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Angela Merkel saura-t-elle résister à la manière dont l'extrême droite allemande tente de l'incriminer pour les morts de Berlin ?
©Reuters

THE DAILY BEAST

Chaque incident mettant en cause un migrant violent est mis sur le dos de la chancelière allemande. Mais le peuple allemand n’est pas convaincu.

Josephine  Huetlin

Josephine Huetlin

Joséphine Huetlin est une journaliste freelance qui rédige notamment des article pour The Daily Beast. 

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Josephine Huetlin pour The Daily Beast

BERLIN. La nuit précédent Noël sur la ligne de métro U8 de Berlin entre les quartiers centraux de Kreuzberg et Neukölln, un groupe d'adolescents vêtus de parkas rodent en cherchant des histoires.

Descendus à la station de Schönleinstraße, ils repèrent un homme ivre de 37 ans dormant sur un banc en acier. Ils décident de mettre le feu à ses vêtements et aux papiers qu'il utilisait comme couverture.

Des passants se précipitent pour éteindre les flammes, sauver la vie de l'homme et le peu qu'il posséde. C’est un triste événement, mais pas extraordinaire. Les Berlinois ont longtemps appelé la ligne U8 "Heroin Express" et elle connaît son lot de délits. Il n'est pas inhabituel que certains passagers se conduisent mal sur d'autres lignes des transports en commun de Berlin. Il y a quelques semaines une caméra a filmé un homme faisant tomber une femme à coups de pieds dans une volée d'escaliers alors qu'elle lui tournait le dos.

Pourtant, des jeunes mettant le feu à un sans-abri, la veille de Noël, cinq jours après l’attaque de Berlin avec un camion qui a massacré 12 personnes sur un marché de Noël, était troublant, même pour une ville qui aime se vanter de sa dureté

Puis, le lendemain, la police a arrêté les coupables, et le sort a voulu, qu’ils soient tous venus en Allemagne en tant que réfugiés : six venant de Syrie et un de Libye.

"Ces gens n’agissent pas ainsi parce qu'ils sont des réfugiés, mais parce qu'ils sont jeunes et brutaux" dit le Commissaire en charge des étrangers'de Berlin au quotidien Berliner Zeitung. Au même moment, un travailleur social prend la parole pour souligner que la majorité des attaques violentes contre les sans-abris au cours des deux dernières décennies en Allemagne sont venus de gens de droite. Le motif étant généralement une sorte de haine pour ceux qui sont rejetés par la société.

Mais, bien sûr, l’affaire n’en est pas resté là.

***

Le soir du réveillon du Nouvel An, des dizaines de policiers vérifient les sacs et confisquent les pétards des fêtards trop enthousiastes dans tout le pays, et la chancelière allemande, Angela Merkel, prononce son discours télévisé annuel, apparaissant à la nation dans une tenue chatoyante, à la place du blazer habituel, complétée par un arbre de Noël à l'arrière-plan. Mais ses paroles sont plus sérieuses que jamais.

L’année qui se termine a été pleine "d’épreuves difficiles" dit -elle. Oui, c’est particulièrement choquant quand des gens qui "disaient vouloir trouver la sécurité dans notre pays" commettent des attaques terroristes. Mais il est "juste et important" d’accueillir ceux qui ont besoin de protection. En demandant que chacun reste "confiant", elle promet que son gouvernement prendra "les mesures politiques et juridiques nécessaires".

Lorsqu’un migrant clandestin tunisien, Anis Amri, a assassiné 12 personnes au volant d'un camion dans l'un des plus grands marchés de Noël de la capitale le 19 décembre (et avant que d’inquiétantes faiblesses des services de sécurité allemands aient été mis en lumière), Merkel a été accusée d’avoir mis sa capitale et toute l'Europe à la merci du terrorisme. Une thèse avec laquelle la plupart des Allemands sont en désaccord.

En effet, certaines personnalités d’extrême droite ont immédiatement évoqué le sang versé comme si Merkel était aussi coupable qu’Amri pour le massacre du marché de Noël.

