Air France/Airbus : attention au lobbying à découvert !<!-- --> | Atlantico.fr
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Il faut parfois savoir ne pas communiquer...
Il faut parfois savoir ne pas communiquer...
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Trou d'air

La pétition d'une centaine de députés demandant à Air France de privilégier Airbus face à Boeing dans ses commandes d'avions met à jour les pressions politiques qui peuvent s'exercer sur les gros contrats commerciaux. Si ce type de lobbying a toujours existé, l'exercer publiquement pourrait ne pas être très judicieux...

Alain Renaudin

Alain Renaudin

Alain Renaudin dirige le cabinet "NewCorp Conseil" qu'il a créé, sur la base d'une double expérience en tant que dirigeant d’institut de sondage, l’Ifop, et d’agence de communication au sein de DDB Groupe.

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Pierre Lellouche, secrétaire d'État au Commerce extérieur convoque Pierre-Henri Gourgeon, le directeur général d'Air France-KLM, pour l’inviter à privilégier Airbus dans la perspective d’une méga-commande imminente. Parallèlement, le député UMP du Tarn, Bernard Carayon, lance une pétition pour inciter Air France à privilégier l'Airbus A350. Tels sont les faits, livrés bruts de décoffrage.

Le gouvernement et les responsables politiques sont bien-sûr dans leur rôle, qui est notre rôle à tous d’ailleurs, de défense de l’emploi en France et de promotion de nos savoir-faire et de nos produits et services, et certes soyons tout sauf naïfs dans la guerre économique mondiale, mais quid de la forme qui permet à « l’adversaire » de justifier ses propres actions de lobbying… que nous décrions si souvent ? Oui au principe de réciprocité, en matière de lobbying aussi sans doute, mais pas à découvert.

Quatre scénarios possibles... mais aucune d'issue satisfaisante

  • En terme de commande in fine :

1. Air France-KLM rend effectivement un arbitrage plutôt favorable à Airbus dans sa commande, le gouvernement se félicitera d’avoir influencé, préservé l’emploi et amélioré la balance du commerce extérieur… et les Américains auront, sans n’avoir rien demandé, du pain béni pour expliquer qu’Airbus sera défavorisé dans les prochaines méga-commandes américaines, qui pourraient se révéler supérieures en montants et en enjeux stratégiques à celles d’Air France-KLM.

2. Air France-KLM commande quand même majoritairement des Boeing. Le gouvernement perd en crédibilité, l’action de lobbying était trop tardive, et restera visible et exploitable par les Américains dans les mois à venir. En outre, la compagnie sera obligée de justifier haut et fort son choix pour Boeing en expliquant devant l’opinion publique la moindre qualité ou pertinence d’Airbus, sans pour autant dévaloriser une partie de sa flotte actuelle. Ce sera compliqué et bon ni pour Airbus ni pour notre orgueil.

  • En terme de processus de choix :

1. Air France-KLM avait déjà choisi de privilégier Airbus, pour des raisons techniques, financières, etc., mais aussi peut-être pour privilégier, à qualités comparables, l’emploi en Europe car le politique n’a pas le monopole de ces préoccupations, loin de là. Et dans ce cas, c’est Air France-KLM qui est décrédibilisé et pourrait être heurtée dans son indépendance, selon le bon vieux principe suivant « on déteste être obligé à faire ce qu’on avait déjà l’intention de faire » !

2. Air France-KLM n’avait pas choisi Airbus et se voit forcé de suivre des recommandations, donc non pertinentes professionnellement parlant, du politique. In fine, le choix n’est pas le meilleur, et il n’est pas impossible que ça se sache d’une manière ou d’une autre à terme.

Sans oublier un effet collatéral insidieux sur l’image d’Air France qui aurait donc toutes ces dernières années effectué des choix « non patriotiques » en achetant Boeing...

Il faut parfois savoir ne pas communiquer...

Le décryptage possible : Air France-KLM a déjà quasiment fait son choix, qui se porte déjà sur l’Airbus A350, qui est d’ailleurs sans doute dans sa catégorie un des meilleurs si ce n’est pas le meilleur avion du monde après sa reconfiguration ces dernières années en version XWB (extra wide body). « Habilement », un certain nombre de responsables politiques, par la démarche en cours, expliqueront que ce choix est issu de leur capacité d’influence. Mais au final, à quoi bon ? Le choix n’aura pas été affecté, et l’action de lobbying découverte.

Nous sommes toujours dans le syndrome de l’hyperactivité et de la visibilité à tout prix, partant du principe que ce qui n’est pas vu ou pas communiqué n’est pas fait. Mais en matière de lobbying, comme en diplomatie ou en stratégie militaire, tout n’est pas bon à communiquer ! La stratégie consiste alors à avoir la force de se taire quand tant de sirènes vous poussent à parler.

Oui, cent fois oui, il faut mettre en place des actions d’influence. « Nous souhaitons le meilleur choix pour les passagers, pour la compagnie, et pour l’emploi et la technologie européenne ». « Nous souhaitons qu’Airbus, par sa qualité et son excellence déjà largement démontrées, soit le meilleur choix pour Air France-KLM », et on en parle, autour d’un café, entre nous.

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