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Adele : comment celle qui a terrassé les Beatles n’en finit plus de conquérir le monde
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Someone like her

Adele, artiste incontournable de cette année 2011. Cette chanteuse soul et pop bat tous les records de ventes et de récompenses. Comment expliquer le fait qu'une fille aussi banale s'impose comme le phénomène pop du siècle ?

Emilie Coutant

Emilie Coutant

Emilie Coutant est sociologue, consultante en mode, médias, tendances, risques et addictions.
Docteur de l’Université Paris V, elle a soutenu une thèse intitulée “Le mâle du siècle : mutation et renaissance des masculinités. Archétypes, stéréotypes, et néotypes masculins dans les iconographies médiatiques” (2011). Fondatrice et dirigeante de la société d’études qualitatives et prospectives Tendance Sociale, elle réalise études et enquêtes sociologiques pour le compte d’entreprises ou d’institutions. Enseignante dans diverses universités et écoles de mode, elle est également Présidente du Groupe d’Etude sur la Mode (GEMode), rédactrice éditoriale des Cahiers Européens de l’Imaginaire et secrétaire du Longeville Surf Club.
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Depuis 2008, année de sortie du premier opus d’Adele intitulé "19", le monde est en émoi devant la "soul de cœur brisé" de la jeune chanteuse. Les récompenses et les prix se mettent à pleuvoir : "Prix de la critique" aux Brit Awards 2008, "Découverte de l’année 2008" pour BBC, "Meilleure performance jazz" aux Q Awards 2008, "Meilleure nouvelle artiste" et "Meilleure performance Pop" aux 51ème Grammy Awards en 2009...etc.

Adele est devenue en 2011 la première artiste vivante à avoir deux titres au Top 5 de l’Official Singles Chart depuis les Beatles en 1964, la première à vendre plus de trois millions d’albums en Grande Bretagne en une année civile, ainsi que la première à avoir écoulé son album à plus d’un million d’exemplaires sur l’Itunes Music Store d’Apple en Europe.  Son album "21" sorti cette année s’est déjà vendu à plus 13 millions d’exemplaires à ce jour et s’est même payé le luxe de battre à plate couture celui de Madonna en terme de longévité en tête des charts (15 semaines contre 9), tandis que son album "19" occupait de surcroît la seconde place. Enfin, avec plus de 2,6 millions de followers sur Twitter, 9,3 millions de fans sur Facebook et une croissance de plus 1000 par heure sur ce réseau social, l’engouement suscité par la chanteuse est on ne peut plus colossal. Un plébiscite planétaire qui nous amène à nous interroger sur les ressorts de ce succès et ce qu’il révèle des attentes des générations à venir en termes d’artistes féminines.

Avec son timbre grave, rond et puissant, Adele apparaît comme la nouvelle diva du XXIème siècle, s’imposant davantage par la qualité exceptionnelle de sa voix que par une plastique avantageuse. Mêlant des influences jazz, blues et soul à ces cordes vocales hors du commun (qu’elle a récemment dû faire opérer), l’interprète de "Rolling in the deep" est, depuis ses débuts, régulièrement comparée à sa consœur Amy Winehouse, apparaissant désormais comme sa digne successeuse. Les textes d’Adele racontent souvent ses peines de cœurs, des histoires d’amour qui finissent mal et qui ont marqué son âme au fer chaud. Avec beaucoup de rigueur et d’émotion, elle partage ses blessures en composant dès lors des chansons qui parlent à toutes les jeunes filles. Adele se révèle comme la complice, la grande sœur qui comprend les émois de ces adolescentes.  Elle apparaît aux yeux du public comme une personne sympathique et généreuse, menant une existence commune et peu préoccupée par le sacre du succès. Par le passé, elle a déjà d’ailleurs annulé une tournée américaine pour rester auprès de son petit ami avec lequel elle passait de nombreuses soirées à s’enivrer d’alcool. Bien qu’elle ait par la suite regretter ce choix, il n’en fallait pas moins pour qu’elle incarne cette figure de chanteuse simple, cette image d’une fille comme les autres, occupée par ses histoires d’amour, et profitant des plaisirs de la fête et de la vie. En somme, une girl next door à laquelle toutes les jeunes femmes peuvent s’identifier.

Par ailleurs, Adele est une femme affichant des rondeurs qu’elle assume parfaitement. Faisant souvent remarquer qu’elle fait "de la musique pour les oreilles et non pour les yeux", la chanteuse se distingue considérablement de ses alter ego, Rihanna ou Lady Gaga pour ne citer qu’elles, en s’imposant comme une figure de l’anti-hypersexualisation des artistes-stars féminines. Véritable postulat politique et radical, Adèle apparaît comme le fer de lance de cette nouvelle tendance musicale. Lassé par la mise en abyme des caractéristiques sexuelles des chanteuses à succès, Richard Russel, fondateur du label XL Recordings ayant fait signé Adèle, considère que sa jeune recrue a un rôle indéniable dans ce bouleversement des valeurs. Selon lui, qu’une femme artiste puisse réussir sans céder aux pressions de se conformer à un type de physique, ou à une instrumentalisation de sa sexualité, "est tout simplement incroyable." C’est en tout cas suffisamment rare pour être souligné. Reste à savoir s’il s’agit d’une tendance durable... A l’écoute des perles d’Adele, on l’espère vivement, car pour chanter "un corps" ne suffit pas, ce qu’il faut c’est avant tout "du corps", autrement dit un "ventre" duquel s’exprime toute la puissance, un timbre qui fait résonner à la fois l’énergie et l’affect, tout ce qu’Adele nous offre en somme. 

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