiles, la Syrie, l’Irak et le Liban, l'Etat Islamique essaie de déstabiliser l'Arabie Saoudite, pays réputé très riche mais où la pauvreté en pleine expansion touche désormais aussi bien les Saoudiens sunnites que les chiites et les immigrés. En excitant les masses fanatisées et appauvries, puis les tribus frontalières du Yémen contre la classe privilégiée saoudienne et les tribus népotistes qui tiennent le pouvoir, l'Etat Islamique pense pouvoir diviser le Royaume, monter les groupes confessionnels et les tribus rivales les unes contre les autres, puis un jour faire imploser le pays. L'Arabie Saoudite, et particulièrement le sud du pays, représentent un véritable terreau pour l'Etat Islamique.

Simultanément, l'EI vise la Jordanie, particulièrement divisée elle aussi entre tribus et surtout entre Jordano-Palestiniens citadins (majoritaires mais dominés) et tribus jordaniennes-bédouines minoritaires mais dominantes. La Jordanie, après l'Arabie Saoudite, le Liban, l’Irak et la Syrie, a une très forte potentialité de division et d’implosion, d’autant qu’elle est liée par un accord avec le diable israélien.

Le Yémen, de son côté, représente déjà une cible de choix immédiate de l'Etat Islamique. Ce pays est en effet « idéal » pour l’EI puisqu’il est déjà divisé tribalement, politiquement et religieusement, sa population étant composée à 40 % de chiites et à 60 % de sunnites, eux-mêmes divisés depuis la guerre froide entre nordistes et sudistes. Et ces sunnites sont globalement gagnés aux thèses islamistes, soit des Frères musulmans, soit d’Al-Qaïda, dont c’est l’un des fiefs historiques, soit de plus en plus de l'Etat Islamique. Ensuite, la Turquie représente également une cible potentielle, car c’est un pays extrêmement tiraillé politiquement (laïques/islamistes ; droite/gauche), ethniquement (Turcs/Kurdes), et religieusement (Sunnites majoritaires et chiites-alévis). Comme on l’a vu ces dernières années depuis la dérive autoritaire-islamiste « néo-ottomane » d’Erdogan, lui aussi nostalgique des Califats-sultanats passés, et la réaction de la gauche via les manifestations et les urnes, sans oublier les velléités de coups d’Etat des militaires anti-islamistes, un scénario de guerre civile n'est pas improbable en Turquie si l'économique venait à battre de l'aile et si les attentats relançaient la guerre entre Ankara et le PKK d’une part et si l’armée turque tombait dans le piège tendu par Daesh de rentrer durablement dans le bourbier syrien… Da’ech mise sur cela en perpétrant des attentats pour attirer l’armée turque dans le théâtre syrien. Récemment, Da’ech a même commencé à investir les territoires palestiniens de Cisjordanie et Gaza, sachant tout l’intérêt de « la cause des cause » d’un point de vue symbolique. Tous ces pays divisés, ethniquement, religieusement, politiquement ou même économiquement et remplis de laisser-pour compte revanchards représentent un berceau parfait pour l'Etat Islamique qui se nourrit du chaos. De même chez nous, les idéologues de l’Etat islamiques ont clairement appelé à mettre le chaos en Europe en se servant des communautés islamiques qu’ils espèrent radicaliser contre les non-musulmans en créant chez ces derniers une psychose « islamophobe » provoquée par les attentats islamistes mais face à laquelle les musulmans finiraient par devenir solidaires des jihadistes…

