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Alain Juppé candidat en 2017 même en ayant perdu la primaire ? Pourquoi la menace du "retenez-moi ou je fais un malheur" a du plomb dans l’aile
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Bluff

Depuis le mois de mai dernier, Alain Juppé menace Nicolas Sarkozy d’une candidature dissidente si celui-ci n’organise pas correctement les primaires. Le maire de Bordeaux a-t-il vraiment les moyens de mettre sa menace à exécution ?

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Lorsqu’Alain Juppé a brandit la menace pour la première fois, ses proches ont respiré enfin : voilà l’affirmation qu’ils attendaient tant. La preuve irréfutable d’une volonté farouche d’être le candidat de la droite à l’élection présidentielle. C’était en mai dernier, sur Itélé. Alain Juppé clamait pour la première fois : « Si ça se passe bien, si les primaires sont transparentes, s'il y a suffisamment de votants, si c'est bien des primaires de la droite et du centre, je jouerai totalement le jeu mais si le match, c'est les primaires des Républicains entre Le Maire et Sarkozy, ça ne marchera pas ». Depuis, à force d’être répétée en off, en on, précisée à nouveau par l’intéressé un mois plus tard : « Si la primaire était bidouillée, que l'on ne fasse voter que 500.000 à 1 million d'électeurs, alors je considérerai qu'elle n'a pas de signification. Mais je me présenterai de toute façon à l'élection présidentielle », l’idée a fait son bonhomme de chemin.

Désormais, que le processus de mise en place des primaires prenne du retard, que Nicolas Sarkozy tente de verrouiller le scrutin afin que seuls participent ses propres sympathisants et le chœur de la juppéie vibre à nouveau de cette prophétie : Juppé se présentera hors de son propre parti, en dissident. Il en a la volonté, l’énergie et les moyens, laissent entendre ses proches. « Il a vocation à être candidat à l’élection présidentielle et rien d‘autre », précise un autre, sans en dire plus mais en laissant le ton énigmatique de sa voix compléter sa pensée. Question volonté, Alain Juppé s’est, en effet, laissé prendre au jeu des sondages florissants, des déplacements en province où partout des sympathisants de plus en plus nombreux l’accueillent les bras ouverts comme un sauveur. Il s’est laissé prendre au jeu d’une popularité retrouvée grâce à laquelle il soigne enfin ses plaies et ses bosses. Cette fois, il ne laissera pas passer sa chance. Etre élu enfin, choisi par ceux qui l’ont conspué il y a tout juste 20 ans, le rêve est à portée de main, il ne laissera pas Nicolas Sarkozy le lui arracher. Et ceux qui en doutait il y a encore un an sont aujourd’hui convaincus. Alors oui, si Nicolas Sarkozy tentait de le mettre hors-jeu de façon déloyale, il irait sans doute, entend-on. Il s’en est donné les moyens.

Depuis des mois, le fidèle Vincent le Roux s’ingénie à lever des troupes pour nourrir les réseaux d’Alain Juppé sur le terrain. Réseaux d’influence mais aussi simple militants qui iront coller des affiches, faire la claque dans les meetings, le jour venu. Tous nourrissant actuellement le programme du candidat. Marie Guevenoux, qui soutient le maire de Bordeaux depuis 2002, est pour sa part chargée de lever des fonds. Et, dit-on, ils affluent. Aucun chiffre officiel n’existe mais les supputations vont bon train. "La structure que nous sommes en train de constituer sera capable de soutenir une candidature présidentielle car le but d’Alain Juppé est bien de gagner l’élection présidentielle ", chuchote l’entourage. Et un autre : "oui, c’est un parti à petite échelle à ceci près que nous n’avons vocation à présenter qu’un seul candidat, Alain Juppé".

De quoi en effrayer certains chez Les Républicains qui s’imaginent déjà spectateurs impuissants d’un mauvais remake de 1995. « Sarko et Juppé vont se présenter tous les deux. Quel que soit le résultat des primaires, je n’envoie aucun des deux s’incliner devant l’autre, ils ont trop travaillé, ont structuré trop de réseaux pour laisser tomber », s’inquiétait récemment une députée. La droite serait donc à la veille d’un grand séisme, les ex balladuriens tenant, pour l’instant, le parti alors que les anciens chiraquiens s’appuient sur leurs partenaires centristes ? Un 95 en négatif en somme ?

Par vraiment. Car le scénario a tout du mauvais rêve et la menace brandie par Alain Juppé depuis le mois de mai dernier semble bien peu crédible même si une partie des militants et des cadres Républicains la redoute. « Ca fait fantasmer le monde politique et médiatique, il y a une attente forte de la presse pour que les primaires se passent mal, s’agace Benoist Apparu, porte-parole du candidat Juppé. Mais nous, nous pensons que ça va bien se passer. Avec quelques sautes d’humeur, certes, mais les primaires se passeront bien ».

Sa conviction repose sur un équilibre de la terreur qu’un spin docteur définit en faisant un parallèle avec l’arme atomique : « on ne peut pas se permettre de l’utiliser mais elle fait peur quand même ». Benoist Apparu ne dit rien d’autre lorsqu’il explique : « Personne ne prendra  le risque d’appuyer sur le bouton. Un Balladur-Chirac version 2017 c’est la garantie, pour la droite, de ne pas être présente au second tour or personne ne veut d’un duel Hollande Le Pen ». Et un autre proche d’Alain Juppé de préciser : « 1995 a été possible car il n’y avait aucun risque de voir arriver le FN au second tour, en 2017 ça n’est pas un risque mais une certitude, il n’y aura qu’une seule place à se partager entre le PS et nous. Si nous nous divisons, cette place ira au PS ».

Mais malgré l’impossibilité d’utiliser l’arme atomique, l’équipe d’Alain Juppé continue à enrichir son uranium au cas où : à étoffer ses réseaux et surtout à chercher de l’argent tous azimut tout en s’interdisant les dons venus de l’étranger. Une leçon tirée de 1995 ?

« Il y aura des hauts et des bas, des concessions de part et d’autre, prédit donc Benoist Apparu qui ajoute immédiatement : de toute manières on ne va pas manier tous les jours la menace du si si si, mais si ça se passe mal on ira et on s’en donnera les moyens ». Les conversations entre Eisenhower et Khrouchtchev devaient être tout aussi ambiguës. Je n’appuierai pas sur le bouton, si je voulais je pourrais mais ce serait suicidaire donc je ne peux pas…

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