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2 milliards d’euros en 2016 : la fraude aux allocations sociales en nette augmentation
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Pas bien

Les caisses d'allocations familiales ont détecté 42.959 fraudes en 2016, pour un montant de 275,4 millions d'euros. Mais les fraudes atteindraient 2 milliards d'euros.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico : Selon la Cour des Comptes, les fraudes aux prestations versées par la branche famille de la sécurité sociale avoisineraient les 2 milliards d'euros en 2016. Un chiffre en dégradation par rapport à 2015. Comment expliquez-vous cette situation? 

Eric Verhaeghe : La branche familles est confrontée à une hausse constante de son activité et à une sophistication grandissante des techniques de fraude. C'est par exemple le cas avec les techniques de versements à des personnes tierces, dont l'identité est insuffisamment vérifiée. Pour récupérer ces indus ou éviter leur versement, les CAF devraient investir beaucoup plus massivement qu'aujourd'hui dans les procédures de contrôle. C'est d'ailleurs ce que la Cour des Comptes propose, suggère, invite à faire, et que le régime familles refuse de faire. En revanche, on mesure mal que la réglementation est complexe et que les effectifs des caisses sont limités. Dans beaucoup de caisses, les personnels sont au bord de l'implosion tant la charge de travail est importante. Face à tous ces facteurs, on doit donc accepter que la fraude soit une donnée constitutive du fonctionnement de la branche. Sauf à simplifier fortement la réglementation. On doit en effet arbitrer. Soit on veut des prestations non universelles, liées à des situations complexes, avec des critères multiples, supposés être juste et on fait le jeu de la fraude. Soit on veut des prestations universelles, simples à mettre en oeuvre, et cette stratégie réduira la rentabilité de la fraude. 

Pourtant, Daniel Lenoir, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales affirme que la CNAF est "de plus en plus efficace dans la lutte contre la fraude" ... 

Sa réponse est un peu malicieuse. Dans la pratique, la CNAF parvient à récupérer plus de sommes indument payées qu'auparavant. Facialement, elle peut donc revendiquer une amélioration de ses résultats en matière de fraude. Le problème est que le volume global de fraudes augmente plus vite que le volume global de sommes récupérées. De ce point de vue, l'argument de Daniel Lenoir est un peu facile, puisque la récupération des sommes indues est, d'une certaine façon plus facile dans un contexte o la fraude augmente. Ce que la Cour des Comptes pointe utilement, en revanche, c'est l'absence de stratégie globale et déterminée en matière de lutte contre la fraude dans la branche familles. La Cour considère que la CNAF devrait renforcer ses processus internes de contrôle et qu'elle se soustrait obstinément à cet objectif. 

Face aux accusations de laxisme, Daniel Lenoir explique que "le but n'est pas de détecter 100% de la fraude, car cela est très coûteux, mais d'en détecter suffisamment pour que cela soit dissuasif". Comprenez-vous cette logique?  

L'argument n'est pas sans fondement. Lorsqu'on est doté d'une réglementation complexe, le coût de la lutte augmente mécaniquement, en même temps que le risque de fraude. Ainsi, si vous décidez de ne verser une prestation que sous condition de ressource et à condition que le bénéficiaire vive seul, vous ouvrez deux voies pour la fraude. D'abord, vous créez la tentation de tricher sur le montant de vos ressources. Ensuite, vous créez la tentation de tricher sur la situation familiale réelle. Des gens qui gagnent plus que le plafond et qui ne vivent pas seuls vont être tentés de cacher une partie de leur ressource et leur situation de concubinage, par exemple, pour pouvoir bénéficier illégalement de la prestation. Si vous supprimez toute condition d'obtention et si vous créez une prestation universelle, vous supprimez la fraude. C'est le principe du revenu universel qu'il serait de bon sens de verser aux Français. Cette formule permettrait à tous les Français de se sentir bénéficiaires de la sécurité sociale, alors qu'aujourd'hui certains ont le sentiment de contribuer pendant que d'autres profitent. Elle supprimerait par ailleurs toute fraude et éviterait donc ces débats inutiles. C'est la seule façon simple et peu coûteuse de régler le problème. 

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