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Comment l'Allemagne 
peut sortir du nucléaire
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Energies

L'Allemagne a décidé d'arrêter définitivement ses centrales nucléaires d'ici dix ans. Pour y parvenir, nos voisins vont devoir trouver de nouvelles sources d'énergie, mais aussi... l'économiser. Ou bien mentir en continuant d'acheter de l'électricité nucléaire à ses voisins.

Michel Claessens

Michel Claessens

Michel Claessens est directeur de la communication du projet ITER à Cadarache.

Docteur en sciences, il a été journaliste scientifique. Son dernier ouvrage s'intitule Allo la science ? (Editions Hermann, 2011).

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On savait les Allemands farouchement anti-nucléaires. Ce sentiment paraissait effacé ou refoulé depuis une bonne décennie. C’était sans compter sur l’accident de Fukushima, qui aura créé un véritable choc anaphylactique – une réaction allergique violente appelant des mesures urgentes et radicales.

Donc, l’Allemagne a décidé de fermer ses dix-sept centrales à fission nucléaire d’ici 2022. Une décision du gouvernement de Mme Merkel qui a le mérite d’être très claire. Sur le spectre politique, celle-ci sera vue comme courageuse, démagogique voire irresponsable.

On peut sans doute regretter que ce virage soit pris à chaud, dans un contexte marqué par la crise japonaise alors que les probabilités de subir un séisme majeur et un tsunami en Allemagne sont quasi nulles.

Sauf à compenser le nucléaire par les combustibles fossiles, ce qui serait désastreux pour le réchauffement climatique, les dirigeants et industriels allemands vont devoir faire preuve d’ingéniosité et d’innovation pour s’adapter à cette nouvelle donne énergétique. Car c’est près de 22 % des besoins allemands en électricité qui sont actuellement assurés par l’énergie nucléaire de fission. 22 %, c’est à la fois peu et beaucoup. Certes, l’Allemagne est nettement moins dépendante de la fission nucléaire que la France. Mais on ne remplace pas, à l’heure actuelle, une source d’énergie qui produit près d’un quart de l’électricité nationale en un tour de vis. La décision allemande va donc imposer un recours aux énergies renouvelables et de sérieuses économies d’énergie. Avec, à la clé, un impact potentiel sur le coût de l’énergie – et donc les conditions économiques.

Recherche technologique et éducation du public

Et la recherche, direz-vous ? Certes, l’engagement du gouvernement allemand doit aller de pair avec un soutien important à la recherche sur les énergies renouvelables et sur la fusion (ITER). Mais il ne faudrait pas noyer ici le poisson énergétique : la science et la technologie ne sont pas non plus des baguettes magiques. Les résultats de la R&D (recherche et développement) s'obtiennent souvent à long terme et les attentes sont parfois disproportionnées par rapport à la réalité de travaux qui progressent lentement (mais sûrement). On doit regretter, une fois de plus, le silence radio des scientifiques sur ces questions. Et l’on ne résoudra pas la question de l’énergie sans une évolution des comportements et une éducation du public.

De ce point de vue, la décision allemande, si elle est mûrement réfléchie et marque un engagement profond, peut être une porte ouverte vers de nombreuses évolutions, autant technologiques que sociétales. Brûler le pétrole dans nos moteurs est au mieux un luxe dont on devra bientôt se passer, au pire un gaspillage qui doit être arrêté. On a dit et répété que le pétrole bon marché est un soporifique pour l’innovation. Espérons seulement que le « non » allemand au nucléaire ne se double pas d’un « oui » aux combustibles fossiles. Fermer les yeux sur l’après-pétrole serait aujourd’hui la pire des solutions.

Mais attendons de voir. Le 6 juin, le gouvernement exposera le plan d’actions qu’il entend mettre en œuvre. Car à ce stade, on ne peut exclure la possibilité que cette décision spectaculaire cache un tour de passe-passe politique voire une belle hypocrisie si, incapable d’assurer son approvisionnement après 2022, l’Allemagne doive consentir à acheter, en sous-main, des kilowatts d’origine nucléaire à ses voisins comme la France et la Belgique.

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