En Occident, il va donc falloir s'habituer aux attentats islamistes, des attentats de plus en plus perpétrés par des « autochtones », issus de l’immigration ou dis français de souche fanatisés, ils seront de plus en plus barbares et de plus en plus difficiles à détecter dans nos sociétés ouvertes à tous les vents. La mondialisation, après les années 1990, a donné lieu à nombres de profession de foi prêchant la « fin de l'Histoire » (Fukuyama), et à l’annonce du triomphe du modèle libéral-consumériste-démocratique  occidental qui apporterait paix universelle. On a cru que la mondialisation, accélérée par la fin du communisme, allait permettre à l'humanité toute entière de s'entendre et de dialoguer entre civilisations, mais le fait est qu'elle favorise aussi la communication entre des groupes comme l'Etat Islamique et que les réseaux d’échanges et de communications servent autant à développer des identités et idéologies radicales-bellicistes que des belles idées. La mondialisation permet donc depuis des années l'expansion des métastases islamistes. Couplée avec la perméabilité de nos sociétés démocratiques et culpabilisées incapables de gérer leur flux d’immigration, elle permet aux fanatiques et aux terroristes de circuler, de recruter le cas échéant chez nos citoyens et de s'installer partout où veulent...

Plus les pays masses musulmanes seront travaillées et travaillées par des mouvements totalitaires comme Al-Qaïda ou l'EI, qui tentent d’instrumentaliser leurs problèmes sociaux et identitaires pour en faire un ennemi intérieur, plus nous en subirons les conséquences dramatiques. D’où l’urgence absolue d’une vaste politique d’immigration et d’intégration à l’échelle européenne et nationale. Et tant que l'immigration ne sera pas contrôlée, que l’intégration et même l’assimilation à l’identité nationale et à nos valeurs ne seront pas fermement encouragées, tant que les flux clandestins continueront à progresser à la faveur de l’appel d’air que constituent le laxisme et les aides sociales et médicales pour tous, alors nos Etats seront incapables de maîtriser leur destin et notre sécurité collective sera de plus en plus menacée. Dans ce contexte, et en l’absence de retour à une vraie fermeté juridique et législative (mise hors la loi de toutes les structures enseignant l’intolérance de la charià ; réaffirmation du caractère indiscutable de la loi et de nos valeurs, retour à un « patriotisme intégrateur » ; rétablissement de l’ordre républicain dans les cités de non-droit grâce à l’intervention de l’armée) ; nos dirigeants capitulards n’auront d’autre choix que de pactiser avec les islamistes les plus « modérés » dans des zones que les polices n’osent déjà plus pénétrer de peur des « bavures ». Parallèlement, les autorités publiques ne vont cesser, pour faire croire qu’elles sont vigilantes et pour ne pas que l’on parle trop de la gravité de la situation (politique de l’Autruche), de multiplier les mesures liberticides de surveillance et de répression des opinions « islamophobes » ou « populistes », lesquelles sont déjà plus combattues encore que l’enseignement de la charià  dans nos sociétés... La politique d'intégration ayant en partie échoué en Europe et en France, y compris chez nos propres citoyens non-musulmans autochtones de plus en plus abreuvés de haine de soi et de repentance, on se retrouve par conséquent avec de plus en plus de laissés-pour-compte et de masses sans repères ni valeurs qui forment autant des proies faciles pour des barbus souhaitant les fanatiser.

Enfin, en dehors de nos pays occidentaux, même la Chine et l’Inde sont concernés quotidiennement par les phénomènes que sont le repli communautaire islamiste et les violences terroristes. L'islamisme est donc selon moi le nouveau totalitarisme planétaire de ce siècle. Ce totalitarisme n’est pas réductible aux attentats terroristes qui ne sont que la partie immergée de l’Iceberg, mais il est surtout le fruit d’une fanatisation des consciences et des masses du monde musulman malade de son identité et en proie aux démons du revanchisme, carburant de tous les totalitarismes. Ce revanchisme a déjà gagné la bataille des idées car il a réussi à faire croire à des millions de musulmans que l’islamisme et le retour à une lecture littérale-obscurantiste de l’islam est la seule façon d’échapper à l’influence de l’Occident libéral-matérialiste diabolisé et jugé responsable de tous leurs maux...

Propos recueillis par Vincent Nahan

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