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Alerte rouge sur la classe politique : Jean-Marc Sylvestre fait une dépression (politique) mais il nous dit pourquoi
©Reuters

L'édito de Jean-Marc Sylvestre

La semaine a été catastrophique pour les dirigeants politiques. A droite comme à gauche personne n’est capable d’apporter une réponse cohérente aux problèmes du pays…

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le film de la semaine a présenté une quantité d’évènements qui ne sont pas d’une importance capitale, mais qui font la vie quotidienne d’une vie en société. Aucun de ces événements n’a reçu de réponse cohérente et responsable de la part des dirigeants politiques. C’est symptomatique.

Sur la gauche (qui gouverne) comme sur la droite, (qui a l’ambition de gouverner), personne n’a de convictions suffisamment fortes, capables de charpenter une réflexion et un programme d’actions qui permettraient de rassembler une majorité sur un projet d’avenir relativement clair.

Prenons cinq épisodes de l’actualité de la semaine,(un par jour) et on va voir que ça ressemble à un inventaire à la Prévert… Affligeant. C’est tout et n’importe quoi et pourtant ca explique la désespérance publique du pays.

1er jour, la déchéance nationale. Le projet de prononcer la déchéance nationale pour les binationaux confondus de terrorisme, qui devrait faire l’objet d’une loi et d’une réforme de la constitution a jeté un énorme bazar dans toute la classe politique. Une fois que le danger s’est éloigné et que l’odeur de la poudre terroriste s’est un peu effacée, les hommes politiques sont retombés dans le comptage de leurs petits intérêts.

A Versailles tout le monde était d’accord pour prendre des mesures sévères afin de lutter contre le terrorisme … aujourd'hui tout le monde est rentré dans ses chapelles respectives. Personne ne sait plus qui va voter pour quoi. La droite est aussi divisée que la gauche. Que les responsables politiques tergiversent sur la déchéance de nationalité, n’est pas grave en soi puisque la mesure ne servira à rien … ce qui est grave c’est que cette bataille marque le profond désaccord de la classe politique sur les mesures générales qu'il faudrait prendre pour lutter contre le terrorisme. Plus grave encore, ça signifie qu’on n’est pas d’accord en France sur l’ampleur de la situation et les responsabilités.

Quand Mme Taubira démissionne, elle démissionne parce qu's’elle est en désaccord idéologique avec le président sur toute la politique qu’il voudrait mener, la droite n’est pas plus unie sur un programme cohérent. Alain Juppé et Nicolas Sarkozy n’ont pas toujours été très clairs.

2jour, le conflit entre les chauffeurs de taxis et les VTC est une caricature. Tout le monde ment. Tout le monde le sait. Personne ne dit rien. Personne ne siffle la fin de la partie. Cette affaire a souligné l’incapacité du gouvernement à définir une politique claire et simple quant à l’avenir du transport individuel. Faut-il protéger les chauffeurs de taxis, faut-il laisser les VTC, se développer. le président de la république , n’a rien dit , Manuel Valls a reçu les chauffeurs de taxis et leur a promis de les aider, Emmanuel Macron a joué les modernes en suggérant aux taxis de faire une offre d’aussi bonne qualité que les VTC, il leur a offert l’accès gratuit a une application numérique (le nerf de la guerre) mais les chauffeurs taxis ont refusé . Le ministre a fait mine de ne pas savoir que les chauffeurs de taxis travaillent souvent au noir et en cash pour éviter de payer l’impôt et les charges… Jean Luc Mélenchon lui a défendu les chauffeurs de taxis étouffés par les multinationales. Il a raison, le taxi est porteur d’une valeur de gauche. Mais de qui se moque-t-on ?

On a donc compris cette semaine que les valeurs qui sous-tendent le comportement des taxis étaient des valeurs de gauche. De Valls au Front de gauche, finalement on défend les statuts de rente, de non transparence des comptes, de fraude fiscale et d’arnaque aux touristes étrangers. 

Mais c’est pas pour autant que la droite a défendu les valeurs d’innovation, de création d’entreprise et de qualités de service, d'énergie et de développement des VTC... La droite officielle aurait même quelques sympathies pour les taxis. Un comble !

