Abdelhakim Dekhar serait un militant d'extrême gauche… Mais où sont passés les bien-pensants qui criaient au péril fasciste ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un manifestant criant dans un mégaphone (vue de face).
Un manifestant criant dans un mégaphone (vue de face).
©Reuters

Au loup !

Abdelhakim Dekhar, le tireur fou de Libération, ne se trouve pas être celui que nombre de bien-pensants voyaient déjà comme l'incarnation d'un péril fasciste qui aurait pesé sur la France. Impliqué autrefois dans l'affaire Rey-Maupin, il serait un militant d'extrême gauche.

André Bercoff

André Bercoff est journaliste et écrivain. Il est notamment connu pour ses ouvrages publiés sous les pseudonymes Philippe de Commines et Caton.

Il est l'auteur de La chasse au Sarko (Rocher, 2011), Qui choisir (First editions, 2012), de Moi, Président (First editions, 2013) et dernièrement Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi : Chronique d'une implosion (First editions, 2014).

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Il n’est pas inutile de revenir sur l’étourdissant concert qui accueillit la nouvelle des attentats contre Libération,  BFM TV et la Société Générale. Agressions lamentables que l’on sut très vite l’œuvre d’un seul homme qui blessa gravement un jeune assistant photographe du quotidien, et faillit faire d’autres victimes à l’accueil de la chaîne de télévision et devant la banque.

Il est devenu hélas coutumier qu’à chaque fois que survient un fait divers plus ou moins sordide qui touche à la politique, le "reductio ad hitlerum" fonctionne à plein rendement. Réaction aussi pavlovienne qu’intéressante qui rassemble des bonnes âmes qui savent, à chaque fois, d’instinct, qu’il s’agit d’un complot d’extrême droite contre lequel il importe de crier si l’on veut passer pour des vrais résistants. Marx disait à peu près que l’Histoire commence en drame pour se répéter en caricature. L’on se remémore la jeune fille qui s’était déclarée victime d’un attentat antisémite dans un RER, une femme voilée qui se serait faite violer par des islamophobes, voire beaucoup plus dramatiquement encore, Mohamed Merah qui, avant que l’on connaisse son identité et l’étendue de ses forfaits, passa 24 heures pour un serial killer néo-nazi.         

Et voici que, une fois de plus, certains intellectuels et politiques tirent plus vite que leur ombre, pressés de démontrer à l’infini que la France est, soit raciste, soit peuplée de comploteurs prêts à tout pour renverser la République et le régime, ou, pire encore, les deux à la fois. Nominalisme, quand tu nous tiens : un individu s’en prenant à des organes d’information, ne pouvait être évidemment que fasciste. Dès lors, de sénateurs et sénatrices emportés par un élan aussi martial qu’héroïque, de journalistes prêts à prendre le maquis jusqu’à quelques intellectuels s’en prenant à Internet, aux Twitters et au Facebookers, ces pelés, ces galeux, d’où nous vient tout le mal, puisqu’ils donnent la parole à des anonymes bavassant dans une totale impunité, sans la surveillance d’experts assermentés, ce fut une petite mobilisation générale. Quelques heures plus tard, le château de sable s’écroulait tranquillement. Apparemment, Abdelhakim Dekhar donnerait plutôt dans le brouillard militant où les médias serviraient objectivement le fascisme. La clarté continuait de triompher...

Il serait peut-être temps d’arrêter ce délire unijambiste. Il y a, à l’extrême gauche comme à l’extrême droite, chez les intégristes comme chez tout fanatique, des gens prêts à passer à l’acte pour des motifs soi-disant politiques, religieux ou idéologiques, mais qui ne sont que l’alibi de leurs pulsions de mort. Il serait, dès lors, d’autant plus urgent que les hommes et les femmes qui font profession de penser, prennent le temps, non seulement de réfléchir un peu – ce qui est, après tout, la justification de leur existence – mais de ne pas, à chaque fois, en profiter pour soigner leur fonds de commerce et essayer si c’est possible, de se rappeler que l’équité la plus élémentaire consiste à ne pas faire automatiquement corps avec son camp, mais à regarder tout l’horizon, car nul, de n’importe quel bord, n’échappe à la tentation de l’abîme.

A lire de l'auteur de cet article : "Je suis venu te dire que je m’en vais",  André Bercoff et Deborah Kulbach, (Michalon Editions), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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