Deux heures après l'attaque, alors que l'identité du conducteur du camion était encore inconnue et avant que le sang des victimes ait eu le temps de sécher, le représentant au Parlement du mouvement anti-migrant Alternative für Deutschland (Afd), Marcus Pretzell, a tweeté, "Elles (les victimes) sont mortes à cause de Merkel !" Et Stefan Räpple, un politicien de l’Afd, est allé encore plus loin en publiant une photo de mains couvertes de sang, avec les mots "Merkel, il y a du sang sur vos mains!".

Ces images vont-elles nuire à Merkel, pendant les neuf mois qui restent avant les élections nationales ? Et même si elles le font, les voix perdues par Merkel ne vont pas automatiquement se transformer en gains pour l'Afd, bien que le parti adore se présenter comme "une alternative à Merkel". Merkel sait qu'elle ne peut reconquérir les électeurs qui arborent des autocollants "Merkel doit s’en aller". Comme elle l’a dit lors de la convention du Parti conservateur en décembre dernier, elle n’est pas prête à "sauter à travers chaque cerceau qu’on lui présente".

Depuis que Merkel a remis en cause sa politique de porte ouverte aux réfugiés, le parti Afd a habilement réorienté ses critiques contre l’arrivée des réfugiés en faisant valoir que l'intégration en Allemagne ne fonctionne pas, tout en critiquant l'islam.

"S'il vous plaît, ne dites pas "le coupable aurait pu être allemand"  ", écrit Marc Vallendar, personnalité politique de l’Afd à Berlin, sur Facebook . "Il y a, purement et simplement, des différences culturelles fondamentales entre l'Europe et le Moyen-Orient. Ce n’est pas un hasard si ces pays s’enflamment". Vallendar fait ainsi allusion à l'incident horrible sur la ligne de métro U8.

Pourtant, les déclarations grandiloquentes ne sont pas du goût de tout le monde dans ce parti, semble-t-il. Comme l'Afd (initialement née en tant que parti eurosceptique en 2013) penche à droite, ses représentants doivent faire un exercice d'équilibre délicat pour garder ses partisans les plus radicaux tout en gagnant sur la classe moyenne. Son vice-président, Alexander Gauland, a passé des décennies dans le parti conservateur de Merkel. Il est souvent salué comme le meilleur atout de l'Afd pour attirer les électeurs conservateurs mécontents.

Gauland a assisté à une veillée aux chandelles devant la Chancellerie, organisée par divers groupes d'extrême droite pour commémorer les 12 morts, trois jours après le drame et pour protester contre ce que certains participants appelaient une "invasion de réfugiés".

Il a déclaré aux journalistes : "Je me suis dit que la politique [de Merkel]  envers les réfugiés est évidemment responsable de cette situation. Mais je trouve tout à fait faux de suggérer, comme l'ont fait Marcus Pretzell ou apparemment Stefan Räpple, que la chancelière a versé ce sang".

Les 200 personnes qui se sont présentées à cette veillée ont fait face à un homme qui était habillé comme un prêtre "Les décisions politiques ont été prises, mais elles peuvent être inversées. Nous, chrétiens, avons le droit de résister", a-t-il dit aux manifestants, dont certains brandissaient le drapeau des résistants allemands anti-nazis créé par Josef Wirmer à la fin des années 1940, une croix noire et jaune sur un fond rouge.

Pour éviter d'être accusée d’être fan du national-socialisme, l'extrême droite en Allemagne aime se draper dans les couleurs des combattants de la résistance anti-nazie comme Josef Wirmer, exécutés après l’échec du complot Valkyrie visant à tuer Adolf Hitler. Gauland a appelé quelques fois Merkel le "dictateur chancelier."

"C’est Gauland?" demande un homme debout derrière. "Non, c’est un prêtre," répond son ami. La sonorisation est en mauvais état, et facilement noyée par les cris d’un groupe de contre-manifestants, dénonçant "la propagande nazie!"

Une femme, enveloppée dans un anorak noir, distribue des autocollants "Merkel doit partir" avec le visage de Merkel, barré en rouge

Puis un morceau de Bach est diffusé par les haut-parleurs. Certaines personnes tiennent des bougies, d'autres des cigarettes allumées. Deux hommes utilisent leurs cigarettes pour allumer des torches, qu'ils tiennent solennellement dans l'air pendant quelques minutes avant que le vent glacial du soir ne les éteignent.

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