Apaiser la Russie ? Petit rappel sur le Général De Gaulle et son attitude face à l’URSS<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président Charles de Gaulle lors d'un discours.
Le président Charles de Gaulle lors d'un discours.
©AFP

Dialogue ou fermeté ?

L'utilisation de la figure gaullienne pour justifier la poursuite du dialogue avec Vladimir Poutine ne conduit-elle pas à une erreur d'interprétation de ce qu’était la posture du général vis-à-vis de l'Union soviétique ?

Maurice Vaïsse

Maurice Vaïsse

Maurice Vaïsse est agrégé d’histoire, professeur émérite à Sciences Po. Il a été président du groupe d'études d'histoire de l'armement nucléaire (1986-1996), directeur du Centre d'études d'histoire de la défense (1995-2001) et président du conseil scientifique de la Fondation Charles de Gaulle (1995-2001). Spécialiste de l'histoire des relations internationales, il est chercheur associé au Centre d'histoire de Sciences Po et chercheur au CERI. Depuis 1992, il est éditeur de documents diplomatiques français (ministère des Affaires étrangères).

Directeur de la Revue d'histoire diplomatique, il est également membre de plusieurs comités scientifiques de rédaction (Relations internationales, Politique étrangère, Défense nationale, Cold War History Review...).

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Atlantico : Comment définir l’attitude globale du Général De Gaulle face à l’URSS ?

Maurice Vaïsse : L'attitude de De Gaulle est simplement dictée par les intérêts nationaux de la France qui sont fluctuants parce que la géopolitique n'est pas constante. Cela explique les variations de son attitude à l'égard de l'Union soviétique. C'est un homme qui est pétri d'histoire et de géographie et il se fait l'idée d’un pays qui doit avoir la politique de sa géographie pour la France qui doit se prémunir contre le danger allemand et l'important c'est d'avoir un allié de revers c'est à dire la Russie.  C'est La belle et bonne alliance de la fin du 19e siècle quand la France -vaincue en 1871- devait prendre sa revanche contre l'Allemagne et se prémunir contre une Allemagne trop puissante. 

C'est quelque chose de fondamental dans la pensée du général De Gaulle. Et de nouveau en 1945 face au danger allemand et à la nécessité d’en finir avec une Allemagne menaçante, De Gaulle noue une relation privilégiée avec l'Union soviétique. C'est le pacte franco-soviétique de décembre 1944. 

Mais on fait trop souvent de De Gaulle le partisan inconditionnel et permanent d'une alliance privilégiée avec l’Union soviétique mais en réalité il a pu être hostile à l'Union soviétique. Quant à la suite de la Seconde Guerre mondiale, il appelle à se prémunir contre le danger l'armée rouge qui n’est qu’à une distance équivalente deux étapes du Tour de France avec son fameux discours de 1947 donc on ne peut pas dire qu'il soit partisan des relations privilégiées avec la menace soviétique. 

Et c'est de nouveau le cas pendant les années 60, la guerre froide, au moment de la crise de Berlin. Et c’est encore le cas en 1962 lorsque Khrouchtchev a l'idée saugrenue d'implanter des ogives nucléaires à Cuba qui menacent directement les États-Unis, De Gaulle prend position de façon claire contre l'Union soviétique. Ce n’est vraiment une position qui est statique, il y a avant tout les intérêts de la France et à certains moments c'est de se prémunir contre le danger allemand. À d'autres moments c'est au contraire de faire face au danger de l'armée rouge et De Gaulle est extrêmement sévère à l'égard des totalitaires. 

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Dans sa Conférence de presse du 5 septembre 1961, De Gaulle déclare « Si nous arrivons à la guerre générale, c’est que les soviets l’auraient voulu, et tout recul préalable de l’Occident n’aurait servi qu’à l’affaiblir et à le diviser sans empêcher l’échéance. A un certain point de menace de la part d'un impérialisme ambitieux, tout recul a pour effet de surexciter l'agresseur, de le pousser à redoubler sa pression...". Comment faut-il comprendre ses paroles ?

On est en pleine crise de Berlin et une fois de plus les soviétiques essayent de mettre fin à la l’aberration qu'ils ont dû accepter c'est à dire le partage de la capitale de l'Allemagne en 4 zones : américaine, britannique, française et soviétique. Et ils aimeraient pouvoir mettre la main sur la ville de Berlin tout entière et faire en sorte que ce soit la République démocratique allemande qui en prenne possession donc on est en pleine crise de Berlin déclenchée en octobre 1958. La question est de savoir comment faire face aux soviétiques les occidentaux sont divisés, Les Britanniques souhaiteraient une certaine conciliation et un certain compromis avec les soviétiques, les Américains sont plus déterminés à soutenir les Allemands en particulier la République fédérale d'Allemagne et le chancelier Adenauer. De Gaulle lui a décidé qu’à partir de sa rencontre avec Adenauer il fallait la réconciliation franco-allemande et l’appui français à l'Allemagne. Dans ce texte il manifeste la fermeté de la France à l'égard de l'Union soviétique et qu’il ne servirait à rien d'être conciliant avec les soviétiques et qu’il faut au contraire tenir bon. 

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Ceux qui utilisent la figure gaullienne pour justifier de discuter avec Vladimir Poutine et apaiser la Russie sont-ils dans une erreur de ce qu’était la posture du général vis-à-vis de  la Russie ?

Pour lui c’est la fermeté qui compte évidemment. Certains font référence aux périodes de l'histoire ou De Gaulle a soutenu l’alliance avec la Russie mais il ne faut pas choisir volontairement un de ces moments-là et bien comprendre que pour De Gaulle ce qui compte ce sont les intérêts de la France. Ce n'est pas parce qu’à certains moments les intérêts de la France coïncident avec ceux de l'Union soviétique que c'est quelque chose de permanent. Ceux qui invoquent le général De Gaulle pour expliquer qu'il faut être du côté de la Russie se trompent. En tant qu’historien je réfute tous ceux qui essaient de faire parler les morts -en particulier De Gaulle- et lui faire dire ce qu'il aurait dit s'il avait été de ce monde. Il faut toujours faire attention avec ce genre de comparaison qui n'est pas raison. De Gaulle n’a pas été un allié déterminé et permanent, il l’a été à certains moment et à d'autres au contraire il a été un adversaire déterminé.

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