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Le réalisateur danois Lars von Trier.
Le réalisateur danois Lars von Trier.
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Lars von Trier, Dieudonné, Mel Gibson...

Après Dieudonné, Mel Gibson, John Galliano, c’est au tour de Lars von Trier d'exhaler sa détestation des juifs. Une maladie particulière, vieille comme le monde, et qui à certaines périodes, connaît des pics épidémiques.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Il y a une définition de l’antisémitisme que je trouve assez plaisante. C’est celle énoncée par un baron hongrois de la fin du XIXe siècle. Il lui était reproché d’être antisémite. Un de ses amis, manifestement judéophile, vint le trouver pour lui demander des explications. La réponse du baron fusa aussitôt. Admirable ! « Moi, antisémite ? Mais jamais. Un antisémite est quelqu’un qui hait les juifs plus que de raison ! »… Tout était dit. La haine normale, raisonnable du juif serait donc banale et évidente comme la nuit succède au jour et comme la Terre tourne autour du soleil. C’est ainsi.

Les victimes d'une puissance innommable

Donc Lars von Trier, qui a un peu bavé sur les juifs au Festival de Cannes (en ajoutant une petite louche sur Israël, ce pays qui le « fait chier ») n’est absolument pas antisémite. Il se contente, comme le baron hongrois, de haïr les juifs raisonnablement. Et des comme lui, il y en a quelques autres. Leur maladie a ceci de particulier qu’elle les oblige à s’exprimer. Quand on a la haine des juifs, il faut à tout prix le manifester, le dire, le crier. Sinon c’est bien sûr insupportable pour le malade. Et ce dernier est retors. Une fois qu’il a dit ce qu’il voulait dire et qu’il a suscité le tollé qu’il espérait, il s’excuse aussitôt.

Non, il n’a pas voulu dire ce qu’il a dit… Non, il n’est pas antisémite (il a évidemment des amis juifs)… Non, il n’est pas admirateur d’Hitler… Non, il n’a rien contre Israël mais bon, quand les victimes deviennent bourreaux, etc, etc... Chacun d’entre eux s’exprime dans un registre particulier. Mel Gibson se réfugie dans l’ombre de Jésus, crucifié par on sait qui... Dieudonné, comique de caniveau, s’interroge sur le fait de savoir si les Juifs n’ont pas inoculé le sida à l’Afrique et demande une enquête impartiale sur cette grave question, vu que - n’est ce pas ? - sa religion n’est pas encore faite en la matière. John Galliano, artiste, créateur de mode, trouve les juifs laids, affreux. Et quant à Lars von Trier, en grand humaniste qu’il est, son objectif consiste à rendre à Hitler, qui n’était pas que mauvais, sa complexité d’être humain. Avec - pourquoi pas une prochaine fois ? - ses défauts (six millions de Juifs assassinés) et ses qualités (il a construit des autoroutes, fait fabriquer une voiture populaire, la Volkswagen et a choyé les mères allemandes afin qu’elle ne manquent ni de protéines ni de vitamines).

Mais tous se rejoignent sur un point. Puisqu’ils ont été contraints de s’excuser, puisque certains d’entre eux ont perdu leur poste ou leur prébende (Galliano, Dieudonné…), puisqu’il leur faut, pendant quelque temps, baisser la tête, ils se proclament victimes. Victimes d’une puissance innommable qui tient la planète, la politique, l’économie et les médias. Mais qui est leur bourreau ? Et bien cela, il ne le diront pas, car sinon, laissent-ils entendre, ils seront encore plus persécutés. Et c’est comme ça que ça marche.

L'inutile et néfaste loi Gayssot

Il y a en France une loi, la loi Gayssot, qui réprime la négation du génocide juif et l’antisémitisme. Au risque de choquer certains, il me semble que ce texte est aujourd’hui inutile, néfaste, et d’une certaine façon, pervers. En effet, il amène les émules du baron hongrois, qui souhaitent éviter les foudres de cette loi, à user d’intéressantes circonvolutions pour dire ce qu’ils veulent dire sans le dire. Le meilleur exemple de cette puante phraséologie a été donné par l’écrivain antillais Raphaël Confiant dans un texte intitulé : Les innommables. Ainsi, ni lui ni les autres ne peuvent nommer les juifs à cause de la loi Gayssot imposée par « qui vous savez ». Il n’y a rien de plus malheureux qu’un loup qu’on empêche de hurler…

C’est pourquoi on dira qu’on n’est pas antisémite mais juste antisioniste. C’est pourquoi on fera part de sa douloureuse incompréhension de voir tant d’ « innommables » dans les cercles du pouvoir et de la finance. C’est pourquoi on suggérera que Gaza c’est Auschwitz. C’est pourquoi on assènera que l’antisémitisme concerne également les Arabes puisqu’ils sont aussi sémites, ce qui avait échappé au bon chancelier Hitler. Et tout le monde comprend ce que ça veut dire.

Pour ma part, je préfèrerai que ces gens-là s’avancent à visage découvert. Car la loi Gayssot porte en elle une autre perversion. En effet, si l’antisémitisme est un délit, accuser quelqu’un d’antisémitisme (sans toujours pouvoir le prouver devant des juges tatillons) relève de la diffamation, punissable en tant que telle. Alors, pour pouvoir appeler une ordure une ordure, une crapule une crapule et un antisémite un antisémite (tous ces mots sont synonymes pour moi), il vaudrait mieux que cette loi cesse d’y faire obstacle. En attendant on se contentera de : non, non, ils ne sont pas antisémites…

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