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L’Algérie et la France pourront-elles jamais se réconcilier ?
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A coeur ouvert

Il y a 50 ans étaient signés à Evian les accords officialisant le cessez-le-feu entre la France et l'Algérie. Alors que la réconciliation franco-allemande s'est faite très rapidement, pourquoi les relations entre Paris et Alger sont-elles toujours aussi tendues ?

Guy Pervillé

Guy Pervillé

Guy Pervillé est professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Toulouse - Le Mirail.

Ses travaux concernent la colonisation et la décolonisation de l’empire colonial français, et tout particulièrement celles de l’Algérie.

Il a récemment publié La France en Algérie 1830-1954 (Vendemiaire, 2012)

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Atlantico : Nous fêtons aujourd'hui la cinquantième date anniversaire de la signature des accords d'Évian. Quelles mesures concrètes faudrait-il que la France et l’Algérie lancent afin de se réconcilier ?

Guy Pervillé : Le problème qui a nui à l’établissement de relations normales entre la France et l’Algérie depuis 50 ans maintenant résulte du fait que l’ancienne colonie n’a jamais cessé de continuer la propagande de guerre (celle du FLN), celle qui prolongeait celle du parti nationaliste le PPA (né en 1937) puis le MTLD (né en 1946)  contre la France. Le FLN n’a jamais appliqué l’amnistie générale qui était la base-même des Accords d’Evian.

Tout récemment encore, il y a deux ans, 125 députés du Parlement algérien ont voté une proposition de loi demandant que l’Algérie forme un tribunal spécial pour juger les crimes commis par la France en Algérie de 1830 à 1962 !

Aussi longtemps que l’Algérie ne renoncera pas à mettre en accusation la France pour ses crimes, sans qu’il n’y ait en contrepartie la moindre remise en question des crimes commis du côté algérien : aucune réconciliation ne sera possible. L’excellent journaliste Guy Hennebelle (mort en 2003) l’a bien résumé dans un numéro de la revue « Panoramiques » consacrée aux relations franco-algériennes : « Mon propos en réalisant, au milieu de grandes difficultés intellectuelles, morales et financières, ce numéro, est aussi de contribuer à briser ce que j’appelle « le duo maso-sado » entre la culture laïco-chrétienne du culpabilisme français et la culture arabo-musulmane du ressentiment, qui ne mène à rien de constructif ». Autrement dit, les Français se croient responsables de tout, et les Algériens responsables de rien, bien qu’ils soient indépendants depuis bientôt un demi-siècle. En réalité, il n’y aura jamais de relations normales entre la France et l’Algérie aussi longtemps que ces attitudes perdureront.

N’y-a-t-il pas de cadavres dans les placards dont on pourrait parler afin de crever l’abcès entre les deux rives de la méditerranée ?

En France, on s’aperçoit que dans la majorité des crimes qui pourraient être reconnus par la France, la plupart sont le fait du général De Gaulle. En partant de la répression de mai 1945, en allant jusqu’au 17 octobre 1961 à Paris, celle du Métro Charonne de février 1962 ou encore la fusillade de la rue d’Isly, le 26 mars 1962… Cela fait beaucoup !

Les Algériens demandent également la reconnaissance de crimes, tels que la répression française de mai 1945 à Sétif et à Guelma… Sans pour autant demander, de leur côté, la condamnation des crimes algériens. Or quand on enquête objectivement est absolument certaine : il est incontestable que le FLN a commis des crimes extrêmement graves. C’est le cas du massacre de civils français du 20 août 1955 dans le Constantinois.

Mais aussi, dans les trois cas suivants :

1/ Le cessez-le-feu entre l’armée française et l’ALN n’a pas été respecté d’un point de vue strictement militaire. Ainsi, malgré l’interdiction, on note le déplacement de l’ALN dans les villages pour recruter les « marsiens » et d’établir un contrôle des populations. L’ALN s’est même affrontée à l’armée française à la mi-avril 1962…

2/ A partir du 17 avril 1962, soit près d’un mois après le cessez-le-feu, le FLN a riposté à l’OAS en enlevant 3000 civils français d’Algérie. Dans son livre « Un secret d’Etat », Jean-Jacques Jordy révèle que les victimes ne furent pas des membres de l’OAS et que près de 1700 n’ont jamais été retrouvées.

3/ Les Harkis n’étaient pas cités dans les Accords d’Evian mais tous ceux qui parmi les musulmans avaient pris parti pour la France et qui avait servi dans l’armée française étaient en principe couverts par les clauses d’amnistie générales. Or il y a rapidement eu des massacres. C’est surtout au lendemain du référendum du 1er juillet 1962 quand le peuple algérien a ratifié les Accords d’Evian, que les violences contre les anciens harkis se sont multipliés et rapidement généralisés.

Si l’on veut arriver à une véritable réconciliation, il faut que les deux partis prennent l’engagement de parler de tout  et de ne pas cacher des éléments comme des secrets. J’admettrais bien que l’amnistie réciproque conclue dans les Accords d’Evian ne soit pas satisfaisante parce que si on la prend au sérieux, cela signifie qu’il ne faut pas en parler. Il est clair que c’est absolument impossible. Mais il serait temps de parler de tout. Mais il n’y a pas cet accord fondamental puisque les deux attitudes sont tout à fait divergentes…

Propos recueillis par Antoine de Tournemire

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