Armée française : pas si nulle que ça<!-- --> | Atlantico.fr
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Défilé du 14 juillet, sous le soleil.
Défilé du 14 juillet, sous le soleil.
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Le journal "Le Monde" titrait en première page de son édition du mercredi, veille de la fête nationale : « la France n’a plus les moyens militaires de ses ambitions politiques ». Une affirmation un peu hâtive ?

Jean-Bernard Pinatel

Jean-Bernard Pinatel

Général (2S) et dirigeant d'entreprise, Jean-Bernard Pinatel est un expert reconnu des questions géopolitiques et d'intelligence économique.

Il est l'auteur de Carnet de Guerres et de crises, paru aux éditions Lavauzelle en 2014. En mai 2017, il a publié le livre Histoire de l'Islam radical et de ceux qui s'en servent, (éditions Lavauzelle). 

Il anime aussi le blog : www.geopolitique-géostratégie.fr

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« La France n’a plus les moyens militaires de ses ambitions politiques » : le titre s’affiche en Une du quotidien Le Monde, ce mercredi 13 juillet. L’affirmation est pourtant discutable si l'on observe les forces militaires mises sur pied au regard des besoins opérationnels actuels. Elle est fausse si on compare les moyens financiers investis par la France pour sa Défense, soit un budget annuel de 66 milliards de dollars qui nous place dans le top 5 mondial.

Que se passe-t-il donc dans la boite noire (Armées, DGA, Industries de Défense) qui reçoit des inputs financiers importants et  fournit des outputs insuffisants en matière de capacités militaires face aux besoins réels du moment ? Répondre à cette question, c’est analyser la chaîne des décisions qui partant de la définition des menaces à l’expression des besoins militaires passe par le lancement des projets de développement des systèmes d’armes pour aboutir à la mise sur pied et au maintien opérationnel des forces.

C’est à ce débat et à cette analyse qu’il faut s’attacher avant de demander à la nation des efforts financiers supplémentaires. Depuis que je m’intéresse à ces questions [1], jamais une évaluation prospective des menaces n’a été réalisée en indépendance totale avec les lobbyistes des industries d’armement qui sont présents au sein même des partis politiques. Il en découle bien souvent le lancement de programmes inadaptés aux menaces réelles ou à notre stratégie de Défense.

Ce serait le cas, s’il était adopté, du système de Défense anti-missiles que les Américains nous poussent à déployer et qui couterait selon une estimation provisoire, probablement sous-évaluée à dessein, plusieurs milliards d’euros à la France. Ce système, sur le plan de la théorie stratégique affaiblirait notre dissuasion, sur un plan opérationnel ne servirait à rien face aux menaces actuelles et serait probablement inefficace face à la menace potentielle qu’il est chargée de contrer : un missile lancé par un État voyou. Aucun spécialiste sérieux ne croit qu’il assurerait un taux d’interception proche de 100%. L’expérience du système Patriot, déployé lors de la guerre du Golfe, montre que l’on en est loin. Autre exemple, on peut se demander si une partie des sommes dépensées à la modernisation de notre force de dissuasion nucléaire n’aurait pas mieux été investie dans le développement d’un système français de drones dont les opérations en Afghanistan et en Libye ont démontré l’utilité.

La cause première de cette perte en ligne est à rechercher dans le  manque d’investissement sur les questions de Défense des responsables politiques de droite ou de gauche quand ils sont dans l’opposition. Quand ils arrivent au pouvoir, sans bagage militaire suffisant, ils sont prisonniers des choix biaisés que leur présentent les commissions et groupes de travail réunis à cet effet. Incapables de concevoir et d’imposer  les choix drastiques qui s’imposent, les gestionnaires des budgets de la défense sont condamnés à faire de l’échenillage. Le résultat est toujours le même depuis le départ du Général de Gaulle. A force de couper un peu partout, il manque un peu de tout. Cela est vrai pour les forces qui sont mises sur pied et qui répondent aux  besoins réels mais aussi pour celles inscrites dans la programmation militaire pour satisfaire les lobbies. Et une fois de plus c’est aux chefs militaires sur le terrain de faire avec… et pour l’honneur des armes de la France ils y réussissent souvent. C’est ce qui explique le mauvais moral permanent des personnels de l’administration centrale et au contraire le moral excellent des forces combattantes.



[1] 1973 ma thèse de sciences politiques soutenue à l’UER de sciences politiques de Paris 1 était consacrée  à : « les effets de la politique et des dépenses militaires sur la croissance économique (le cas français 1945-1973) à la suite de la quelle j’ai publié deux livres : l’un consacré à l’évolution des menaces « la guerre civile mondiale, Calmann-Lévy, 1976 et l’autre : « l’économie des forces », Fondation pour les études de Défense ,1976 qui traitait de la cohérence dans les choix des systèmes d’armes.

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