Alerte aux dettes insolvables : quand la Chine se prend les pieds dans le tapis de sa nouvelle route de la soie <!-- --> | Atlantico.fr
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Le coût du projet des nouvelles routes de la soie pourrait freiner l'économie chinoise.
Le coût du projet des nouvelles routes de la soie pourrait freiner l'économie chinoise.
©Mark Schiefelbein / POOL / AFP

Projet démesuré

La Chine a déjà dépensé un milliard de dollars dans le cadre de son projet des nouvelles routes de la soie. Selon certains économistes, "près de 60% des prêts de la Chine à l'étranger sont désormais détenus par des pays considérés comme étant en détresse financière".

Emmanuel Lincot

Emmanuel Lincot

Professeur à l'Institut Catholique de Paris, sinologue, Emmanuel Lincot est Chercheur-associé à l'Iris. Son dernier ouvrage « Le Très Grand Jeu : l’Asie centrale face à Pékin » est publié aux éditions du Cerf.

 

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Atlantico : La Chine a dépensé un milliard de dollars dans la "Belt and Road" initiative. "Près de 60% des prêts de la Chine à l'étranger sont désormais détenus par des pays considérés comme étant en détresse financière, contre 5% en 2010", selon les économistes Sebastian Horn, Carmen Reinhart et Christoph Trebesch.Pékin se retrouve-t-il pris à son propre piège ? Comment la Chine s’est-elle retrouvée dans cette situation ?

Emmanuel Lincot : C'est la fable hégelienne connue sous le nom de dialectique entre le maître et l'esclave. Le rapport s'inverse au profit du maître qui devient désormais esclave de son propre esclave. Shadow banking et autre argent sale ont servi à des projets d'infrastructures évalués à plusieurs milliers de dollars. Certainpays vulnérables comme le Pakistan et le Sri Lanka sont au bord de la faillite et ne pouvant rembourser leurs dettes peuvent, en retour, entraîner la Chine dans une crise grave. La stratégie de Xi Jinping que de créer de l'interdépendance entre laChine et les pays concernés a été décriée dès le lancement des Nouvelles Routes de la soie en 2013. C'est sans doute en cette veillée du XX° Congrès du PCCun sujet de polémiques entre les membres du Politburo. Nombre de pays du Sud sont amenés à reconsidérer ainsi leurs relations avec la Chine et réévaluer par là-même leurs relations avec les Etats-Unis. Un exemple: la réunion à Washington autour de l'Indo-pacifique des pays de l'Océanie en ce moment même avec la participation y compris les Salomons qui avaient opté pour un rapprochement avec Pékin. Côté occidental, on sera conforté dans un choix de découplage de l'économie.

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La Chine est-elle en train d’essayer de corriger sa trajectoire ? Le peut-elle ? Jusqu’à quel point ?

Emmanuel Lincot : Son dirigeant navigue à vue. A sa décharge, aucun dirigeant dans le monde ne peut faire autrement. La guerre en Ukraine, l'échéance du XX° Congrès, les indicateurs économiques qui tous en Chine sont au rouge induit une très grande prudence et pousse Xi Jinping à revoir sa copie. Le FOCAC de Dakar, ces derniers mois, a été en cela très significatif: les investissements chinois en Afrique ont été revus à la baisse. Et puis, le projet des Nouvelles Routes de la soie est désormais concurrencé par des contre-projets plus ou moins ambitieux, plus ou moins de nature économique réelle: le Global Gateway des Européeens, l'Indo-pacifique américain et l'International North & South Transport Corridor dont on parle bien peu mais qui relie le nord de laRussie à l'Inde via l'Iran. Il est révélateur des choix diplomatiques de New Dehli et de Moscou qui ne sont pas nécessairement compatibles avec ceux assignés par Pékin.

Alors que leCongrès du parti a lieu dans quinze jours, à quel point Xi Jinping est-il associé à ce projet ? Dans quelle mesure cela pourrait-il lui porter préjudice ?

Emmanuel Lincot : Toute la diplomatiechinoise, et dans tous ses aspects (également culturels et politiques) ont été façonnés par les Nouvelles Routes de la soie. Or, c'est un projet qui correspondait à une configuration du monde qui n'est déjà plus: un monde ouvert précisément. Le monde dans lequel nous vivons à présent est aux antipodes de celui-ci: il est fragmenté et de plus en plus fermé. Donc il y a un risque de toute évidence pour Xi Jinping qui, même s'il est réélu le 16 octobre, en sortira fragilisé d'autant qu'il incarne ce projet. En même temps, la propagande chinoise nous a habitué à de grands écarts. Par conséquent, je ne serais pas surpris que l'on assiste à une redéfinition de paradigme.

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