100 milliards de coûts annuels pour la pollution à Paris : ce qu’ont fait les métropoles qui ont réussi à agir<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
La pollution coûte près de 101 milliards d'euros par an à la France.
La pollution coûte près de 101 milliards d'euros par an à la France.
©Reuters

Politique de l'eau de roche

La pollution coûte près de 101 milliards d'euros par an à la France selon un rapport sénatorial. Les grandes métropoles européennes sont confrontées à ce même problème et optent pour des réponses différentes.

Nicolas Treich

Nicolas Treich

Nicolas Treich est directeur de recherche à l'INRA, chercheur à la Toulouse School of Economics, chargé du pôle environnement.

Voir la bio »

Atlantico : Selon une commission d'enquête du Sénat, la pollution de l'air coûte chaque année 101,3 milliards d'euros à la France. Que pensez-vous de cette valeur ?

Nicolas Treich : Le récent rapport de la commission d’enquête sénatoriale fait suite à une série de rapports, notamment celui du CGDD du Ministère de l’Ecologie en 2013 qui chiffrait déjà à plusieurs dizaines de milliards le coût de la pollution de l’air. Il faut rappeler que la France ne respecte pas les normes de pollution de l’air, et que celle-ci génère des milliers de décès par an. On peut donc largement se féliciter de voir un tel rapport produit par le Sénat, et on peut espérer que ce rapport devrait encore plus inciter les pouvoirs publics à prendre des mesures efficaces. On peut aussi se féliciter de la tentative de monétarisation du coût de la pollution, qui permet de donner un ordre de grandeur au dommage sanitaire, économique et écologique. Le chiffre de plus de 100 milliards a valeur de symbole, mais il ne veut rien dire en soi puisqu’il est difficilement imaginable de stopper toute activité conduisant à polluer l’air. 

Plusieurs villes européennes ont opté pour différents systèmes de lutte contre la pollution. Londres et Stockholm ont mis en place un péage urbain, Berlin a préféré un système d'éco-pastille alors qu'Amsterdam a pris des mesures incitant à abandonner la voiture. Pourriez-vous décrire ces solutions ? Laquelle est la plus efficace ?

Vous parlez ici uniquement de la pollution de l’air liée aux transports. Il faut d’abord rappeler que la pollution c’est aussi l’industrie et l’agriculture. Sur les transports, il existe en effet une palette de mesures pour limiter la pollution. Ces mesures ont aussi l’avantage de limiter la congestion des routes en général, et donc permettent un gain de temps pour une partie de la population. Chaque mesure présente donc une série d’avantages et d’inconvénients, qui dépendent du contexte, et affectent de manière différente la population. Mais gardons en tête un principe simple : il faut laisser aux citoyens le libre choix de prendre ou pas la voiture, en fonction des besoins de chacun, quitte à s’acquitter d’une taxe. C’est l’esprit des mesures de péages urbains que vous citez. De ce point de vue, la mesure proposée à Paris de circulation alternée est une mesure arbitraire, centralisée, qui ne donne pas cette opportunité à chacun de décider.

Les enjeux liés à la pollution et à son coût sont-ils désormais bien compris par les pouvoirs publics ? Quelles solutions sont à préconiser pour les agglomérations françaises et notamment Paris ? Des exemples venus de l’étranger sont-ils transposables en France ?

Un des problèmes est que ces mesures de type pollueur-payeur sont souvent impopulaires, et que l’Etat français est particulièrement sensible à l’opinion de la population, qui peut être violente. On a vu ce qui s’est passé avec l’écotaxe. D’une part, les citoyens donnent une prime au statu quo, et détestent ce qui était gratuit, et devient payant. D’autre part, la France est un pays très centralisé et corporatiste où chaque groupe essaie d’influencer l’Etat pour pousser ses intérêts au détriment des autres groupes. Il parait difficile de sortir de ce système. Je vois deux éléments néanmoins qui peuvent aider à aller dans la bonne direction. D’une part, l’évaluation des effets des politiques publiques sur l’ensemble des parties prenantes. Evaluer, c’est réduire les possibilités de manipulation et le poids du lobbying. D’autre part, l’expérimentation. A Stockholm, on a mis en place un système de péage urbain pendant quelques temps avant de procéder à un référendum. On peut imaginer que sans expérimentation, le péage aurait été accepté beaucoup plus difficilement. 

Les solutions techniques qui permettraient de tendre vers une pollution zéro existent-elles ? Qu'est-ce qui empêche leur développement ? 

Je ne pense pas que l’on puisse sérieusement considérer une société à zéro pollution. Il faut réfléchir à différents scénarios précis de réduction partielle de la pollution, évaluer ce que coûte chaque scénario, puis mettre en rapport ce coût au bénéfice généré en termes de réduction de la pollution.

Y a-t-il des exemples de villes qui ont été confrontées à un échec de leur politique de réduction du coût lié à la pollution ? 

Il est toujours difficile de parler d’échec ou de réussite d’une politique publique. Quels sont les objectifs ? Et par rapport à quoi ? En France, on applique une taxation plus basse pour le diésel, et cela génère relativement plus de particules fines, et donc plus décès sur une échelle locale. D’un autre côté, cela peut aider à réduire les émissions de CO2, et donc les effets négatifs sur les générations futures, à une échelle globale. Certains avancent aussi les effets bénéfiques d’une moindre taxation du diesel pour l’emploi dans le secteur automobile. Dans tous les cas, il est clair que les politiques de réduction de la pollution ont des effets multiples, complexes et parfois pervers. C’est précisément pour cela qu’il faut les évaluer de manière précise, avec des méthodologies robustes et en faisant appel à nos meilleurs experts. C’est précisément l’esprit du récent rapport récent du Sénat.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !