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Affaire Mila : les failles et le silence (coupable) de l’Etat
©DR / Capture d'écran / Instagram

Bonnes feuilles

Le 20 janvier, la jeune Mila critique l’islam dans un échange privé relayé sur les réseaux sociaux, et devient aussitôt la cible de menaces de mort. Des Français de tous horizons prennent aujourd’hui la plume pour défendre la liberté de penser, de croire et de s’exprimer dans une France libre, égalitaire, fraternelle et laïque. Extrait 2/2.

Régis de Castelnau

Régis de Castelnau

Avocat depuis 1972, Régis de Castelnau a fondé son cabinet, en se spécialisant en droit social et économie sociale.

Membre fondateur du Syndicat des Avocats de France, il a développé une importante activité au plan international. Président de l’ONG « France Amérique latine », Il a également occupé le poste de Secrétaire Général Adjoint de l’Association Internationale des Juristes Démocrates, organisation ayant statut consultatif auprès de l’ONU.

Régis de Castelnau est président de l’Institut Droit et Gestion Locale organisme de réflexion, de recherche et de formation dédié aux rapports entre l’Action Publique et le Droit.

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Il y a plusieurs angles pour appréhender l’affaire Mila, politique, religieux, philosophique, humain. Chaque approche va permettre de décrire une facette du réel dévoilé par ce qui aurait pu n’être qu’un fait divers à base de disputes entre adolescents, mais qui est devenu un fait de société considérable dans une opinion publique à cran. Étonnant révélateur, l’affaire Mila raconte énormément de choses sur le moment que nous vivons, sur ce qui travaille le corps social français, sur l’importance des problèmes et des défis auxquels il est confronté, et sur la crise du pouvoir républicain. Tout de lâcheté et de veulerie, incapable de prendre en compte les problèmes immenses qu’il a laissés se créer, incapable d’utiliser ses pouvoirs pour les traiter, celui-ci donne l’impression d’avoir capitulé. En essayant de façon compulsive de masquer le fait que sa gestion du problème social de l’immigration est celle dénoncée en son temps par André Tardieu « de la politique du chien crevé qui suit le fil de l’eau ». 

Traiter l’affaire Mila sous l’angle juridique permet d’identifier les règles qui auraient dû s’appliquer, de pointer les responsabilités respectives et de constater les lâches arrangements et les capitulations de ceux dont c’était justement le devoir de faire respecter l’ordre républicain. 

Avant de revenir au scénario, on rappellera que le « vivre-ensemble » dont les belles âmes nous rebattent les oreilles, c’est simplement le fonctionnement régulier d’une démocratie où l’ensemble de la population respecte la loi commune souverainement adoptée par le peuple. Et où les autorités légalement investies à cet effet la font respecter. 

Tout commence sur les réseaux par une « drague lourde », agressive et insistante de la jeune adolescente par un internaute. Première infraction pénale par la violation de l’article 222-33 qui réprime le harcèlement sexuel et sexiste. 

Mila répond et éconduit le harceleur. Celui-ci réagit brutalement puis, rejoint par quelques complices, déverse des torrents d’insultes : « sale gouine, sale pute, sale Française ». Injures publiques, racisme et discrimination sexiste et homophobe, autant d’infractions pénales réprimées par le code du même nom. Toutes ces injures étant prononcées « au nom d’Allah », Mila répond avec les termes que l’on connaît. Deux observations juridiques, d’abord la jeune fille pour riposter a utilisé une liberté publique fondamentale, celle d’insulter une religion et ce quels qu’en soient les termes. Mais ensuite, quand bien même Mila aurait insulté personnellement ses agresseurs, elle aurait bénéficié de l’excuse pénale de provocation. Aucune poursuite n’était envisageable contre elle. 

À la suite des propos de la jeune fille sur la religion musulmane se déclenche un effarant lynchage sur les réseaux reprenant les pires insultes, les menaces de mort, la divulgation d’informations personnelles sur Mila et sa famille, le tout à un rythme de 200 messages par heure (!). Un tsunami d’infractions pénales. Menaces de mort, injures publiques, atteintes à la vie privée, discrimination raciale, discriminations sexistes, homophobie, etc.

Devant la violence insupportable de ces agressions et la gravité de ces violations de la loi, quelle a été la réaction de l’État français ? 

Tout d’abord, la Garde des Sceaux en personne a rétabli à la radio le délit de blasphème par des propos ahurissants. Aucune de ses misérables explications postérieures ne permettra d’effacer ce déshonneur. Probablement sur son ordre, le procureur de Vienne, contre toute évidence juridique, a ouvert contre la jeune victime une enquête préliminaire ! Histoire d’apaiser les lyncheurs ? 

Il a fallu ensuite insister auprès du ministère de l’Intérieur pour que Mila et sa famille puissent bénéficier d’une protection policière. Il y a pire, alors qu’il n’aurait fallu que quelques secondes pour identifier les harceleurs par leurs adresses IP, plus de quinze jours après cette délinquance de masse, pas une garde à vue, pas une interpellation, pas une procédure, générant ainsi un sentiment total d’impunité pour les délinquants. Alors que des interventions immédiates et sévères auraient permis de montrer immédiatement de quel côté se trouvait la légalité, et que l’État entendait la faire respecter. Au lieu de ça, le silence, probablement motivé par le clientélisme dans la perspective des prochaines municipales. 

Et pour ajouter à la complaisance judiciaire, l’incapacité totale à faire respecter la loi et l’ordre dans l’Éducation nationale. En effet, au lycée d’où Mila a été chassée, proviseur et enseignants sont restés muets et ont laissé les condisciples de Mila justifier auprès des journalistes les ignominies dont elle a été la cible. Mais enfin cet établissement n’est pas une zone de non-droit ! Où le lynchage est autorisé et d’où ceux qui usent de leur liberté constitutionnelle peuvent être expulsés ! Cette démission est une démonstration de la déliquescence de notre État car Mila aurait dû rester dans son lycée, et ce sont au contraire ceux qui l’ont agressée ou qui voulaient le faire qui auraient dû en être chassés, sanctionnés et poursuivis pénalement. C’est cela, l’autorité de l’État et le respect de la loi. 

Comparaison n’est pas raison, certes, mais on rappellera qu’en 1958, à Little Rock aux États-Unis, pour obliger les autorités de l’Arkansas à incorporer neuf élèves noirs dans un lycée qui, en violation de la loi américaine, pratiquait la ségrégation, le président Eisenhower n’hésita pas à dépêcher pour ce faire une division de la Garde nationale. Et les neuf de Little Rock purent ainsi rentrer dans leur école. 

En France, ce qui reste de l’État biaise, finasse et recule devant la violence. Assurant l’impunité et le pouvoir de celle-ci, et abandonnant Mila et sa famille à une vie de clandestins et de parias. 

50 personnalités s'expriment sur la laïcité et la liberté d'expression dans le livre "#JeSuisMila #JeSuisCharlie #NousSommesLaRépublique", publié aux éditions Seramis

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