En fait les seuls qui défendent Uber ou chauffeurs privés, les seuls qui plébiscitent en France les VTC, ce sont les clients consommateurs qui ont découverts qu'il pouvait y avoir un mode de transport propre et sérieux, dans des voitures en bon état, avec des chauffeurs aimables et honnêtes qui pouvaient ne pas arnaquer leur client.

Le client a voté pour les VTC. Les jeunes et les personnes âgées ont même découvert que d’avoir un chauffeur devenait abordable. Plus de 10 000 emplois ont été créés.

Pendant toute cette semaine très chaude, aucun homme politique n’a osé dire la vérité. Aucune n’a osé dire qu'il y a des privilèges et des rentes à supprimer et que tout monde en profiterait :

En fait, le seul à réagir est celui qu’on attendait le moins. Mr Rousselet, fils d’André Rousselet, l’ami intime de François Mitterrand et fondateur de la plus grosse compagnie de taxis en France. La G7. Lui a tout compris, il annonce la création d’une application VTC, sur le modèle de Uber et va inviter ses chauffeurs à la rejoindre. Sinon, il embauchera de nouveaux chauffeurs. On ne lutte pas très longtemps contre la volonté des marchés.

3e Jour, l’affaire de l’aéroport de Notre-Dame-des-landes … Faute d’avoir tranché le conflit entre les occupants écologistes, les zaddistes et l’Etat avant, la justice a pris sa décision. L’aéroport se fera. Toutes les études ont été réalisées, toutes les requêtes ont été repoussées, toutes les autorisations ont été données, il faut donc commencer les travaux. Mais pour commencer les travaux, il va falloir déménager la poignée d’occupants du site. 

Pour les politiques,  c’est impossible de passer à l’acte. A droite comme à gauche, on continue de débattre sur l’opportunité de construire un nouvel aéroport. Ce pays où les dirigeants suspendent l’avenir, le développement, le progrès à des intérêts mal définis de protections vagues et floues de la nature, est un pays menacé d’immobilisme grave. Si les égyptiens avaient appliqué un tel principe de précaution, ils n’auraient jamais construit les pyramides et plus tard, le canal de suez. Les exemples  sont multiples.

Les risques de l’immobilisme sont beaucoup plus graves que les risques de l’initiative. Mais à droite comme à gauche, on ne bouge pas.

4e jour. Le Brexit, ou le faux risque de voir la grande Bretagne quitter l’Europe. David Cameron a obtenu de Bruxelles un certain nombre d’aménagements dans la gestion de son appartenance à l’Europe. Ce faisant, il a officiellement obtenu la construction d’une Europe à la carte. Normalement, les fondateurs de l’Europe ne peuvent pas accepter ce type de laxisme. L’Europe n’a de sens que si elle propose une construction solidaire d’un ensemble politique plus cohérent. Aucun chef d’Etat n’a protesté. Alors que tous les dirigeants français à droite comme à gauche ont été élevé au biberon d’une future Europe fédérale. Les Etats- Unis d’Europe, voilà le rêve qui a été vendu a toute une génération pour la dissuader de partir aux USA. Ce rêve s’est dissout dans les corporatismes et les résurgences de nationalisme.

Même le Front National aujourd'hui revient sur ses velléités de sortir de l’Europe et de l’Euro. Marine le Pen a compris que dans le fond les peuples avaient besoin de l’Europe et de l’euro. Du coup elle fait machine arrière ce qui sème le trouble dans sa famille, qui peut se scinder en deux.

5e jour, la gestion du chômage et de son financement a encore donné l’occasion à la classe politique de dire et de proposer n’importe quoi. L’analyse des comptes de l’Unedic, révèle un nouveau déficit abyssal (plus de 30 milliards d’euros). Normal, si le nombre des chômeurs augmente (6 millions), les recettes de cotisations baissent et le montant des prestations gonfle. Ce n’est plus de la politique c’est de la mécanique pure.

Du coup affolement général au sein du gouvernement, les plus à gauche proposent sans aucune conviction l’augmentation des cotisations assorties d’une amélioration de la gestion du système (sans aller jusqu’ à la suppression d’emplois à Pôle emploi). D’autres beaucoup plus audacieux commencent à parler d’une réduction des indemnités chômage et notamment une réduction de la durée, actuellement deux ans minimum.

Dans la foulée, la droite n’a pas tellement de mesures miracles à proposer. Elle ressort elle aussi, la possibilité de réduire la durée d’indemnisation ajoutant pour les plus provocateurs que la durée du chômage dissuaderait le chômeur de trouver un emploi. C’est possible. Mais, avec un petit effort supplémentaire, quelques-uns ont ajouté à droite et à gauche que "si on est chômeurs, c’est souvent parce qu’on y prend goût …" Bien sûr.

Alors , mieux vaut ne pas rentrer dans ce débat nauséabond qui marque une fois de plus, la pauvreté technique et idéologique des responsables politiques et l’absence de tout projet un peu ambitieux .

A droite comme à gauche, on devrait savoir que 80 % des chômeurs en France n’ont strictement aucune qualification. 20% des chômeurs ont au minimum le bac et retrouvent un travail au bout de 6 mois maximum. L’indemnisation chômage profite principalement à des hommes et des femmes qui de toute façon n’auraient aucune autre ressource. Alors on peut l’envisager ; mais ils sont dans une situation tellement douloureuse qu’après le chômage ils échouent au RSA. Le débat ne devrait pas porter sur l’indemnité, mais sur la formation qu’il faut nécessairement donner à ces chômeurs pour espérer un jour les sortir du trou.

Ce qui est étonnant dans ce débat c’est que ceux-là même qui crient pour supprimer l’indemnité chômage sont aussi ceux qui réclament une politique de relance de la consommation. Mais, comment relancer la consommation dans une économie de concurrence sinon en créant des emplois publics ou en subventionnant le chômage. Ce que nous faisons allègrement ! A fonds perdus !

Sur la fiscalité, la compétitivité, le CICE, la monnaie, sur la construction, l’écologie, on n’a pas de projets plus construits et plus cohérents. On n’a pas de réponse de droite ou de gauche à la crise, on n'a aucune réponse correcte. Alors on tâtonne. Au gré des sondages et des fausses expériences. Balloté par les lobbies et les intérêts électoraux.

La crise économique a mis à mal tous les logiciels, les hommes politiques dans les grandes démocraties ne se sont pas aperçus que les logiciels keynésiens qu'ils utilisaient depuis un demi-siècle étaient obsolètes. A droite comme à gauche, dès que le modèle était déréglé , on se rattrapait aux branches de l’arbre de Keynes dont le cocktail proposait un mélange de soutien public, d'investissement, de déficit, de crédit, et pour financer tout cela on avait le miracle de la croissance qui en était la résultante, et si la croissance n’était pas suffisante, on faisait marcher la planche à billets, on ouvrait le robinet a l’inflation qui effaçait les dettes. Bravo. Le seul inconveniant c’est qu’on tuait les vieux ; et les retraités. Mais comme l’esperance de vie n’était pas très longue, il ne souffraient pas très longtemps avant de mourir. C’était une époque formidable. Comme l’écrit Zemmour, c’était quand même mieux avant. Mieux mais vieux.

Aujourd'hui tout a changé. Les grandes et vieilles démocraties sont devenues matures avec des marchés de consommation saturés. Le monde s’est ouvert et tout circule presque librement, la concurrence est devenue la règle mondiale (sauf avec la Corée du nord), la révolution digitale a tout bouleversé, les modes de production et de distribution des richesses, l’information, le savoir disponible à tous et le pouvoir a été redistribué ;

Les hommes politiques n’ont pas suivi, et surtout pas anticipé le mouvement. Keynes est mort dans l’économie globalisée, donc ses méthodes et ses process ne fonctionnent plus.

Les hommes politiques continuent de penser que les démocraties peuvent fonctionner comme des marchés aux rêves et aux promesses. Au départ, ils sont sans doute sincères dans leurs promesses. Mais ils cherchent surtout a séduire des clients qui vont voter. Et quand ils sont élus, ils sont incapables de réaliser leurs promesses.

Aujourd’hui, les hommes politiques savent que l’opinion sait qu'ils ont jadis menti. Aujourd’hui, les responsables politiques qu' ils soient de gauche ou de droite, écologistes, gauchistes ou d’extrême droite savent qu' il seront obligés de dire la vérité. Ou plutôt qu’ils ne pourront plus raconter d’histoires. Ils pourront faire rêver, mais l’opinion exigera ce que Churchill ou De Gaulle savaient très bien donner, le respect des faits et des chiffres.

Cette semaine, l’opinion est sortie découragée. Faut dire que les responsables politiques ont été particulièrement décourageants. 

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